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26/02/2021 | FRANCE | N°21BX00167

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (juge unique), 26 février 2021, 21BX00167


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée le 30 juillet 2019, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de la Martinique :

1°) d'annuler partiellement l'arrêté du directeur général du centre hospitalier universitaire de la Martinique (CHUM) en date du 29 mars 2019 en tant qu'il fixe la liste d'aptitude pour la promotion des agents de l'établissement au grade d'adjoint des cadres hospitaliers de classe normale ;

2°) d'annuler les deux décisions subséquentes en date du 25 avril 2019 portant détach

ement de M. C... et de Mme F... en qualité d'adjoints des cadres hospitaliers de classe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée le 30 juillet 2019, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de la Martinique :

1°) d'annuler partiellement l'arrêté du directeur général du centre hospitalier universitaire de la Martinique (CHUM) en date du 29 mars 2019 en tant qu'il fixe la liste d'aptitude pour la promotion des agents de l'établissement au grade d'adjoint des cadres hospitaliers de classe normale ;

2°) d'annuler les deux décisions subséquentes en date du 25 avril 2019 portant détachement de M. C... et de Mme F... en qualité d'adjoints des cadres hospitaliers de classe normale stagiaires ;

3°) d'enjoindre au directeur général du centre hospitalier universitaire de la Martinique d'établir une nouvelle liste d'aptitude tenant compte de ses droits à avancement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir ;

4°) d'enjoindre au directeur général du centre hospitalier universitaire de la Martinique de transmettre aux membres de la commission administrative paritaire locale le procès-verbal de la séance du 28 mars 2019, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir ;

5°) de condamner le centre hospitalier universitaire de la Martinique à lui verser des indemnités d'un montant total de 15 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ;

Par un jugement n° 1900452 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 29 mars 2019 en tant qu'il fixe la liste d'aptitude pour la promotion au grade d'adjoint des cadres hospitaliers de classe normale, enjoint au centre hospitalier universitaire de la Martinique d'établir une nouvelle liste d'aptitude pour la promotion au grade d'adjoint des cadres hospitaliers de classe normale pour l'année 2019, dans le délai de deux mois, et constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. B... tendant à l'annulation des deux décisions en date du 25 avril 2019 portant détachement de M. C... et Mme F... en qualité d'adjoints des cadres hospitaliers de classe normale stagiaires, qui avaient été retirées le 2 août 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 janvier 2021 sous le n° 21BX00167 le CHUM, représenté par la SARL Matuchansky, D..., Valdelièvre, qui a fait appel de ce jugement par une requête enregistrée sous le n° 21BX00166, en tant qu'il annule la liste d'aptitude au grade d'adjoint des cadres hospitaliers et lui enjoint d'en établir une nouvelle, demande à la cour :

1°) d'en ordonner le sursis à exécution, au moins, à titre subsidiaire, en ce qui concerne l'injonction d'établir une nouvelle liste d'aptitude ;

2°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- ses moyens sont sérieux et de nature à justifier le sursis sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative et de l'article R. 811-17 ;

- c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a écarté sa fin de non-recevoir relative à la demande d'injonction d'inscrire M. B... sur la liste d'aptitude au grade d'assistant médico-administratif au motif, erroné, qu'elle manquerait en fait ;

- le tribunal n'a pas statué sur la fin de non-recevoir tirée de ce que les conclusions à fin d'injonction présentées par monsieur B... étaient irrecevables dès lors qu'elles ne tendaient qu'à une annulation partielle de la liste d'aptitude, en tant qu'il n'y figure pas, alors qu'il s'agit d'une décision indivisible ;

- le jugement attaqué ne répond pas, même implicitement, aux éléments qu'il avait apportés en défense pour permettre la comparaison des candidatures ; il est ainsi insuffisamment motivé ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu que la liste d'aptitude pour la promotion au grade d'adjoint des cadres hospitaliers de classe normale au titre de l'année 2019 serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation, sans procéder à un véritable examen comparatif de la valeur professionnelle du requérant et de celle des candidats retenus ; les notes ne constituent qu'un élément d'appréciation et la circonstance que Mme F... est d'un grade inférieur est inopérante dès lors qu'il n'est pas contesté qu'elle remplissait les conditions statutaires pour candidater ;

- le tribunal a statué ultra-petita en lui enjoignant d'établir une nouvelle liste d'aptitude au grade d'adjoint des cadres hospitaliers pour l'année 2019, alors que les conclusions à fin d'injonction concernaient la liste d'aptitude au grade d'assistant médico-administratif pour 2015 ;

- en l'absence d'élément indiquant que les nominations intervenues sur le fondement du tableau d'avancement entaché d'illégalité ne seraient pas devenues définitives, un jugement d'annulation n'implique pas nécessairement que l'autorité administrative établisse une nouvelle liste d'aptitude ; au demeurant, le retrait des deux décisions de détachement prises consécutivement à l'établissement de la liste d'aptitude révélait que l'administration avait renoncé à pourvoir les postes. Dans les circonstances particulières de l'espèce, l'annulation de la liste d'aptitude n'impliquait donc pas nécessairement que l'autorité administrative établisse une nouvelle liste d'aptitude ;

- le tribunal aurait dû respecter la marge de manoeuvre de l'autorité administrative pour tirer les conséquences d'une annulation ; sans l'accord préalable de l'agence régionale de santé de la Martinique, le CHUM ne dispose pas de l'autonomie financière nécessaire pour décider d'établir une nouvelle liste d'aptitude ; au demeurant, y réinscrire M. C..., dont la légalité de l'inscription avait été reconnue, n'aurait aucun sens après avoir retiré la décision le détachant dans le grade des adjoints aux cadres hospitaliers de classe normale.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 26 février 2021 :

- le rapport de Mme G... E... ;

- et les observations de Me D..., représentant le centre hospitalier universitaire de la Martinique, qui reprend les conclusions et moyens de ses mémoires.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., qui était adjoint administratif principal de première classe au CHU de la Martinique, a candidaté au titre de l'année 2015 pour une promotion au choix soit au grade d'adjoint des cadres hospitaliers de classe normale, soit à celui d'assistant médico-administratif. N'ayant pas été retenu, il a saisi le tribunal administratif de la Martinique d'une demande d'annulation de la décision du 17 novembre 2015 portant liste d'aptitude. Par un jugement du 6 mars 2018, le tribunal a annulé cette décision seulement en tant qu'elle concernait les assistants médico-administratifs, et enjoint au CHUM de refaire cette liste au titre de l'année 2015. M. B... a présenté à nouveau sa candidature pour les deux grades en 2018, n'a pas été retenu, et a saisi à nouveau le tribunal. Par jugement n°1900452 du 15 octobre 2020, celui-ci a constaté un non-lieu sur les demandes d'annulation des détachements des deux agents promus, décisions retirées par le CHUM, et a prononcé l'annulation partielle du tableau d'avancement arrêté le 29 mars 2019, qui était demandée cette fois uniquement en ce qu'il concerne les adjoints des cadres hospitaliers. Le CHU de Martinique a relevé appel de ce jugement dans cette mesure, sous le n° 21BX00166, et demande qu'il soit sursis à son exécution tant en ce qui concerne l'annulation de la liste d'aptitude au grade d'adjoint des cadres hospitaliers qu'en ce qui concerne l'injonction qui lui a été faite d'établir une nouvelle liste d'aptitude à ce grade.

2. Aux termes de l'article R. 811-14 du code de justice administrative : " Sauf dispositions particulières, le recours en appel n'a pas d'effet suspensif... ". Aux termes de l'article R. 811-15 du même code: " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ". L'article R. 811-17 du même code de justice administrative dispose: " Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction ".Enfin, aux termes de l'article R. 222-25 du même code : " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. / Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17. ".

Sur les conditions du sursis :

En ce qui concerne l'annulation de la liste d'aptitude :

3. Pour annuler la décision, le tribunal a indiqué " qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de la liste des cinquante-quatre agents proposés pour la promotion au grade des cadres hospitaliers de classe normale que le centre hospitalier universitaire de la Martinique a soumise à l'avis de la commission administrative paritaire locale lors de sa séance du 28 mars 2019, que Mme F..., l'une des deux agents inscrits sur la liste d'aptitude attaquée, était titulaire d'un grade inférieur à celui de M. B... et bénéficiait d'une notation inférieure de 6,75 points en moyenne sur les années 2015 à 2017. Dans ces conditions, en l'absence de tout élément ou précision apporté en défense par le centre hospitalier universitaire de la Martinique pour justifier de sa décision, M. B... est fondé à soutenir que l'arrêté attaqué du 29 mars 2019 est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en tant qu'il fixe la liste d'aptitude pour la promotion au grade d'adjoint des cadres hospitaliers de classe normale au titre de l'année 2019. ".

4. Le CHUM ne peut utilement critiquer la régularité du jugement au regard des conditions susrappelées pour l'obtention d'un sursis, qui tiennent au bien-fondé de la décision juridictionnelle et nécessitent de démontrer que les conclusions aux fins d'annulation devaient être rejetées.

5. Contrairement à ce que soutient le CHUM, M. B... avait demandé, comme l'a d'ailleurs souligné le tribunal, l'annulation de la liste d'aptitude au grade d'adjoint des cadres hospitaliers dans son intégralité, et non pas seulement en tant qu'il n'y figure pas. Le moyen tiré de ce que le tribunal aurait fait droit à des conclusions irrecevables ne peut qu'être écarté.

6. Si le CHU soutient qu'il aurait apporté des éléments de nature à démontrer l'absence d'erreur manifeste dans l'appréciation des mérites des candidats, que le tribunal aurait omis d'examiner, il ressort du dossier de première instance qu'il s'est borné à produire à la demande du tribunal le procès-verbal de la commission administrative paritaire du 28 mars 2019. Ce bref document indique que les membres ont été informés que deux postes ouverts au grade d'agent médico-administratif ont été obtenus de l'agence régionale de santé (ARS) et que la direction de l'établissement a ouvert également deux postes au grade d'adjoint des cadres hospitaliers à la suite de deux recours contentieux, que le jugement concernant l'un des requérants a été lu pour constater l'absence d'injonction de la nommer, et que la commission a débattu ensuite des mérites comparés de l'ensemble des candidats pour en retenir deux. Ces seuls éléments, dépourvus de toute précision sur les notes et appréciations des intéressés, ne permettaient pas au tribunal de comprendre les motifs d'inscription des deux promus, et dans ces conditions, alors que M. B... soutenait que sa candidature avait été écartée parce qu'il avait fait précédemment un recours contentieux, le CHUM n'apporte en l'état aucun élément de nature à justifier qu'il soit sursis à l'exécution du jugement en tant qu'il annule la liste d'aptitude.

En ce qui concerne l'injonction d'établir une nouvelle liste d'aptitude :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. "

8. L'administration n'étant pas tenue de nommer les agents figurant sur un tableau d'avancement ou une liste d'aptitude ni de pourvoir des postes vacants, le moyen tiré de ce que l'annulation du tableau, suivie du retrait des détachements prononcés, n'impliquait pas nécessairement qu'il soit fait injonction au CHUM d'établir une nouvelle liste d'aptitude au grade d'adjoint des cadres hospitaliers, comme au demeurant le moyen tiré de ce que le tribunal a statué au-delà des conclusions dont il était saisi, qui concernaient seulement les suites à donner à l'annulation par un précédent jugement d'une liste d'aptitude au grade d'assistant médico-administratif de l'année 2015, sont de nature à justifier la suspension de l'exécution du jugement en tant qu'il a prononcé cette injonction.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du CHUM présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il est sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif en tant qu'il a prononcé une injonction d'établir une nouvelle liste d'aptitude au grade d'adjoint des cadres hospitaliers de classe normale, jusqu'à ce que la cour se prononce au fond sur la requête n° 21BX00166.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du CHUM est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier universitaire de la Martinique et à M. A... B....

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 février 2021.

La présidente de chambre,

Catherine E... La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21BX00167 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (juge unique)
Numéro d'arrêt : 21BX00167
Date de la décision : 26/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-03-06-02 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY POUPOT VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-26;21bx00167 ?
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