Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B..., épouse I..., a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 19 juillet 2019 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 1907067 du 17 juillet 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 19 juillet 2019 et enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer un titre de séjour à l'intéressée.
Procédure devant la cour :
I°) Sous le n° 20BX02673, par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 août 2020 et 27 novembre 2020, ce mémoire n'ayant pas été communiqué, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement du 17 juillet 2020 et de rejeter la demande portée par Mme B..., épouse I..., devant le tribunal administratif de Toulouse.
Il soutient qu'il existe en Algérie une prise en charge médicale adaptée à l'état de santé de l'enfant de Mme B..., épouse I..., ainsi qu'une offre scolaire.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 et 27 novembre 2020, Mme B..., épouse I..., représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'État au titre des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991et de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable, son auteur n'ayant pas compétence pour saisir la cour au nom du préfet de la Haute-Garonne ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
II°) Par une requête, enregistrée le 14 août 2020 sous le n° 20BX02674, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à l'exécution du jugement du 17 juillet 2020.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2020, Mme B..., épouse I..., représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'État au titre des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991et de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable, son auteur n'ayant pas compétence pour saisir la cour au nom du préfet de la Haute-Garonne ;
- l'unique moyen de la requête n'est pas sérieux.
Vu les autres pièces de ces deux dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme L... été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... épouse I..., de nationalité algérienne, est entrée en France le 28 juillet 2018, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de 90 jours, et a déposé le 5 mars 2019 une demande de titre de séjour en raison de l'état de santé de son fils F..., né le 8 novembre 2011, de nationalité algérienne. Par arrêté du 19 juillet 1019, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Le préfet de la Haute-Garonne, d'une part, par la requête n° 20BX02673, relève appel du jugement du 17 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour et, d'autre part, par la requête n° 20BX02674, sollicite le sursis à exécution de ce jugement.
2. Les requêtes n° 20BX02673 et n° 20BX02674 sont relatives à un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
Sur la recevabilité des requêtes :
3. Il ressort des pièces du dossier que les requêtes du préfet de la Haute-Garonne ont été signées pour le préfet et par délégation par Mme K... E..., adjointe au chef de bureau de l'éloignement et du contentieux de la direction des migrations et de l'intégration. Par un arrêté du 2 avril 2020, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme C... H..., chef du bureau de l'éloignement et du contentieux, et, en son absence ou empêchement, à Mme K... E... pour signer, notamment, " l'ensemble des pièces, mémoires en défense et requêtes en appel relatives au contentieux de toutes décisions prises en matières de droit des étrangers, devant les juridictions administratives et judiciaires ". Si la requérante soutient qu'à la date de l'arrêté contesté, l'arrêté n'avait pas été publié sur le site internet de la préfecture, la publication sur ce site n'est pas obligatoire, dès lors que la publication au recueil des actes administratifs de la préfecture, dans sa version papier, constitue une publicité suffisante. Il suit de là que les fins de non-recevoir soulevées par Mme B..., épouse I..., doivent être écartées.
Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :
4. Aux termes de l'article 3-1 de de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
5. L'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 16 mai 2019 mentionne que l'état de santé du fils de Mme B..., épouse I..., nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel il peut au demeurant voyager sans risque. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier de la " note médicale " datée du 1er octobre 2018, réalisée par un médecin de l'unité régionale des troubles envahissants du développement des hôpitaux de Toulouse, que Rayene, aujourd'hui âgé de 9 ans, souffre d'un trouble du spectre autistique (TSA) sévère, relevant d'une prise en charge institutionnelle de type institut médico-éducatif (IME). Toutefois, une telle prise en charge n'avait toujours pas été réalisée, faute de place disponible, à la date de l'arrêté contesté du 19 juillet 2019, comme en atteste le certificat médical établi le 26 août 2019 par un médecin psychiatre, et, au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait aujourd'hui effective. Pour établir que les soins nécessaires au traitement de son fils ne sont pas disponibles en Algérie, Mme B..., épouse I..., produit l'attestation d'un médecin algérien du 2 mai 2019, peu circonstanciée, ainsi qu'un certificat du 9 mars 2020 attestant que le traitement par mélatonine suivi depuis 2019 par F... a grandement amélioré son sommeil et que ce traitement n'est pas disponible en Algérie. Toutefois, ce certificat, établi par un médecin généraliste de l'association Médecins de monde, n'émane pas du psychiatre en charge du suivi de l'enfant, et aucun certificat médical ou ordonnance ne vient confirmer l'existence d'un traitement par mélatonine. De son côté, le préfet produit des copies d'écran du site internet d'Algérie Presse Service, qui font état de la création à Oran d'une structure de prise en charge de l'autisme et, depuis 2017, de 17 services de pédopsychiatrie destinés à améliorer le suivi et la prise en charge des enfants autistes. S'il est vrai que l'enfant est scolarisé quelques heures par semaine pour l'année scolaire 2019-2020 dans la classe ULIS (unité localisée pour l'inclusion scolaire) de l'école primaire Pierre et Marie Curie de Toulouse, cette circonstance, attestée par la décision du 11 septembre 2019 de la directrice académique de la Haute-Garonne, est postérieure à l'arrêté attaqué. En tout état de cause, la requérante ne démontre pas, en se bornant à produire l'attestation du responsable d'un centre d'accueil pour enfants inadaptés de la ville de Chlef, certifiant que l'enfant ne peut être y accueilli faute de place, et les certificats du directeur de l'école de la même ville, qui affirme ne pouvoir accueillir l'enfant en l'absence de classe spécialisée, que son fils ne pourrait être pris en charge par une institution scolaire adaptée dans une autre ville d'Algérie. À cet égard, le préfet soutient, sans être utilement contredit, qu'il existe en Algérie une prise en charge éducative des enfants autistes, notamment grâce au système associatif, et mentionne l'existence d'un centre psychopédagogique et d'un centre d'aide pour l'insertion socio-professionnelle à Constantine, ainsi que des classes réservées aux jeunes autistes dans plusieurs communes algériennes. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 19 juillet 2019, les premiers juges ont retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B..., épouse I..., devant le tribunal administratif de Toulouse.
Sur la compétence du signataire de l'arrêté contesté :
7. Par arrêté n° 31-2019-05-27-002 du 27 mai 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département de la Haute-Garonne, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme J... D..., directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer, notamment, en matière de police des étrangers, " les décisions de refus de séjour à quelque titre que ce soit ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
8. En premier lieu, il ne ressort pas de la motivation de la décision contestée ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de la Haute-Garonne se serait cru lié par l'avis du collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
9. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision de refus de séjour doit être écarté.
11. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision contestée priverait le jeune F... du traitement dont il bénéficie en France.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
13. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 19 juillet 2019 et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à Mme B..., épouse I....
15. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 17 juillet 2020, les conclusions de la requête n° 20BX02674 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement sont devenues sans objet.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20BX02674.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 17 juillet 2020 est annulé.
Article 3 : La demande portée par Mme B..., épouse I..., devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., épouse I..., et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme M..., présidente-assesseure.
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2021.
Le président de chambre,
Éric Rey-Bèthbéder
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX02673, 20BX02674