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15/03/2021 | FRANCE | N°19BX01785

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 15 mars 2021, 19BX01785


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Distribution Casino France a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 9 janvier 2017 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, annulé la décision du 22 avril 2016 par laquelle l'inspecteur du travail lui avait délivré l'autorisation de licencier Mme F... H... pour motif disciplinaire et, d'autre part, décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande.

Par un jugement n° 17

01002 du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette déci...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Distribution Casino France a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 9 janvier 2017 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, annulé la décision du 22 avril 2016 par laquelle l'inspecteur du travail lui avait délivré l'autorisation de licencier Mme F... H... pour motif disciplinaire et, d'autre part, décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande.

Par un jugement n° 1701002 du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette décision du ministre du travail.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 mai 2019, Mme H..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 mars 2019 ;

2°) de rejeter la demande de la société Distribution Casino France ;

3°) de mettre à la charge de la société Distribution Casino France la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 9 janvier 2017 du ministre du travail est suffisamment motivée ;

- l'inspecteur du travail s'étant déjà prononcé sur les faits invoqués à l'appui de la seconde demande par une décision de rejet devenue définitive, il ne pouvait, en l'absence d'éléments nouveaux, porter une nouvelle fois une appréciation sur les mêmes faits.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 juillet 2019, la société Distribution Casino France, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la condamnation de Mme H... à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le recours hiérarchique de Mme H... en date du 22 juin 2016, et reçu le 24 juin suivant, était tardif et donc irrecevable, la décision du 9 janvier 2017 étant de ce seul fait illégale ;

- la seconde demande d'autorisation de licenciement était recevable ;

- aucun des moyens invoqués par Mme H... n'est fondé ;

- les faits invoqués à l'appui de la demande d'autorisation de licenciement sont établis et sont imputables à l'intéressée.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 juillet 2020, le ministre du travail conclut à l'annulation du jugement attaqué ainsi qu'au rejet de la demande de la société Distribution Casino France.

Il s'en remet à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... G...,

- et les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Distribution Casino France, qui exploite un hypermarché Casino à Mérignac, a embauché Mme F... H... à compter du 6 mai 1995, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, pour y exercer, en dernier lieu, les fonctions de responsable commerciale confirmée. L'intéressée est par ailleurs titulaire d'un mandat de délégué du personnel. Le 6 novembre 2015, la société a saisi l'inspecteur du travail d'une demande tendant à obtenir l'autorisation de licencier de Mme H... pour motif disciplinaire. Par une décision du 14 décembre 2015, l'inspecteur du travail a rejeté cette demande. La société a saisi le ministre du travail, par un courrier en date du 12 février 2016, d'un recours hiérarchique qui a été implicitement rejeté. Cette décision implicite, qui n'a pas été contestée dans les délais de recours contentieux, est devenue définitive. Toutefois, la société avait au préalable engagé une nouvelle procédure de licenciement et saisi à nouveau l'inspecteur du travail, le 29 janvier 2016, d'une demande d'autorisation de licencier Mme H.... Cette autorisation a été accordée par une décision de l'inspecteur du travail en date du 22 avril 2016. Mme H... a formé, par une lettre en date du 22 juin 2016, un recours hiérarchique, qui a été implicitement rejeté. Par une décision du 9 janvier 2017, le ministre du travail a retiré cette décision implicite, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 22 avril 2016 et déclaré qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande d'autorisation de licenciement. Mme H... relève appel du jugement du 7 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette dernière décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

3. Par la décision en litige du 9 janvier 2017, le ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 22 avril 2016 au motif que la demande à laquelle cette décision faisait droit portait sur les mêmes faits que ceux ayant fait l'objet d'une décision de refus d'autorisation de licenciement le 14 décembre 2015 et que l'appréciation portée sur ces faits à l'issue de cette première procédure revêtait un caractère définitif.

4. Il ressort des pièces du dossier que la société Distribution Casino France, qui reprochait à Mme H... d'avoir participé à une opération de détournement de fonds entre le 17 octobre 2014 et le 3 octobre 2015, a engagé une procédure d'autorisation de licenciement pour faute le 6 novembre 2015. Par une décision du 14 décembre 2015, l'inspecteur du travail a rejeté cette demande en raison notamment des vices ayant entaché la procédure interne de licenciement menée par l'entreprise, tenant à la méconnaissance des droits de la défense et du principe du contradictoire, d'une part, lors de l'entretien préalable et, d'autre part, à l'occasion de la réunion du comité d'entreprise. Dès lors que la procédure initiale était ainsi viciée, l'employeur ne pouvait procéder au licenciement de Mme H... sauf à présenter une nouvelle demande en ce sens à l'inspection du travail, ce qu'il a fait le 29 janvier 2016. A cet égard, et contrairement à ce qu'a considéré le ministre du travail dans la décision en litige, la circonstance que la société a, le 16 février suivant, adressé audit ministre un recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail du 14 décembre 2015, qui a donné lieu à une décision implicite de rejet née le 17 juin 2016, devenue définitive, ne saurait par elle-même la priver de la possibilité de saisir à nouveau l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licencier Mme H... pour les mêmes faits, dès lors qu'à la date de cette demande les faits qui la fondent n'étaient pas prescrits.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée en défense, que Mme H... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du ministre du travail du 9 janvier 2017. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de Mme H... une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais engagés par la société Distribution Casino France.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme H... est rejetée.

Article 2 : Mme H... versera à la société Distribution Casino France une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... H..., à la société Distribution Casino France et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 8 février 2021 à laquelle siégeaient :

Mme D... C..., présidente,

Mme I..., première conseillère,

Mme E... G..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 mars 2021.

La rapporteure,

Sylvie G...

La présidente,

Karine C...

La greffière,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 19BX01785


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : GATA

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 15/03/2021
Date de l'import : 30/03/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19BX01785
Numéro NOR : CETATEXT000043260920 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-15;19bx01785 ?
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