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11/02/2021 | FRANCE | N°20BX02309

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 11 février 2021, 20BX02309


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1907387 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2020, M. D..., repr

senté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de To...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1907387 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2020, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 25 juin 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer le titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État, le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sous réserve de la renonciation de cet avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les décisions contenues dans l'arrêté attaqué sont insuffisamment motivées, le préfet ayant volontairement occulté de nombreux éléments concernant sa situation ; sa situation personnelle et familiale et sa situation professionnelle n'ont pas été prises en compte dans leur intégralité ;

- le préfet de la Haute-Garonne n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation ;

- il pouvait légalement faire l'objet d'une admission exceptionnelle au séjour au regard des dispositions des articles L. 313-14 et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- le préfet de la Haute-Garonne a commis une erreur manifeste d'appréciation ; il justifie sa présence en France de 2008 à 2014 ;

- les décisions attaquées portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale ;

- elle est illégale du fait de sa nationalité française ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée en s'abstenant d'examiner la possibilité de lui octroyer un délai de départ supérieur à trente jours ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par une décision en date du 8 octobre 2020, M. D... a été admis à l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant brésilien né le 2 mars 1987 à Macapa (Brésil), est entré en France pour la première fois en 2002, selon ses déclarations, et a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour au titre de la vie privée et familiale entre le 25 octobre 2005 et le 22 janvier 2007, puis de titres de séjour régulièrement renouvelés entre le 18 août 2008 et le 29 mai 2014 en qualité de salarié. L'intéressé n'a pas sollicité le renouvellement de ce titre et est reparti dans son pays d'origine avant de revenir en France en mars 2017, selon ses déclarations. Le 13 mars 2019, il a sollicité son admission au séjour au titre de la vie privée et familiale sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi qu'en qualité de salarié sur le fondement de l'article L. 313-10 et L. 131-14 du même code. M. D... relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 25 juin 2020 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 novembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur l'arrêté dans son ensemble :

2. M. D... soutient que les décisions contenues dans l'arrêté du 26 novembre 2019 sont insuffisamment motivées. Toutefois, l'arrêté en litige vise notamment les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile notamment les dispositions du 7° de l'article L. 313-11, et des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, celles du 3° de l'article L. 511-1-I de ce code ainsi que les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il fait état des éléments relatifs à l'identité de l'intéressé et à ses conditions d'entrée et de séjour sur le territoire français et relève que l'intéressé n'a pas sollicité le renouvellement du titre de séjour qu'il avait obtenu entre 2008 et 2014 en qualité de salarié, qu'il est reparti dans son pays d'origine avant de revenir en France, via le Portugal, selon ses déclarations et sans en apporter la preuve, en mars 2017 à l'âge de 30 ans. L'arrêté, qui n'avait pas à énoncer de manière exhaustive les éléments relatifs à la situation personnelle et familiale en France et au Brésil de l'appelant, mentionne les principaux éléments relatifs à sa situation au regard des attaches personnelles de M. D... en France. L'arrêté attaqué précise également que M. D... ne démontre pas avoir développé une vie privée et familiale en France en dehors de sa cellule familiale, qu'il ne justifie ni de circonstances humanitaires ou exceptionnelles, ni être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour au Brésil compte tenu notamment de l'absence de demande d'admission au bénéfice de l'asile. Ainsi, cet arrêté qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. De plus, en application des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'était pas tenu de motiver spécifiquement la décision obligeant à quitter le territoire français, fondée sur le 3° du I de l'article L. 511-1 de ce code. Enfin, lorsque, en application des mêmes dispositions, l'autorité administrative prévoit qu'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement dispose du délai de départ volontaire de trente jours, qui est le délai normalement applicable, elle n'est pas tenue de motiver spécifiquement sa décision, laquelle ne revêt pas un caractère défavorable. Au demeurant, l'arrêté attaqué précise que la situation personnelle de l'intéressé ne justifie pas qu'un délai supérieur à 30 jours lui soit accordé. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation des décisions attaquées doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des termes de cet arrêté ni d'aucune pièce du dossier que le préfet de la Haute-Garonne se serait abstenu de procéder à un examen réel et sérieux de la situation de M. D....

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".

5. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

6. M. D... se prévaut de ce qu'il serait entré en France en 2002 et a bénéficié de titres de séjour entre 2005 et 2014 d'abord au titre de la vie privée et familiale puis en qualité de salarié et qu'il vit avec sa concubine et sa fille depuis deux ans. Toutefois, ces éléments ne permettent pas d'estimer que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ni à des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet de la Haute-Garonne aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. En deuxième lieu, pour écarter les moyens tirés de l'atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences du refus de séjour sur sa situation personnelle et familiale, les premiers juges ont relevé que si M. D... se prévaut de son ancienneté sur le territoire, de la présence de sa compagne, rencontrée au Brésil et qui l'a rejoint en 2018, accompagnée de leur fille née en 2014, ainsi que de la présence en France de ses parents et de ses frères et soeurs, toutefois sa compagne, qui a vécu séparée de sa fratrie la majeure partie de sa vie, est en situation irrégulière et que rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue dans leur pays d'origine commun, le Brésil. Les premiers juges ont également relevé que si M. D... fait valoir qu'il est français dès lors que son père, de nationalité française, l'a reconnu en 2002 alors qu'il était âgé de 15 ans, il n'a jamais entrepris les démarches pour obtenir ladite nationalité et que si sa fille a subi une intervention chirurgicale pour ovariectomie le 12 novembre 2019, les documents médicaux produits ne justifient pas d'un état de santé nécessitant un maintien sur le territoire. Les premiers juges ont également rappelé qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... aurait formé une demande en qualité de parent d'enfant malade. En l'absence de tout élément nouveau présenté en appel à l'appui de ces moyens, auxquels les premiers juges ont pertinemment répondu, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif.

8. Par ailleurs, M. D... ne peut utilement invoquer les orientations générales que le ministre de l'intérieur, dans sa circulaire du 28 novembre 2012, a adressées aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation et qui est dépourvue de portée impérative.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour qui la fonde.

10. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 doit être écarté pour les motifs énoncés au point 7.

11. Si M. D... fait valoir qu'il est français dès lors que son père de nationalité française, l'a reconnu en 2002 alors qu'il était âgé de 15 ans, toutefois, il n'apporte aucun élément probant justifiant de sa nationalité française et n'a jamais entrepris les démarches pour obtenir ladite nationalité. En se bornant en appel à indiquer " qu'avec la crise sanitaire tout est très long ", il ne justifie pas de quelconques démarches.

Sur le délai de départ volontaire :

12. M. D... reprend en appel ses moyens de première instance tirés de ce que le préfet s'est estimé en situation de compétence liée en s'abstenant d'examiner la possibilité de lui octroyer un délai de départ supérieur à trente jours et de ce que le délai de départ volontaire fixé serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation. M. D... ne se prévaut toutefois d'aucun élément de fait ou de droit nouveau utile par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient, par les motifs qu'ils ont retenus et qu'il y a lieu d'adopter, commis une erreur en écartant ces moyens.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme E..., présidente-assesseure,

Mme B... C..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 février 2021.

Le président de chambre,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 20BX02309


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX02309
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : GAILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-11;20bx02309 ?
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