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02/03/2021 | FRANCE | N°19BX00458

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 02 mars 2021, 19BX00458


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1700277, 1700278 du 21 décembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 février 2019 et un mémoire enregistré le 20 septembre 2

020, M. A..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1700277, 1700278 du 21 décembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 février 2019 et un mémoire enregistré le 20 septembre 2020, M. A..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 21 décembre 2018 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conditions de mise en oeuvre de la taxation d'office n'étant pas réunies, l'administration n'est pas fondée à soutenir que la charge de la preuve lui incombe ;

- l'administration n'établit pas que son chiffre d'affaires, qui relève des bénéfices non commerciaux, excède le seuil permettant de bénéficier du régime d'auto-entrepreneur ;

- la méthode de reconstitution de recettes retenue par l'administration et validée par le tribunal est viciée dès lors qu'elle a considéré comme recettes imposables la différence entre les encaissements figurant sur ses comptes bancaires et les versements effectués aux tiers. Or, seuls les honoraires facturés à ses clients constituent des recettes imposables et non les appels de fonds qui ne constituent que des sommes reçues des clients et reversées aux entreprises du bâtiment.

Par mémoire en défense enregistré le 29 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 19 août 2020 la clôture d'instruction a été fixée au 21 septembre 2020 à 12h00.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. H... D...,

- et les conclusions de Mme B... C..., rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., qui déclarait depuis 2009 exercer une activité de décoration d'intérieur en tant qu'auto-entrepreneur a déposé, le 11 février 2013, une déclaration de modification de son activité, prenant effet le 1er janvier 2013, selon le même régime, mentionnant une activité de " conseil en décoration ". M. A... a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013. A l'issue de ce contrôle, l'administration a requalifié la nature de l'activité exercée par M. A..., déclarée en bénéfices industriels et commerciaux, en travail d'assistant à maitrise d'ouvrage relevant des bénéfices non commerciaux. M. A... a également fait l'objet sur la même période d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle à l'issue duquel, l'administration a réintégré, dans le cadre d'une procédure de rectification contradictoire, les bénéfices non commerciaux reconstitués à l'impôt sur le revenu au titre des années 2012 et 2013. Enfin, ces contrôles ont aussi donné lieu à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la même période, dans le cadre d'une procédure de taxation d'office par application des dispositions du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales. Les impositions supplémentaires résultant de ces procédures ont été mises en recouvrement pour un montant total en droits et pénalités de 92 004 euros pour les rappels de TVA et de 165 889 euros pour les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu (70 572 euros pour l'année 2012 et 95 317 euros pour l'année 2013). M. A... relève appel du jugement du 21 décembre 2018, par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article 92 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçant et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profit ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ".

3. Au cours de la vérification de comptabilité dont il a fait l'objet, M. A... a reconnu exercer en 2012 et 2013 une activité d'assistance à maîtrise d'ouvrage, consistant en une mission de conseil, de coordination, de suivi et de réception de chantiers pour le compte des propriétaires dans le cadre de projets de rénovation ou d'extension d'ensembles immobiliers. En conséquence, l'administration a considéré que l'activité exercée par M. A... relevait de la catégorie des bénéfices non commerciaux et non de celle déclarée des bénéfices industriels et commerciaux. M. A... ne conteste pas cette requalification de ses bénéfices mais conteste le montant de son chiffre d'affaires retenu par l'administration pour chacune des deux années en litige ayant pour conséquence de remettre en cause les avantages fiscaux dont il bénéficiait au titre des dispositions des articles 102 ter et 293 B du code général des impôts.

4. Aux termes de l'article 102 ter du code général des impôts : " 1. Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux d'un montant annuel, ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'activité au cours de l'année civile, n'excédant pas 32 600 euros hors taxes est égal au montant brut des recettes annuelles diminué d'une réfaction forfaitaire de 34 % avec un minimum de 305 euros. (...) 6. Sont exclus de ce régime : a. Les contribuables qui exercent plusieurs activités dont le total des revenus, abstraction faite des recettes des offices publics ou ministériels, excède la limite mentionnée au 1 ; b. Les contribuables qui ne bénéficient pas des dispositions du I de l'article 293 B. Cette exclusion prend effet à compter du 1er janvier de l'année de leur assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée ".

5. Aux termes de l'article 293 B du code général des impôts : " -Pour leurs livraisons de biens et leurs prestations de services, les assujettis établis en France, à l'exclusion des redevables qui exercent une activité occulte au sens du troisième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, bénéficient d'une franchise qui les dispense du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, lorsqu'ils n'ont pas réalisé : (...) 2° Et un chiffre d'affaires afférent à des prestations de services, hors ventes à consommer sur place et prestations d'hébergement, supérieur à : a) 32 600 € l'année civile précédente ; b) Ou 34 600 € l'année civile précédente, lorsque la pénultième année il n'a pas excédé le montant mentionné au a. / II.--1. Le I cesse de s'appliquer : (...) b) Ou à ceux dont le chiffre d'affaires de l'année en cours afférent à des prestations de services, hors ventes à consommer sur place et prestations d'hébergement, dépasse le montant mentionné au b du 2° du I. / 2. Les assujettis visés au 1 deviennent redevables de la taxe sur la valeur ajoutée pour les prestations de services et les livraisons de biens effectuées à compter du premier jour du mois au cours duquel ces chiffres d'affaires sont dépassés. (...). "

6. Il résulte de ces dispositions, qu'un contribuable qui perçoit des revenus non commerciaux dont le montant annuel n'excède pas 32 600 euros, hors taxe, bénéficie d'une réfaction forfaitaire de 34 % pour le calcul de son résultat imposable et qu'il bénéficie également, pour ses prestations de service, lorsque le chiffre d'affaires de ces prestations réalisées l'année civile précédente, n'a pas été supérieur à 32 600 euros, d'une franchise qui le dispense du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Ces dispositions cessent de s'appliquer aux assujettis dont le chiffre d'affaires de l'année en cours dépasse 32 600 euros. Ces derniers deviennent dès lors redevables de la taxe sur la valeur ajoutée pour les prestations de services et les livraisons de biens effectuées à compter du premier jour du mois au cours duquel ces chiffres d'affaires sont dépassés.

7. En l'espèce, dans le cadre de son activité initialement déclarée de décorateur d'intérieur, imposée dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, M. A... a déclaré un montant de bénéfice de 32 400 euros au titre de l'année 2012 et la même somme au titre de l'année 2013. Cependant, comme il a été mentionné au point 3, M. A... a reconnu que son activité consistait en réalité en un travail d'assistant à maîtrise d'ouvrage relevant des bénéfices non commerciaux défini à l'article 92-1 du code général des impôts.

8. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que les sommes portées sur les crédits bancaires de l'intéressé, provenant de ses clients, que l'administration a recueillis dans le cadre de l'exercice de son droit de communication effectué auprès des organismes bancaires détenant un compte au nom de M. A..., se sont élevés au total à 540 795,02 euros en 2012 et à 466 582,20 euros en 2013. L'administration, en tenant compte des reversements d'appels de fonds aux artisans effectués par M. A..., a donc estimé que le montant des recettes encaissées par l'intéressé, correspondant à son activité d'assistance à maîtrise d'ouvrage, était de 201 795 euros au titre de 2012 et de 256 054 euros au titre de 2013, soit des montants supérieurs aux montants déclarés et aux limites du régime spécial " micro-BNC " prévu par l'article 102-ter précité du code général des impôts.

9. M. A... soutient que la méthode de reconstitution de recettes retenue par l'administration est viciée dès lors qu'elle a considéré comme recettes imposables la différence entre les encaissements figurant sur ses comptes bancaires et les versements effectués aux tiers. Or, selon M. A..., seuls les honoraires facturés à ses clients constituent des recettes imposables et non les appels de fonds qui ne constituent que des sommes reçues des clients et reversées aux entreprises du bâtiment.

10. Selon l'article 93 du code général des impôts, applicable aux bénéfices non commerciaux, " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 99 du même code : " Les contribuables soumis obligatoirement au régime de la déclaration contrôlée (...) sont tenus d'avoir un livre journal servi au jour le jour et présentant le détail de leurs recettes et de leurs dépenses professionnelles. Le livre-journal tenu par les contribuables non adhérents d'une association de gestion agréée comporte, quelle que soit la profession exercée, l'identité déclarée par le client ainsi que le montant, la date et la forme du versement des honoraires. (...) ".

11. Il résulte de l'instruction que M. A... n'a produit aucun livre journal probant mais seulement un livre de recettes par année retraçant les factures des commissions émises. Il a également produit une copie des mandats signés avec ses clients ainsi que l'ensemble des factures d'appel de fonds et de commissions éditées par ses soins. Cependant, les factures relatives aux commissions ne sont pas numérotées et ne mentionnent pas, pour la plupart, l'adresse des chantiers suivis. Par ailleurs, si M. A... fait valoir que les crédits bancaires constatés par l'administration correspondaient aux appels de fonds versés par les clients avec une partie des sommes servant à acquitter les factures des artisans et autres fournisseurs de matériaux et l'autre partie constituant sa rémunération, il ne justifie pas la différence constatée entre les commissions facturées aux clients au titre de ses honoraires et les sommes qu'il a encaissées, y compris après avoir extourné les sommes correspondant aux reversements acquittés aux entreprises intervenant sur les chantiers. En outre, M. A... n'a présenté aucune facture des artisans payés dans le cadre de l'exécution des mandats d'assistance à maîtrise d'ouvrage ni aucune des factures qu'il aurait acquittées aux fournisseurs de matériaux. Dès lors, l'administration a pu reconstituer le chiffre d'affaires de M. A... en se fondant sur la différence entre, d'une part, les crédits bancaires encaissés par ce dernier, relatifs aux appels de fonds et, d'autre part, les sommes qu'il a effectivement reversées à des entreprises partenaires chargées de réaliser les travaux chez ses clients. Ainsi, eu égard à l'ensemble des irrégularités constatées au niveau des pièces comptables requises et des justificatifs, et alors que M. A... n'apporte pas d'éléments permettant d'établir que les sommes qu'il a reversées aux entrepreneurs seraient supérieures à celles évaluées par l'administration, il n'est pas fondé à soutenir que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires pratiquée par l'administration serait viciée.

12. Il résulte de ce qui précède que c'est par une exacte application des dispositions précitées de l'article 102 ter du code général des impôts et de l'article 293 B du même code que l'administration a estimé que M. A... ne pouvait bénéficier des avantages de ces dispositions, tant au niveau de l'imposition de ses bénéfices qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée. En conséquence, c'est à bon droit que l'administration a appliqué le régime de la déclaration contrôlée aux bénéfices non commerciaux perçus par M. A..., au titre des années en litige, et a soumis son chiffre d'affaires réalisé au titre de ces deux années à la taxe sur la valeur ajoutée dans le cadre de la procédure de taxation d'office prévue par les dispositions du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, en cas de non dépôt de déclaration.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande de décharge des impositions et pénalités en litige.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 2 février 2021 à laquelle siégeaient :

Mme G... I..., présidente,

M. H... D..., président-assesseur,

M. E... Normand, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2021.

La présidente,

Brigitte I...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX00458


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00458
Date de la décision : 02/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19 Contributions et taxes.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. Dominique FERRARI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET DOMINIQUE RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 12/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-02;19bx00458 ?
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