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11/01/2021 | FRANCE | N°19BX02822

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 11 janvier 2021, 19BX02822


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... H... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 16 février 2017 par laquelle le président du conseil départemental des

Deux-Sèvres a rejeté sa demande du 23 janvier 2017 tendant à ce que lui soit accordé le bénéfice de la protection fonctionnelle et d'enjoindre à cette autorité territoriale de lui accorder le bénéfice de cette protection.

Par un jugement n° 1700741 du 7 mai 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de M. H..

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Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2019, M. H..., re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... H... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 16 février 2017 par laquelle le président du conseil départemental des

Deux-Sèvres a rejeté sa demande du 23 janvier 2017 tendant à ce que lui soit accordé le bénéfice de la protection fonctionnelle et d'enjoindre à cette autorité territoriale de lui accorder le bénéfice de cette protection.

Par un jugement n° 1700741 du 7 mai 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de M. H....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2019, M. H..., représenté par

Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers et la décision du

16 février 2017 par laquelle le président du conseil départemental des Deux-Sèvres a rejeté sa demande du 23 janvier 2017 tendant à ce que lui soit accordé le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

2°) d'enjoindre à cette autorité territoriale de lui accorder le bénéfice de cette protection ;

3°) de mettre à la charge du département des Deux-Sèvres la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le département n'apporte pas la preuve que la délibération du 27 avril 2015, donnant compétence au président du conseil départemental pour représenter le département en première instance, ait fait l'objet d'une publication ou d'un affichage, conformément aux dispositions de l'article L. 3131-1 du code général des collectivités territoriales ; le certificat d'affichage signé par Mme G... doit être écarté des débats ; la réalité de l'opération matérielle d'affichage n'est pas établie ;

- la décision du 20 décembre 2016, par laquelle le président du conseil départemental des Deux-Sèvres a refusé de procéder au retrait du courriel du 21 juin 2016 de son dossier administratif est entachée d'illégalités externes ;

- le refus contesté de lui accorder la protection fonctionnelle devait être précédé de la consultation de la CAP, ce qui constitue une garantie fondamentale et il devait également pouvoir présenter ses observations ;

- le courriel du 21 juin 2016 est la manifestation d'un harcèlement moral à son encontre, au sens de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ; en réalité, il est sous-employé et placardisé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 décembre 2019, le département des Deux-Sèvres, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. H... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. H... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme J...,

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant le département des Deux-Sèvres.

Considérant ce qui suit :

1. M. I... H..., réintégré le 13 février 2009 au grade de directeur territorial dans les services du département des Deux-Sèvres, où il occupait des fonctions de chargé de mission, a sollicité, par courrier du 18 octobre 2016, le retrait de son dossier administratif de la pièce n° 379 consistant en un message électronique adressé le 21 juin 2016 par le directeur général adjoint des services départementaux en charge du pôle des ressources et des moyens, auquel le poste de chargé de mission occupé par l'intéressé était rattaché, à

M. A..., ingénieur de prévention, responsable du service " santé et vie au travail ". A la suite du refus, par une décision du 20 décembre 2016, du président du conseil départemental de procéder au retrait du courriel précité du 21 juin 2016 de son dossier administratif,

M. H... a, par courrier du 23 janvier 2017, sollicité le bénéfice de la protection statutaire prévue à l'article 11 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983. Il fait appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 7 mai 2019, qui a rejeté son recours tendant à l'annulation de la décision du 16 février 2017 par laquelle le président du conseil départemental a rejeté sa demande tendant à l'octroi de la protection fonctionnelle.

Sur la recevabilité du mémoire en défense de première instance :

2. Aux termes de l'article L. 3131-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa version applicable à la date de la délibération du 27 avril 2015 : " Les actes pris par les autorités départementales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département. (...) / Le président du conseil départemental certifie, sous sa responsabilité, le caractère exécutoire de ces actes. / La preuve de la réception des actes par le représentant de l'Etat dans le département peut être apportée par tout moyen. L'accusé de réception, qui est immédiatement délivré, peut être utilisé à cet effet mais n'est pas une condition du caractère exécutoire des actes. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, par délibération du 27 avril 2015 régulièrement publiée, transmise et enregistrée en préfecture le 30 avril 2015, le président du conseil départemental des Deux-Sèvres a été chargé, par délégation de l'assemblée départementale et pour la durée de son mandat, de " défendre aux actions en justice intentées contre le département devant les juridictions de toute nature (...) tant en première instance, qu'en appel ou en cassation ". Mme G..., chef du service des assemblées, qui a certifié son caractère exécutoire, bénéficiait d'une délégation de signature en date du

3 avril 2015, pour laquelle les formalités de publicité ont elles-mêmes été respectées, comme le montre le procès-verbal de constat d'huissier en date du 7 avril 2015, témoignant de l'affichage et de la mise à dispositions de cet arrêté de délégation de signature dans les locaux du conseil général. Par suite, le moyen tiré de ce que le président du conseil départemental n'avait pas compétence, en première instance, pour représenter le département des

Deux-Sèvres en défense, au motif que la délibération du 27 avril 2015 n'aurait pas fait l'objet des mesures de publicité prévues par l'article L. 3131-1 du code général des collectivités territoriales, ne peut qu'être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation du refus d'octroi de la protection fonctionnelle :

4. En premier lieu, les moyens de légalité externe soulevés par M. H... à l'encontre de la décision du 20 décembre 2016, par laquelle le président du conseil départemental des Deux-Sèvres a refusé de procéder au retrait du courriel précité du

21 juin 2016 de son dossier administratif, tirés d'un défaut de respect des droits de la défense et de la consultation préalable de la CAP, sont inopérants à l'encontre de la décision attaquée, portant refus d'octroi de la protection fonctionnelle.

5. En deuxième lieu, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général du droit n'imposait au président du conseil départemental des Deux-Sèvres, avant de prendre la décision litigieuse, d'inviter le requérant à présenter des observations ou à consulter la commission administrative paritaire.

6. En troisième et dernier lieu, d'une part, aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I.- A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ".

7. D'autre part, aux termes de l'article 6 de la même loi du 13 juillet 1983 : " Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, de leur âge, de leur patronyme, de leur situation de famille, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race ". Aux termes de l'article 6 quinquies de ladite loi : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".

8. Il ressort des pièces du dossier que, le 1er juin 2016, le Dr Julinet, médecin de prévention, a adressé à M. F..., DGA et supérieur hiérarchique de M. H..., un courrier mentionnant que celui-ci se plaignait, notamment, d'une " charge de travail globalement insuffisante avec sous-utilisation de ses compétences professionnelles " et préconisant " dans l'intérêt de la santé de M. H..., que celui-ci puisse se voir attribuer une mission sur la durée (...) ". Le courriel du 21 juin 2016, dont M. H... demande le retrait de son dossier, intitulé " situation de M. H... ", a été adressé par M. F... à

M. A..., chef du service de la médecine préventive en réponse à ce courrier du 1er juin 2016. M. F..., d'une part, relève que le contenu du courrier du Dr Julinet a été rédigé en prenant en compte les seuls propos de M. H..., sans consultation ni échange préalable avec son supérieur hiérarchique, plusieurs éléments lui apparaissant erronés et devant être à ce titre précisés ou rectifiés notamment en ce qui concerne les missions actuelles de l'intéressé, lesquelles portent sur l'application et le suivi de la mise en oeuvre de la loi " NOTRe " du

7 août 2015, travail qui est " loin d'être abouti ", ce sujet ne constituant pas la seule mission qui lui a été confiée, puisqu'il a été également missionné pour envisager les opportunités de mutualisation avec les satellites de la collectivité, notamment le SDIS. D'autre part, il informe M. A... de sa crainte que " la personnalité complexe de M. H... et les relations pour le moins délicates qu'il entretient historiquement avec la collectivité ne le poussent à être dans un rapport de manipulation avec la médecine de prévention ", M. F... concluant qu'il restait " disponible pour tous échanges à ce sujet " avec le médecin de prévention.

9. Ainsi, ce courriel contient seulement des observations se rapportant à la situation administrative de M. H..., aux missions qui lui ont été confiées, aux conditions d'exercice de ses fonctions et à sa manière de servir, M. F... ayant exercé son pouvoir d'appréciation hiérarchique, sans en excéder l'exercice normal. Si le requérant fait valoir qu'il est fondé sur des faits matériellement inexacts et partant, diffamatoires et discriminatoires, d'une part, il n'établit pas qu'il serait entaché d'inexactitude matérielle, alors qu'il ressort des pièces du dossier que le comportement de l'intéressé envers sa hiérarchie et certains de ses collègues lui a valu, en 2004, l'édiction d'une sanction disciplinaire du 3è groupe portant rétrogradation au grade d'attaché principal, sanction dont la légalité a été confirmée par un arrêt de la cour de céans du 26 juin 2007, devenu définitif, et par ailleurs, que tant la façon dont il exécute les missions qui lui sont confiées que ses relations avec ses collègues et sa hiérarchie continuent à être problématiques, comme le montre le rapport hiérarchique de saisine du conseil de discipline établi le 26 août 2016, à la suite de la demande de

M. H... d'effacement de son dossier individuel de la sanction précitée, produit par le département. D'autre part et dans ces conditions, son contenu ne peut être considéré comme diffamatoire ou constituant une attaque personnelle étrangère à la manière de servir de

M. H... ni comme portant à son endroit des accusations mensongères et outrancières ou une atteinte à son honneur et à sa réputation, alors en outre que cette pièce, si elle a été versée à son dossier administratif, n'a jamais été rendue publique et qu'il n'en a pas été fait état lors de la séance précitée du conseil de discipline. Ce courriel ne fait non plus nulle mention des opinions ou activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de l'intéressé, ni, contrairement à ce que soutient M. H..., ne contient d'appréciation sur son état de santé, et par suite, ne porte aucune discrimination à son encontre au sens de l'article 6 de la loi du

13 juillet 1983. Enfin, si le requérant fait valoir que le courrier du 20 juin 2016 et le refus de retrait de ce document de son dossier administratif constituaient des manifestations d'un harcèlement moral à son encontre, il est constant que son courrier du 23 janvier 2017 sollicitant le bénéfice de la protection fonctionnelle n'était pas fondé sur des faits de harcèlement moral. Par suite, M. H... ne saurait utilement invoquer les dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. H... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par

M. H.... Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.

Sur les frais de l'instance :

12. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge du département des Deux-Sèvres, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, de tels frais. En revanche, il sera mis à la charge de M. H... une somme de 1 500 euros, à verser sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au département des Deux-Sèvres.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. H... est rejetée.

Article 2 : M. H... versera au département des Deux-Sèvres la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... H... et au département des

Deux-Sèvres.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme D... C..., présidente-assesseure,

Mme J..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 janvier 2020.

Le président,

Dominique Naves

La République mande et ordonne au préfet des Deux-Sèvres et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX02822 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02822
Date de la décision : 11/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : RENNER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-01-11;19bx02822 ?
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