La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/02/2021 | FRANCE | N°19BX01447

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 25 février 2021, 19BX01447


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) S2B Automobiles, représentée par M. A..., mandataire à sa liquidation, a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 mars 2013, pour un montant total de 500 190 euros.

Par un jugement n° 1701022 du 26 février 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure d

evant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 avril 2019, la société S2B Automobiles, pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) S2B Automobiles, représentée par M. A..., mandataire à sa liquidation, a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 mars 2013, pour un montant total de 500 190 euros.

Par un jugement n° 1701022 du 26 février 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 avril 2019, la société S2B Automobiles, prise en la personne de son liquidateur, M. A..., et représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 26 février 2019 ;

2°) de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 mars 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 7 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure de vérification menée à son encontre est viciée dès lors qu'elle n'a pas été avisée de l'engagement de la vérification de comptabilité ; la copie de l'avis de vérification qui était jointe au courrier informant le liquidateur de cette vérification concernait une société tierce, de sorte que la vérification de comptabilité a été engagée sans notification préalable d'un avis de vérification en méconnaissance des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;

- si l'administration soutient qu'un avis de vérification avait été adressé au siège de la société et retourné avec la mention " inconnu " par le service des postes, cet avis n'a jamais été communiqué ;

- l'article L. 169 du livre des procédures fiscales précise que le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la deuxième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable est adhérent d'un centre de gestion agréé, ce qui est son cas ; en 2014, l'administration ne pouvait donc effectuer des rectifications que sur les exercices 2012 et 2013 sauf à démontrer la mauvaise foi de la société vérifiée ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en l'absence de précisions permettant d'identifier les opérations pour lesquelles la remise en cause du régime de taxation à la TVA sur la marge était opéré

- l'obligation de motivation de la majoration de 40 % n'est pas satisfaite dès lors que les éléments dont le service fait état ne sont pas de nature à justifier du manquement délibéré ; en effet, il n'est pas établi que les fournisseurs espagnols n'étaient pas fondés à appliquer le régime de la TVA sur la marge et encore moins que la société, qui a toujours reçu des documents conformes, comme écrit par le service, pouvait en douter.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... D...,

- les conclusions de Mme Aurélie Chauvin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée S2B Automobiles, dont M. A... était l'associé unique, a exercé une activité de négoce de véhicules neufs et d'occasion à Labège (Haute-Garonne) du 19 avril 2007 au 31 mars 2013, date à laquelle M. A... a décidé de la dissolution anticipée de la société et sa mise en liquidation amiable. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 mars 2013, à l'issue de laquelle le service a informé la société et M. A..., par une proposition de rectification en date du 29 janvier 2014, de son intention de remettre en cause l'application du régime de la TVA sur la marge aux ventes de véhicules d'occasion acquis auprès de fournisseurs espagnols. La société S2B Automobiles, représentée par son liquidateur amiable M. A..., a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 mars 2013 pour un montant de 500 190 euros. Elle relève appel du jugement du 26 février 2019 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée précité.

Sur la régularité de la procédure :

2. L'appelante reprend en appel les moyens tirés de ce que la procédure est viciée dès lors que la vérification de comptabilité a été engagée sans notification préalable d'un avis de vérification en méconnaissance des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales et de ce que la proposition de rectification est insuffisamment motivée en l'absence de précisions permettant d'identifier les opérations pour lesquelles la remise en cause du régime de taxation à la TVA sur la marge était opéré, ce qui ne la mettait pas en mesure de contester utilement le bien-fondé du complément de TVA réclamé. Elle n'apporte cependant sur ces points aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur son argumentation de première instance. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

Sur la prescription du droit de reprise de l'administration sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2011 :

3. Aux termes de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts. / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la deuxième année qui suit celle au titre de laquelle la taxe est devenue exigible conformément au 2 de l'article 269 du code général des impôts pour les contribuables dont les revenus bénéficient des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 169 et pour les périodes pour lesquelles le service des impôts des entreprises a reçu une copie du compte rendu de mission prévu aux articles 1649 quater E et 1649 quater H du même code. Cette réduction de délai ne s'applique pas aux contribuables pour lesquels des pénalités autres que les intérêts de retard auront été appliquées sur les périodes d'imposition non prescrites visées au présent alinéa. / (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 169 du même livre dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration, pour les revenus imposables selon un régime réel dans les catégories des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices non commerciaux et des bénéfices agricoles ainsi que pour les revenus imposables à l'impôt sur les sociétés des entrepreneurs individuels à responsabilité limitée, et des sociétés à responsabilité limitée, des exploitations agricoles à responsabilité limitée et des sociétés d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont l'associé unique est une personne physique, s'exerce jusqu'à la fin de la deuxième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable est adhérent d'un centre de gestion agréé ou d'une association agréée, pour les périodes au titre desquelles le service des impôts des entreprises a reçu une copie du compte rendu de mission prévu aux articles 1649 quater E et 1649 quater H du code général des impôts. Cette réduction de délai ne s'applique pas aux contribuables pour lesquels des pénalités autres que les intérêts de retard auront été appliquées sur les périodes d'imposition non prescrites visées au présent alinéa ".

4. S'il n'est pas contesté que la société S2B Automobiles était adhérente d'un centre de gestion agréé et que le service des impôts des entreprises a reçu une copie du compte-rendu de mission pour la période d'imposition en cause, il résulte de l'instruction que des majorations pour manquement délibéré prévues à l'article 1729 du code général des impôts lui ont été infligées au titre des années 2012 et 2013, périodes non prescrites en 2014, année de notification de la proposition de rectification relative à la période d'imposition litigieuse. Dès lors, l'appelante ne remplissait pas la troisième condition mise par le deuxième alinéa de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales au bénéfice de la réduction de délai qu'il prévoit. Le droit de reprise de l'administration pouvant, ainsi, s'exercer dans le délai de droit commun de trois ans, il n'était pas prescrit lorsque les rectifications au titre de l'exercice 2011 ont été notifiées à la société appelante le 29 janvier 2014. Le moyen tiré de la prescription du droit de reprise de l'administration doit, par suite, être écarté.

Sur les pénalités :

5. En premier lieu, la proposition de rectification du 29 janvier 2014 indique que M. A..., gérant de la société et ancien professionnel du marché automobile, ne pouvait, au regard des cartes grises qu'il avait en sa possession et des éléments discordants relevés par le vérificateur, ignorer les irrégularités volontaires établies par le fournisseur espagnol dans le but d'éluder la TVA. Elle indique précisément, de plus, en annexe, les ventes soumises à tort à la marge au titre des exercices clos en 2011 et 2012 et au titre de la période du 1er janvier 2013 au 30 mars 2013, indique que le montant de la TVA non acquittée est très conséquent et que, compte tenu de l'importance des rectifications proposées, il y avait lieu d'appliquer la pénalité de 40 % prévue par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts. Ce faisant, l'administration a motivé de manière satisfaisante les pénalités en litige au regard de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales.

6. En second lieu, aux termes des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État, entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

7. L'administration fiscale a, pour justifier l'application de la majoration pour mauvaise foi, relevé, outre l'importance du montant de TVA éludé du fait de la mise en oeuvre indue du régime de taxation sur la marge, que la seule analyse des cartes grises faisait ressortir des anomalies grossières, qui ne pouvaient échapper à un négociant professionnel ayant exercé dans plusieurs concessions et que de telles anomalies auraient dû conduire M. A... à s'informer auprès des fournisseurs espagnols de la société afin de valider le bien-fondé du régime de taxation à la TVA sur la marge appliqué. La circonstance que M. A... n'était pas chef d'entreprise, mais salarié, ne remet pas en cause la solide expérience dont il disposait dans le domaine du commerce de véhicules, y compris de la revente de véhicules d'occasion. Dans ces conditions, compte tenu des montants de taxe en litige et de l'accumulation des manquements de la société, qui ne pouvait ignorer qu'elle n'était pas en droit d'appliquer le régime de taxation sur la marge, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention délibérée du contribuable d'éluder l'impôt. C'est dès lors à bon droit que le service a appliqué la majoration de 40 % prévue par les dispositions de l'article 1729 précité du code général des impôts.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société S2B Automobiles n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société S2B Automobiles est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL S2B Automobiles, représentée par son liquidateur amiable, M. A..., et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme E..., présidente-assesseure,

Mme C... D..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 février 2021.

Le président de chambre,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 19BX01447


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 19BX01447
Date de la décision : 25/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : ROUZAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-25;19bx01447 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award