Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitées (SARL) Saint-Jacques Investissements a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013.
Par un jugement n° 1800550 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 juillet 2019 et 16 octobre 2020, la SARL Saint-Jacques Investissements, représentée par Me H..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 20 juin 2019 ;
2°) de prononcer la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SARL Saint-Jacques Investissements soutient que :
- l'administration a pris position, dans le cadre de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, dans un courrier du 21 juin 2011, sur sa situation au regard des dispositions de l'article 261 du code général des impôts ;
- elle est en mesure de fournir, en plus de l'hébergement, les services d'accueil, de ménage, de lingerie et de petit déjeuner ;
Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 février et 12 novembre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête, et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 13 novembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 10 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme I...,
- les conclusions de M. A... E...,
- et les observations de Me C..., substituant Me H..., représentant la SARL Saint-Jacques Investissements.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Saint-Jacques Investissements exploite dans le cadre de baux commerciaux consentis par les propriétaires, des logements situés dans une résidence se présentant comme une résidence pour étudiants, la résidence " Les Mas de Compostelle " à La Souterraine (Creuse), et a assujetti cette activité à la taxe sur la valeur ajoutée. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, à l'issue de laquelle le service a considéré que son activité de location en meublée ne pouvait être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée et lui a notifié des rappels de taxe pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2013. Elle relève appel du jugement du 20 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui trouve son origine dans le contrôle précité.
Sur l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 261 D du code général des impôts : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. / Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : (...) b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. (...) ".
3. Ces dispositions, qui fixent les critères de la taxation des prestations de location de logements meublés, doivent être interprétées, pour le respect des objectifs énoncés par la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, de manière à garantir que ne soient exonérés du paiement de la taxe que des assujettis dont l'activité ne remplit pas la ou les fonctions essentielles d'une entreprise hôtelière et qui ne sont donc pas en concurrence potentielle avec ces dernières entreprises. Les critères définis par la loi et précisés par la jurisprudence n'exigent pas que les prestations para-hôtelières soient effectivement effectuées, mais seulement que la société dispose des moyens nécessaires pour répondre aux éventuelles demandes de ses clients.
4. La résidence " Les Mas de Compostelle ", qui se présente comme une résidence destinée aux étudiants, comporte six appartements, dont seuls quatre étaient livrés en 2013. Il s'agit d'appartement de type T2 ou T3 meublés, dont, ainsi qu'il résulte de la proposition de rectification du 8 juillet 2015, un seul était occupé par deux étudiantes colocataires en 2013, deux autres étant loués par des salariés et le dernier étant vide. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 8 juillet 2015 adressée à la SARL Saint-Jacques Investissements, que lors de la vérification de comptabilité dont la société a fait l'objet, son gérant, M. B..., a précisé au vérificateur que trois services étaient proposés au locataire, la fourniture du petit déjeuner, le nettoyage des locaux et la fourniture du linge de maison. Le vérificateur n'ayant trouvé aucune trace en comptabilité de dépenses afférentes à ces prestations, et constaté que la société ne disposait d'aucun personnel sur place, le gérant lui a expliqué qu'aucun locataire n'était intéressé par le ménage et la fourniture de linge et que, s'agissant du petit déjeuner, un local était mis à disposition et que le café était acheté par M. B... " à titre personnel ". Estimant que la société n'était pas en mesure de fournir aux résidents trois des prestations mentionnées au b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, le service vérificateur a considéré que la société n'était pas soumise à la taxe sur la valeur ajoutée et que, dès lors, elle ne pouvait déduire la taxe sur la valeur ajoutée acquittée auprès de ses fournisseurs.
5. La SARL Saint-Jacques Investissements produit le prospectus de publicité de la résidence de 2013 qui mentionne, au titre des services inclus, l'accueil et le " kit linge " et, au titre des services " à la carte ", le ménage et le petit déjeuner. La société produit également un document dont elle prétend qu'il s'agit de la publicité pour les services affichée dans les locaux de la résidence, ainsi qu'une affiche, dont elle soutient qu'elle est apposée sur la porte de la résidence, qui précise que l'accueil et la réception se font auprès de la société elle-même.
En ce qui concerne le petit déjeuner :
6. Si, comme il vient d'être dit, les publicités font état d'un service de petit déjeuner en option, il est constant que les contrats de bail ne le mentionnent pas. La SARL Saint-Jacques Investissements produit un procès-verbal d'huissier dressé le 8 juillet 2015 qui relève l'existence d'une cafétéria, sur les murs de laquelle les conditions du petit déjeuner sont affichées, comportant deux tables et trois chaises, ainsi qu'une kitchenette équipée d'un petit four, d'une machine à café, d'une bouilloire et de café et dosettes de sucre. Toutefois, d'une part, ce procès-verbal est postérieur à la période d'imposition en cause ainsi qu'au contrôle sur place, et, d'autre part, la circonstance qu'un local soit mis à disposition des locataires n'établit pas que la société disposait des moyens nécessaires pour assurer la fourniture du petit déjeuner dans des conditions similaires à celles pratiquées par un établissement hôtelier, alors qu'il est constant que, sur l'ensemble de la période contrôlée, sa comptabilité ne faisait apparaître aucune opération relative à cette prestation, tant en dépenses qu'en recettes.
En ce qui concerne la fourniture du linge :
7. Il résulte de l'instruction que, si le prospectus de publicité de la résidence de 2013 mentionne un " kit linge " au titre des services inclus, les contrats de bail ne font aucune référence à ce service. Lors de la vérification de comptabilité, le gérant de la société a précisé que la mention " kit linge " faisait uniquement référence à la fourniture, en début de location, d'une couette et d'un oreiller, avant d'expliquer que les draps et serviettes étaient fournis en supplément, selon un tarif hebdomadaire de 5 euros la paire de draps et 2 euros les deux serviettes. Si la SARL Saint-Jacques Investissements fait valoir que le constat d'huissier du 8 juillet 2015 fait état d'une " petite pièce en renfoncement " dans laquelle se trouvent oreillers, couettes, draps et taies d'oreiller, il est constant que sur l'ensemble de la période contrôlée, la comptabilité de la société ne fait apparaître aucune opération relative à cette prestation, tant en dépenses qu'en recettes, et en particulier aucun achat de draps et serviettes. Si la société fait également valoir que cette prestation était gérée par l'agence de la Marche et du Limousin, agence immobilière dont M. B... est également le gérant et qui a été chargée de la gestion locative de la résidence, elle se borne à produire une " convention de mise à disposition " qui ne fait nullement mention d'un service de fourniture de linge que l'agence s'engagerait à prendre en charge. Dès lors, il ne résulte pas de l'instruction que la SARL Saint-Jacques Investissements disposait des moyens nécessaires pour assurer la fourniture du linge dans des conditions similaires à celles pratiquées par un établissement hôtelier.
8. Il résulte de ce qui précède qu'à supposer même établi que la SARL Saint-Jacques Investissements ait été en mesure, au titre des années en cause, d'assurer les prestations de nettoyage régulier des locaux et la réception de la clientèle, elle n'est pas fondée à soutenir que l'exonération prévue par le 4° de l'article 261 D du code général des impôts ne lui serait pas applicable.
Sur l'existence d'un rescrit :
9. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration (...) ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ".
10. Peuvent se prévaloir de la garantie prévue à l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, pour faire échec à l'application de la loi fiscale, les contribuables qui se trouvent dans la situation de fait sur laquelle l'appréciation invoquée a été portée ainsi que les contribuables qui, à la date de la prise de position de l'administration, ont été partie à l'acte ou participé à l'opération qui a donné naissance à cette situation sans que les autres contribuables puissent utilement invoquer une rupture à leur détriment du principe d'égalité.
11. Il résulte de l'instruction que, par courrier du 10 juin 2011, la SCI Les Hauts Saint-Michel, qui a procédé à la création et à la commercialisation de la résidence " Les Mas de Compostelle ", a saisi l'administration d'une demande présentant son projet, et précisant " l'exploitant prendra l'engagement d'assurer 3 services obligatoires (...) : nettoyage régulier des locaux, fourniture de linge de maison, service petit déjeuner ". Dans sa réponse du 21 juin 2011, l'administration a constaté que " les conditions d'exploitations que vous décrivez permettent de regarder ces opérations d'hébergement comme similaires à celles rendues par les établissements hôteliers exploités de manière professionnelle ".
12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 8 que la SARL Saint-Jacques Investissements n'assure pas les trois services mentionnés dans le courrier du 10 juin 2011 et ne se trouve dès lors pas dans la situation de fait sur laquelle l'appréciation de l'administration a porté. Par suite, en tout état de cause, elle ne peut se prévaloir de la prise de position contenue dans ce courrier.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Saint-Jacques Investissements n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Saint-Jacques Investissements est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Saint-Jacques Investissements et au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 11 février 2021 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme G..., présidente-assesseure,
Mme D... F..., première conseillère.
Rendu public par dépôt au greffe le 11 mars 2021.
Le président de chambre,
Éric Rey-Bèthbéder
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX03101