Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la délibération n° 16/4-51 du 25 juin 2016 du conseil municipal de Saint-Denis fixant de nouvelles modalités pour le régime indemnitaire applicable à certaines catégories d'agents publics non titulaires.
Par un jugement n° 1601125 du 8 janvier 2019, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés respectivement les 19 février 2019 et 8 septembre 2020, M. E... représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 8 janvier 2019 ;
2°) d'annuler la délibération en litige du 25 juin 2016 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Denis la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de l'illégalité des deux critères sur la base desquels sont calculés les montants individuels des primes accordées dans le cadre du régime indemnitaire fixé par la délibération en litige ;
- la délibération en litige est dépourvue de base légale compte tenu de l'adoption du décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;
- le tribunal administratif a considéré à tort que la délibération en litige ne méconnaissait pas le principe d'égalité entre agents publics ;
- la délibération litigieuse est entachée d'illégalité dès lors qu'elle ne fixe pas les taux et enveloppes de crédits réservés à chaque catégorie de primes, ces éléments relevant de la seule compétence du conseil municipal ;
- cette délibération aurait dû être précédée de la création d'un compte de crédit spécifique aux primes qu'elle instaure, au compte 64138 du budget ;
- les deux critères sur la base desquels sont calculés les montants individuels des primes accordées dans le cadre du régime indemnitaire fixé par la délibération en litige sont illégaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 septembre 2020, la commune de Saint-Denis, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la mise à la charge de M. E... de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués par M. E... n'est fondé.
Par ordonnance du 7 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 19 octobre 2020 à midi.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 ;
- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 ;
- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... G...,
- et les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêt n° 14BX01689 du 25 février 2016, devenu définitif, la cour a constaté l'illégalité de la délibération n° 08/8-01 du 12 novembre 2008 ayant institué un régime indemnitaire au profit des agents non titulaires permanents de la commune de Saint-Denis de La Réunion. Par une délibération n° 16/4-51 du 25 juin 2016, le conseil municipal de Saint-Denis a approuvé un nouveau régime indemnitaire applicable aux agents non titulaires permanents de catégorie C bénéficiaires d'un contrat à durée indéterminée et aux agents non titulaires permanents de catégorie B dont la rémunération n'excède pas 1,7 fois le traitement indiciaire afférent à l'échelle 3, échelon 1. M. E... relève appel du jugement n° 1601125 du 8 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération.
Sur la régularité du jugement :
2. Dans son mémoire en réplique enregistré au greffe du tribunal administratif de La Réunion le 10 février 2017, M. E... a invoqué le moyen tiré de l'illégalité des modalités d'attribution des primes fixées par la délibération en litige, s'agissant notamment des deux critères sur la base desquels sont calculés les montants individuels des primes accordées aux bénéficiaires. Si, dans le cadre de sa réponse au moyen tiré de ce que le conseil municipal de Saint-Denis aurait méconnu l'étendue de sa compétence, le tribunal administratif a répondu à l'argument, invoqué à l'appui du moyen susmentionné, tenant à ce que le pouvoir d'appréciation conféré au maire reviendrait à " lui laisser toute latitude d'accorder une indemnité équivalente au treizième mois ", il ne peut être regardé ce faisant comme ayant répondu au moyen tiré de l'illégalité des modalités d'attribution des primes, qui n'était pas inopérant. Son jugement est dès lors entaché d'une omission à statuer sur un moyen et doit, par suite, être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. E... devant le tribunal administratif de La Réunion.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. L'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans leur rédaction antérieure à la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique - qui ont été reprises aux articles 3-1, 3-2 et 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 dans leur rédaction issue de la loi du 12 mars 2012 -, détermine les cas dans lesquels les collectivités territoriales peuvent recruter des agents non titulaires pour occuper des emplois permanents, par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires selon lequel les emplois permanents des collectivités territoriales sont occupés par des fonctionnaires. L'article 136 de la même loi, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose que : " (...) les agents contractuels employés en application des articles 3,3-1,3-2,3-3, (...) de la présente loi (...) sont régis notamment par les mêmes dispositions que celles auxquelles sont soumis les fonctionnaires en application [de l'article] 20, premier et deuxième alinéas [de la loi du 13 juillet 1983] (...) Les agents contractuels qui ne demandent pas leur intégration ou dont la titularisation n'a pas été prononcée continuent à être employés dans les conditions prévues par la législation et la réglementation applicables ou suivant les stipulations du contrat qu'ils ont souscrit en tant qu'elles ne dérogent pas à ces dispositions légales ou réglementaires ". Aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire (...) / Le montant du traitement est fixé en fonction du grade de l'agent et de l'échelon auquel il est parvenu, ou de l'emploi auquel il a été nommé ". Enfin, aux termes de l'article 2 du décret du 24 octobre 1985 relatif à la rémunération des personnels civils et militaires de l'Etat, des personnels des collectivités territoriales et des personnels des établissements publics d'hospitalisation : " Les traitements et soldes soumis aux retenues pour pension des [magistrats, militaires, fonctionnaires et agents de la fonction publique de l'Etat, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière] sont calculés en multipliant le centième de la valeur du traitement fixée à l'article 3 ci-dessous par l'indice majoré correspondant à leur grade ou emploi, et échelon ".
5. En premier lieu, le principe d'égalité de traitement ne s'applique qu'entre fonctionnaires ou agents d'un même corps ou d'un même cadre d'emploi qui sont placés dans une situation identique. Ce principe ne s'oppose par ailleurs pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire traite de manière différente des agents appartenant à un même corps si cette différence de traitement est justifiée soit par les conditions d'exercice des fonctions, soit par les nécessités du service ou l'intérêt général et dès lors qu'elle n'est pas manifestement disproportionnée au regard des objectifs susceptibles de la justifier.
6. Le moyen tiré de ce que la délibération en litige, en tant qu'elle approuve une régime indemnitaire applicable aux agents non titulaires permanents de catégorie C bénéficiaires d'un contrat à durée indéterminée et aux agents non titulaires permanents de catégorie B dont la rémunération n'excède pas 1,7 fois le traitement indiciaire afférent à l'échelle 3, échelon 1, emporterait de ce seul fait une inégalité de traitement entre fonctionnaires et agents contractuels ne peut qu'être écarté, ces deux catégories d'agents se trouvant dans une situation juridique différente. M. E... fait également valoir que l'exclusion des " agents contractuels de la filière culturelle ", et notamment des " adjoints du patrimoine ", du bénéfice de ce régime méconnaît le principe d'égalité de traitement. Toutefois, outre que la délibération litigieuse porte sur le régime indemnitaire des filières administrative, technique, médicosociale, animation, sportive et culturelle, l'intéressé ne donne aucune précision sur la situation juridique des " adjoints du patrimoine " ainsi que sur les conditions d'exercice des fonctions des agents de la filière culturelle. Il ne met dès lors par la cour en mesure d'apprécier le bien-fondé du moyen qu'il invoque, lequel ne peut, par suite, qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " L'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale (...) fixe, par ailleurs, les régimes indemnitaires dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 6 septembre 1991 pris pour l'application de ces dispositions : " Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales (...) pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes. / Le tableau joint en annexe établit les équivalences avec la fonction publique de l'Etat des différents grades des cadres d'emplois de la fonction publique territoriale (...) ". Enfin, aux termes de l'article 2 du même décret : " L'assemblée délibérante de la collectivité (...) fixe, dans les limites prévues à l'article 1er, la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités (...). L'autorité investie du pouvoir de nomination détermine, dans cette limite, le taux individuel applicable à chaque fonctionnaire. ".
8. D'une part, il résulte de ces dispositions qu'il revient à l'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale de fixer elle-même la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités bénéficiant aux fonctionnaires de la collectivité, sans que le régime ainsi institué puisse être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat d'un grade et d'un corps équivalents au grade et au cadre d'emplois de ces fonctionnaires territoriaux et sans que la collectivité soit tenue de faire bénéficier ses fonctionnaires de régimes indemnitaires identiques à ceux des fonctionnaires de l'Etat. Il lui est notamment loisible de subordonner le bénéfice d'un régime indemnitaire à des conditions plus restrictives que celles qui sont applicables aux fonctionnaires de l'Etat. Le respect du principe d'égalité entre les agents publics ne s'oppose pas à l'institution de différences dans le régime indemnitaire dont ils bénéficient fondées sur des différences dans les conditions d'exercice de leurs fonctions ou sur les nécessités du bon fonctionnement du service auquel ils appartiennent.
9. D'autre part, en application des dispositions combinées précitées de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 et de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983, les agents non titulaires des collectivités territoriales occupant un emploi permanent ont droit à un traitement fixé en fonction de cet emploi, à une indemnité de résidence, le cas échéant au supplément familial de traitement ainsi qu'aux indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire.
10. Par l'article 1er de la délibération litigieuse, le conseil municipal a validé " les modifications et modalités ci-dessus exposées du régime indemnitaire versé aux agents non titulaires permanents de droit public de catégorie C (personnel intégré et bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée) et de catégorie B dont la rémunération n'excède pas 1,7 fois le traitement indiciaire afférent à l'échelle 3 échelon 1 ". Ce faisant, il a approuvé le nouveau régime indemnitaire exposé dans le rapport de présentation accompagnant le projet de délibération qui lui a été soumis lors de séance du 25 juin 2016. Ce rapport comporte des tableaux qui précisent, pour chaque prime et indemnité instituée, les cadres d'emplois concernés et, pour chaque grade, le taux moyen applicable, sous l'appellation " montant annuel de référence ", ainsi que le coefficient multiplicateur. Ce rapport précise également les conditions d'attribution de ces primes et indemnités, ainsi que les modalités de leur versement. A cet égard, il indique que " Le montant des primes est déterminé individuellement. Ces montants individuels ne pourront être supérieurs aux montants maximums annuels des régimes indemnitaires du cadre d'emploi et grade du bénéficiaire. Ils seront calculés sur les bases suivantes (...) : - le traitement indiciaire ou forfaitaire mensuel, - le régime indemnitaire déjà versé mensuellement. / Les montants individuels seront modulés en prenant en compte la manière de servir et les compétences techniques professionnelles et techniques de chaque agent. / En cas d'exercice à temps non complet ou à temps partiel, les primes seront calculées au prorata du temps de travail. / En cas d'entrée en fonction ou de fin de fonction en cours de période de référence, les primes seront calculées au prorata du temps de présence sur la période de référence. (...) ".
11. Contrairement à ce que soutient M. E..., le conseil municipal de la commune de Saint-Denis a, par la délibération en litige, fixé la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux agents non titulaires permanents de catégories B et C, conformément aux dispositions précitées de l'article 2 du décret du 6 septembre 1991. Aucune disposition législative ou règlementaire n'impose par ailleurs à l'assemblée délibérante d'une collectivité territoriale de faire figurer, dans la délibération instituant un régime indemnitaire au profit de tout ou partie de ses agents, le crédit global afférent à chacune des primes et indemnités concernées. Par suite, le moyen tiré de ce que le conseil municipal de Saint-Denis aurait méconnu l'étendue de sa compétence doit être écarté.
12. En troisième lieu, M. E... soutient que les modalités d'attribution des primes et indemnités approuvées par la délibération en litige, s'agissant notamment des bases de calcul retenues, à savoir " le traitement indiciaire ou forfaitaire mensuel " et " le régime indemnitaire déjà versé mensuellement ", sont illégales. Toutefois, ce moyen n'est pas assorti des précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé.
13. En quatrième lieu, M. E... soutient que la délibération en litige est entachée d'illégalité dès lors qu'elle n'a pas été précédée de l'ouverture, dans le budget principal de la collectivité, d'un compte de crédit spécifique aux primes et indemnités qu'elle instaure. Toutefois, et outre qu'aucune disposition législative ou règlementaire n'impose un telle condition, la circonstance, à la supposer établie, que la commune ne disposerait pas des crédits nécessaires pour verser les primes qui seront accordées dans le cadre du régime indemnitaire instauré par la délibération litigieuse est sans conséquence sur la légalité de cette dernière.
14. En cinquième lieu, le requérant fait valoir, dans le dernier état de ses écritures, un moyen tiré de ce que la délibération en litige serait dépourvue de base légale compte tenu de l'entrée en vigueur du décret du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat. Toutefois, la circonstance que ce décret prévoit expressément que l'ensemble des fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984, à l'exception de ceux relevant d'un corps ou d'un emploi figurant dans un arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget, bénéficieront de ses dispositions au plus tard à compter du 1er janvier 2017, ne saurait par elle-même, priver de base légale la délibération en litige, qui ne s'applique qu'à certaine catégories d'agents contractuels de la commune de Saint-Denis.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération n° 16/4-51 du 25 juin 2016 par laquelle le conseil municipal de Saint-Denis a approuvé un nouveau régime indemnitaire applicables aux agents non titulaires permanents de catégorie C bénéficiaires d'un contrat à durée indéterminée et aux agents non titulaires permanents de catégorie B dont la rémunération n'excède pas 1,7 fois le traitement indiciaire afférent à l'échelle 3, échelon 1. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées. En revanche, il convient de mettre à sa charge une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais engagés par la commune de Saint-Denis.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : M. E... versera à la commune de Saint-Denis une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... E... et à la commune de Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme C... B..., présidente-assesseure,
Mme D... G..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 février 2021.
Le rapporteur,
Sylvie G...
Le président,
Dominique Naves
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au préfet de La Réunion, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 19BX00658