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15/03/2021 | FRANCE | N°18BX03997

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 15 mars 2021, 18BX03997


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association département animation a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le titre exécutoire émis le 26 mai 2016 par lequel la commune de Royan lui a ordonné de reverser la somme de 1 868 548 euros correspondant aux subventions qu'elle a perçues entre 2007 et 2011.

Par un jugement n° 1601703 du 27 septembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a annulé le titre exécutoire émis le 26 mai 2016 par la commune de Royan et a déchargé l'association département animation de

l'obligation de payer la somme correspondante.

Procédure devant la cour :

Par u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association département animation a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le titre exécutoire émis le 26 mai 2016 par lequel la commune de Royan lui a ordonné de reverser la somme de 1 868 548 euros correspondant aux subventions qu'elle a perçues entre 2007 et 2011.

Par un jugement n° 1601703 du 27 septembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a annulé le titre exécutoire émis le 26 mai 2016 par la commune de Royan et a déchargé l'association département animation de l'obligation de payer la somme correspondante.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 novembre 2018, la commune de Royan, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du

27 septembre 2018 ;

2°) de mettre à la charge de l'association département animation la somme de 3 600 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les irrégularités et dissimulations commises par l'association département animation sont multiples, la chambre régionale des comptes ayant relevé dans son rapport d'observations définitives du 30 mai 2012 une vie institutionnelle très réduite, un avantage injustifié consenti à son président et une opacité financière de la principale opération réalisée ;

- le lien de causalité entre les irrégularités constatées et le versement ainsi que l'utilisation des subventions allouées est établi ;

- au regard de l'ensemble des irrégularités commises par l'association, elle ne pouvait pas solliciter seulement pour partie le reversement du montant total des subventions allouées.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 janvier 2020, l'association département animation, représentée par le cabinet d'avocats Noyer-Cazcarra, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Royan de la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la commune de Royan n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... A..., présidente ;

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public ;

- et les observations de Me E..., représentant la commune de Royan et de Me B..., représentant l'association département animation.

Considérant ce qui suit :

1. L'association département animation, association loi de 1901, a été créée en 1990 pour exercer une mission consistant notamment en l'organisation, la réalisation ou éventuellement l'assistance technique à des manifestations touristiques, culturelles, artistiques et sportives pour le compte de la commune de Royan laquelle lui a versé à ce titre des subventions publiques pendant plusieurs années. Son objet social a par la suite été élargi à la réalisation d'activités en lien avec l'insertion des personnes. A la suite d'un rapport établi le 30 mai 2012 sur la gestion de l'association département animation pour les exercices 2007 à 2011 par la chambre régionale des comptes d'Aquitaine Poitou-Charentes saisie le

8 mars 2011 par le maire de Royan, le conseil municipal de cette commune a décidé, par une délibération en date du 14 septembre 2012, d'exiger le reversement des subventions allouées pour un montant total de 1 868 548 euros à ladite association entre 2007 et 2011 au motif qu'elles avaient été obtenues " par dissimulation voire par fraude ". Le 8 novembre 2012, la commune de Royan a émis un titre exécutoire pour le recouvrement de cette somme. Par un jugement n° 1300090 du 22 octobre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a annulé ce titre exécutoire au motif que la procédure contradictoire n'avait pas été respectée. Le 26 mai 2016, la commune a émis un nouveau titre exécutoire pour le recouvrement de cette même somme. Par un jugement n° 1601703 du 27 septembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a annulé ce titre exécutoire et a déchargé l'association département animation de l'obligation de payer la somme de 1 868 548 euros. La commune de Royan relève appel de ce dernier jugement.

2. Sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. L'attribution d'une subvention par une personne publique créé des droits au profit de son bénéficiaire. Toutefois, de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où la subvention n'a pas été obtenue par fraude et lorsque le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu'elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d'octroi, qu'elles aient fait l'objet d'une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu'elles découlent implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention.

3. Un acte administratif obtenu par fraude ne crée pas de droits et, par suite, peut être retiré ou abrogé par l'autorité compétente pour le prendre, alors même que le délai de retrait de droit commun serait expiré. Toutefois, dès lors que les délais encadrant le retrait d'un acte individuel créateur de droit sont écoulés, il appartient à l'administration d'établir la preuve de la fraude, tant s'agissant de l'existence des faits matériels l'ayant déterminée à délivrer l'acte que de l'intention du demandeur de la tromper, pour procéder à ce retrait.

4. Pour décider, par une délibération du conseil municipal du 14 septembre 2012, du reversement des subventions allouées à l'association département animation entre 2007 et 2011 pour un montant total de 1 868 548 euros, et émettre en conséquence le 26 mai 2016 un titre exécutoire pour le recouvrement de cette somme, la commune de Royan a estimé que les irrégularités relevées dans le rapport d'observations définitives de la chambre régionale des comptes d'Aquitaine Poitou-Charentes du 30 mai 2012, sur lequel elle s'est fondée, révélaient que l'association avait obtenu les subventions " par dissimulation voire par fraude ".

5. Il ressort de ce rapport d'observations définitives de la chambre régionale des comptes que plusieurs irrégularités ont émaillé la gestion de l'association département animation, marquée par un manque de transparence et une vie institutionnelle réduite qui laissait de grandes latitudes à son président, lequel occupait également les fonctions de trésorier. L'association a notamment octroyé des indemnités kilométriques injustifiées à son président jusqu'au mois d'avril 2010, a légèrement minoré certaines recettes, a inscrit en comptabilité des provisions irrégulières et a acquis, au moyen d'un montage juridique et financier complexe, un fonds de commerce et des locaux commerciaux qui ont ensuite été revendus à son président.

6. Il est toutefois constant que l'association département animation a annuellement transmis à la commune de Royan l'ensemble des documents exigés par les articles 2 des conventions d'objectifs conclues chaque année entre les parties, à savoir un compte de résultat, un rapport d'activité, un extrait de comptabilité pour chaque opération menée et les procès-verbaux des assemblées générales et des séances du conseil d'administration. A l'exception d'une erreur ponctuelle relevée par la chambre régionale des comptes, les documents comptables transmis à la commune étaient sincères et permettaient donc à celle-ci d'apprécier l'utilisation que l'association avait faite des subventions accordées et le niveau de subvention qu'il convenait de lui octroyer pour l'année suivante. Par ailleurs, dans la mesure où les subventions versées par la commune ne représentaient qu'environ 35 % des ressources de l'association et dès lors qu'il est constant que celle-ci a rempli l'ensemble des objectifs qui lui étaient assignés par la commune, la seule constatation des irrégularités relevées au point précédent ne permet pas de considérer que les subventions versées auraient été employées à d'autres fins que celles pour lesquelles elles ont été accordées. Dans ces conditions, la commune de Royan n'établit pas que les subventions dont elle réclame le reversement ont été obtenues par fraude. C'est dès lors à bon droit qu'après avoir estimé que la commune de Royan ne pouvait exiger le reversement de ces subventions, les premiers juges ont annulé le titre exécutoire émis le 26 mai 2016 par la commune de Royan portant sur le reversement par l'association département animation de la somme de 1 868 548 euros correspondant aux subventions perçues entre 2007 et 2011 et ont déchargé cette association de l'obligation de payer la somme correspondante.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Royan n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé le titre exécutoire du 26 mai 2016 et déchargé l'association département animation de l'obligation de payer la somme pour le recouvrement de laquelle il a été émis.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association département animation, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la commune de Royan demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Royan la somme de

1 500 euros à verser à l'association département animation au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DECIDE:

Article 1er : La requête de la commune de Royan est rejetée.

Article 2 : La commune de Royan versera à l'association département animation la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Royan et à l'association département animation.

Délibéré après l'audience du 8 février 2021 à laquelle siégeaient :

- Mme C... A..., présidente ;

- Mme G..., première conseillère ;

- Mme D... F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 mars 2021.

L'assesseure la plus ancienne dans l'ordre du tableau,

G...

La présidente-rapporteure,

Karine A...

La greffière,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 18BX03997 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03997
Date de la décision : 15/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Différentes catégories d'actes - Actes administratifs - classification - Actes individuels ou collectifs - Actes créateurs de droits.

Associations et fondations - Questions communes - Ressources.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Karine BUTERI
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : CAPIAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-15;18bx03997 ?
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