Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2019 par lequel le préfet de l'Indre a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n°1901429 du 8 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2019, M. A..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 8 octobre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 18 juillet 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Indre de lui délivrer une carte de séjour temporaire, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- cette décision est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation dès lors que le préfet n'a abordé sa situation que sous l'angle du rejet de sa demande d'asile alors qu'il justifiait d'un rendez-vous auprès des services de la préfecture le 31 juillet 2019 en vue du dépôt d'une demande de titre de séjour " étranger malade " ; lorsqu'il s'est présenté le 31 juillet 2019, l'agent du guichet a refusé de lui délivrer le formulaire pour le dépôt de cette demande et a lui remis l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national ;
- la gravité de son état de santé justifie la délivrance de plein droit d'un titre de séjour dès lors qu'il ne peut bénéficier d'une prise en charge dans son pays d'origine et que l'absence de traitement aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
- la décision de refus de titre de séjour est dépourvue de motivation ;
- elle est entachée d'erreur de fait en ce qu'elle mentionne de façon erronée l'absence de demande de titre de séjour sur un autre fondement que l'asile.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- l'absence de notification de la décision de rejet de sa demande d'asile par la CNDA faisait obstacle à son éloignement ;
- la décision attaquée méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il ne peut bénéficier d'une prise en charge médicale en Géorgie ;
- le préfet s'est cru à tort lié par la décision de la CNDA sans analyser sa situation alors que sa demande de rendez-vous est antérieure à la décision attaquée ;
- la preuve de l'absence de traitement dans le pays d'origine incombe au collège des médecins de l'OFII.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard au système de santé de la Géorgie.
Par un mémoire en défense, enregistré 5 février 2021, le préfet de l'Indre conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 4 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative et le décret n° 1406-2020 du 18 novembre 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme D... G... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., ressortissant géorgien né le 13 mai 1965 à Tbilissi, est entré en France le 4 mars 2018. Le 4 avril 2018, il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 5 juin 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 12 décembre 2018. Par un arrêté du 18 juillet 2019, le préfet de l'Indre lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour au titre de l'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 8 octobre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. ".
3. La décision en litige porte refus de séjour au titre de l'asile et indique que l'intéressé n'a déposé aucune demande de titre de séjour à un autre titre. Elle porte également obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant à l'autorité administrative d'obliger un étranger à quitter le territoire français lorsque, comme en l'espèce, la reconnaissance de la qualité de réfugié lui a été définitivement refusée. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre le 29 mai 2019 par les services de la préfecture de l'Indre, soit antérieurement à l'arrêt attaqué, une convocation mentionnant un rendez-vous fixé au 31 juillet 2019 en vue du dépôt d'une première demande de titre de séjour. M. A... soutient sans être sérieusement contredit, s'être présenté au rendez-vous sans avoir eu la possibilité de déposer sa demande de titre de séjour " étranger malade ", l'agent du guichet lui ayant opposé l'arrêté du 18 juillet 2019. En prenant la décision attaquée, alors que M. A... justifiait d'un rendez-vous auprès de ses services de la préfecture de l'Indre en vue du dépôt d'une demande de titre séjour " étranger malade ", le préfet a entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier de la situation de M. A... alors qu'eu égard à la gravité des pathologies dont est atteint M. A..., il ne ressort pas des pièces du dossier que sa demande aurait été dilatoire. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, la décision de refus de titre de séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire français doivent être annulées ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination.
4. Il résulte de tout de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 juillet 2019.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Eu égard au motif d'annulation retenu, seul fondé en l'état du dossier, le présent arrêt implique, non qu'un titre de séjour soit délivré à M. A..., mais que sa demande soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de l'Indre de procéder à ce réexamen et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros à Me F..., avocat de M. A..., au titre des frais exposés devant la cour et non compris dans les dépens, ce versement entraînant renonciation de l'avocat à la part contributive de l'Etat, conformément au deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1901429 du 8 octobre 2019 du magistrat désigné par le tribunal administratif de Limoges est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 18 juillet 2019 du préfet de l'Indre est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Indre de procéder au réexamen de la demande de M. A... et de prendre une nouvelle décision dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me F... une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me F..., au ministre de l'intérieur et au préfet de l'Indre.
Délibéré après l'audience du 9 février 2021 à laquelle siégeaient :
Mme E... B..., présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme D... G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mars 2021.
La présidente,
Elisabeth B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX04341