Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) SPP et la société à responsabilité limitée (SARL) TTS ont demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner l'Office national des forêts (ONF) à leur verser la somme de 1 278 079 euros en réparation du préjudice résultant de l'interruption du chantier de rénovation du gîte de 1a Roche Écrite.
Par une ordonnance n° 1700244 du 31 août 2020, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de La Réunion a rejeté leur demande comme manifestement irrecevable.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 novembre 2020, la SAS SPP et la SARL TTS, représentées par Me B..., demandent à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 31 août 2020 ;
2°) de condamner l'Office national des forêts (ONF) à verser à la SAS SPP, mandataire du groupement, la somme de 1 278 079 euros avec intérêts à compter du 24 novembre 2016 et capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de l'ONF la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- en tant qu'EPIC, l'ONF relève du code des relations entre le public et l'administration ;
- c'est à tort que l'ordonnance attaquée a rejeté sa requête comme irrecevable ;
- l'ONF, qui ne pouvait ignorer les mentions du permis de construire, a émis un appel d'offre inadapté, et il n'est pas fondé à soutenir que les prescriptions ne valent pas réglementation et sont inopérantes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 février 2021, l'Office national des forêts, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SAS SPP et de la SARL TTS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'Office national des forêts soutient que :
- la demande portée devant les premiers juges était irrecevable ;
- il n'a commis aucune faute dans la conception ou la mise en oeuvre du marché ;
- il n'y a pas de lien de causalité entre la faute et le préjudicie allégués :
- le préjudice allégué est disproportionné.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- les conclusions de Mme C... D...,
- et les observations de Me A..., substituant Me E..., représentant l'Office national des forêts.
Considérant ce qui suit :
1. Par acte d'engagement du 4 juin 2014, l'Office national des forêts (ONF) a confié à un groupement d'entreprises composé de la SAS SPP, mandataire, et de la SARL TTS, l'exécution du marché de travaux portant sur la rénovation du gîte de la Roche Écrite. Le délai d'exécution a été fixé à cinq mois à compter de l'ordre de service n° 1 du 10 juillet 2014. Toutefois, par arrêté du 10 octobre 2014, la directrice du parc national de La Réunion a décidé que les travaux de rénovation du gîte de la Roche Ecrite devaient être réalisés du 1er avril au 31 juillet 2015 afin de ne pas affecter la reproduction du Tuit-tuit ou Échenilleur de La Réunion, espèce d'oiseau endémique de l'île de La Réunion, conformément au permis de construire obtenu le 26 mai 2014 par l'ONF, dont l'article 2 précisait que " les rotations d'hélicoptères nécessaires aux travaux devront exclusivement être réalisées dans la période comprise entre le 1er avril et le 31 juillet ".
2. Estimant que l'ONF avait commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle, la SAS SPP, en qualité de mandataire du groupement, a saisi l'ONF d'une réclamation tendant au paiement de la somme de 557 176 euros ou, à défaut, à la conclusion d'une transaction. L'ONF a accepté le recours à une transaction, avant d'informer la SAS SPP, par courriel du 27 janvier 2015, de l'impossibilité de transiger, " ce type de dépense n'étant en définitive pas éligible " au mode de financement impliquant des fonds européens. Le marché s'est poursuivi et les sociétés ont adressé, le 3 novembre 2016, une réclamation à l'ONF et, devant son silence, ont saisi le tribunal administratif de La Réunion d'une demande tendant à ce que l'ONF soit condamnée à les indemniser du préjudice subi du fait de l'interruption des travaux. Elles relèvent appel de l'ordonnance du 31 août 2020 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de La Réunion, sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, a rejeté leur demande comme manifestement irrecevable.
3. D'une part, aux termes de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicable au marchés publics de travaux, auquel renvoie l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières du marché en cause : " 50.1. Mémoire en réclamation : / 50.1.1. Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'oeuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. / Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'oeuvre. / Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de trente jours à compter de la notification du décompte général. / Le mémoire reprend, sous peine de forclusion, les réclamations formulées antérieurement à la notification du décompte général et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif. / 50.1.2. Après avis du maître d'oeuvre, le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire sa décision motivée dans un délai de trente jours à compter de la date de réception du mémoire en réclamation. / 50.1.3. L'absence de notification d'une décision dans ce délai équivaut à un rejet de la demande du titulaire. / 50.2. Lorsque le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas donné suite ou n'a pas donné une suite favorable à une demande du titulaire, le règlement définitif du différend relève des procédures fixées aux articles 50.3 à 50.6. / 50.3. Procédure contentieuse : / 50.3.1. A l'issue de la procédure décrite à l'article 50.1, si le titulaire saisit le tribunal administratif compétent, il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs énoncés dans les mémoires en réclamation. / 50.3.2. Pour les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, le titulaire dispose d'un délai de six mois, à compter de la notification de la décision prise par le représentant du pouvoir adjudicateur en application de l'article 50.1.2, ou de la décision implicite de rejet conformément à l'article 50.1.3, pour porter ses réclamations devant le tribunal administratif compétent. / 50.3.3. Passé ce délai, il est considéré comme ayant accepté cette décision et toute réclamation est irrecevable. (...) ".
4. Il résulte de ces stipulations que le titulaire du marché dont le mémoire de réclamation, autre que celui formé contre le décompte général, a donné lieu à une décision défavorable, qu'elle soit implicite ou explicite, n'est pas tenu de saisir le juge du contrat du litige dans un délai déterminé, mais peut choisir d'attendre la notification du décompte général du marché et de reprendre alors, dans une nouvelle réclamation, l'ensemble des réclamations formulées antérieurement à la notification du décompte général et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif.
5. En l'espèce, il est constant, ainsi que l'a relevé le premier juge, que le marché n'a donné lieu à aucun décompte général. Par suite, c'est à tort que le premier juge a opposé à la requête de la SAS SPP et de la SARL TTS une fin de non-recevoir tiré de la méconnaissance des stipulations rappelées au point 2.
6. D'autre part, aux termes de l'article R. 421-4 du code de justice administrative : " Les dispositions des articles R. 421-1 à R. 421-3 ne dérogent pas aux textes qui ont introduit des délais spéciaux d'une autre durée ".
7. Pour les contrats qui se réfèrent expressément au cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, les stipulations de l'article 50 régissent seules les modalités de règlement des différends survenus entre les parties et les délais de saisine du juge. Par suite, le premier juge ne pouvait, en tout état de cause, opposer une fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 421-2 du code de justice administrative.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS SPP et de la SARL TTS sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de La Réunion a rejeté leur demande comme manifestement irrecevable. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de La Réunion pour qu'il statue à nouveau sur la demande de la SAS SPP et de la SARL TTS et mettre à la charge de l'ONF la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance du 31 août 2020 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de La Réunion est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de La Réunion.
Article 3 : L'ONF versera aux SAS SPP et SARL TTS la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée SPP, à la société à responsabilité limitée TTS et à l'Office national des forêts.
Délibéré après l'audience du 25 février 2021 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 mars 2021.
Le président de chambre,
Éric Rey-Bèthbéder
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX03571