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31/12/2020 | FRANCE | N°18BX03688

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 31 décembre 2020, 18BX03688


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Hélène et fils a demandé au tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon de condamner le centre hospitalier François Dunan à lui payer la somme de 1 252 336 euros HT assortie des intérêts à compter du 28 mai 2009 en réparation des préjudices que lui a causé le retard dans l'exécution du marché public de construction du centre hospitalier François Dunan à Saint-Pierre.

Par un jugement n° 1300010 du 13 juillet 2018, le tribunal administratif de Sa

int-Pierre-et-Miquelon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Hélène et fils a demandé au tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon de condamner le centre hospitalier François Dunan à lui payer la somme de 1 252 336 euros HT assortie des intérêts à compter du 28 mai 2009 en réparation des préjudices que lui a causé le retard dans l'exécution du marché public de construction du centre hospitalier François Dunan à Saint-Pierre.

Par un jugement n° 1300010 du 13 juillet 2018, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 octobre 2018 et 28 octobre 2020, la SARL Hélène et fils, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon du 13 juillet 2018 ;

2°) d'ordonner sous astreinte la production des pièces non transmises malgré l'avis de la Commission d'accès aux documents administratifs du 11 février 2010, à savoir les courriers que l'OPC a adressés à la direction de l'équipement avec copie au maître d'ouvrage, un courrier du 6 décembre 2007, concernant un rapport de chantier, et un courriel du 25 juin 2009 ;

3°) de condamner le centre hospitalier François Dunan à lui payer la somme de 1 616 744,48 euros HT assortie des intérêts à compter du 28 mai 2009 ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier François Dunan les frais d'expertise de 34 996,12 euros ;

5°) de mettre à la charge du centre hospitalier François Dunan la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL Hélène et fils soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement,

- les premiers juges ont omis de statuer sur ses conclusions tendant à ce qu'il soit ordonné au centre hospitalier d'ordonner sous astreinte la production des pièces ;

- le jugement est insuffisamment motivé, dès lors qu'il a estimé que les fautes à l'origine des retards étaient exclusivement imputables à la maîtrise d'oeuvre, sans en expliquer les raisons alors que le maître d'ouvrage n'est jamais intervenu pour rappeler tant au maître d'ouvrage délégué qu'au groupement de maîtrise d'oeuvre l'importance du respect des délais, et a ainsi fait preuve d'une inertie fautive ;

- le principe du contradictoire a été méconnu, dès lors que son mémoire enregistré après expertise n'a pas été communiqué ;

S'agissant des retards dans l'exécution du chantier,

- alors que l'OS n° 2 du 3 septembre 2007 a notifié un démarrage des travaux à compter de cette date pour une durée de 48 mois, le véritable démarrage des travaux n'a pu avoir lieu qu'en mai 2008, soit avec un décalage de plus de 10 mois ;

- alors qu'initialement les travaux devaient se dérouler de façon linéaire, le maître d'ouvrage a demandé à l'OPC de réorganiser le chantier et d'effectuer un autre phasage, pour permettre aux corps d'états secondaires d'intervenir plus rapidement ; ce " planning phase " a eu pour conséquence de déstabiliser l'ensemble de son organisation, comme le révèle le récapitulatif des heures du chantier, d'autant qu'elle a été impactée par les difficultés apparues dès octobre 2007 entre ESTB, la Secotrap ingénierie, la Sodepar et l'OPC ;

- ces retards sont imputables aux fautes du maître d'ouvrage.

Par un mémoire, enregistré le 4 janvier 2019, la société D... bâtiments Sud-Ouest, venant aux droits de la société Secotrap Bordeaux, représentée par Me K..., conclut au rejet de la requête et :

- à titre subsidiaire, à ce que le centre hospitalier et les entreprises Hélène et fils, A... architecture, Gruet ingénierie, AEC ingénierie, BDM architectes, Sodepar, devenue Archipel développement, R. Victorri architecture, Acotra et la direction des territoires, de l'alimentation et de la mer soient solidairement condamnés à la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre ;

- à titre d'appel incident, à la condamnation de la société Hélène et fils et, à défaut, du centre hospitalier François Dunan à lui rembourser le coût des plans d'atelier et de chantier PAC pour 40 000 euros HT ;

- à la condamnation solidaire du centre hospitalier et des entreprises Hélène et fils, A... architecture, Gruet ingénierie, AEC ingénierie, BDM architectes, Sodepar, devenue Archipel développement, R. Victorri architecture, Acotra et de la direction des territoires, de l'alimentation et de la mer aux entiers dépens ;

- à la condamnation solidaire du centre hospitalier et les entreprises Hélène et fils, A... architecture, Gruet ingénierie, AEC ingénierie, BDM architectes, Sodepar, devenue Archipel développement, R. Victorri architecture, Acotra et la direction des territoires, de l'alimentation et de la mer au paiement de la somme de 50 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est tardive et donc irrecevable ;

- il y a lieu de prononcer la nullité de l'expertise ;

- le seul retard à prendre en compte est celui postérieur au 3 septembre 2007, conformément au jugement avant-dire droit contre lequel l'appel est irrecevable ;

- il ressort de l'échange de courrier de décembre 2007 que c'est la société Hélène et fils qui s'est refusée à établir les plan PAC, alors que cette tâche lui incombait en vertu des articles 3.14 et 4.22 du CCAP, tâche valorisée à 36 058 euros HT dans son devis, et qui, après avoir communiqué à l'OPC un planning " phasé ", dans un courriel du 14 décembre 2007, a demandé que le chantier soit suivi selon un planning linéaire, dans un courriel du 28 décembre 2007 ; elle a donc dû demander à l'un de ses sous-traitants, la société Atlantique structure, de réaliser les plans PAC, cette prestation ayant été valorisée à 40 000 euros HT ;

- loin de retarder le chantier comme le sous-entend l'expert, la Secotrap a pallié la carence de la société Hélène et fils en commandant et finançant les plans PAC ;

- la société Hélène et fils n'a jamais remis en cause les différents calendriers successifs, ni émis la moindre " réserve à ordre de service " à ce sujet ;

- pour fonder ses réclamations, la société Hélène et fils ne produit que des devis établis par elle-même, et les sommes demandées ne sont pas justifiées ;

- les demandes de la société Hélène et fils sont irrecevables dès lors que le décompte général du marché est devenu définitif,

- en tout état de cause, la société Secotrap n'a aucune responsabilité dans les retards allégués ;

- l'appel en garantie du centre hospitalier François Dunan est mal fondé.

Par trois mémoires, enregistrés les 19 avril 2019, 16 octobre et 13 novembre 2020, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la société Archipel développement, anciennement nommée Sodepar, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire au rejet des appels en garantie dirigés contre elle et à ce que soit mise à la charge solidaire des sociétés Hélène et fils et D... bâtiments Sud-Ouest la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête d'appel est insuffisamment motivée ;

- le jugement avant-dire droit est revêtu de l'autorité de chose jugée ;

- aucune faute ne peut lui être reprochée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 mai 2019 et 9 novembre 2020, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le centre hospitalier François Dunan, représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et :

- à titre subsidiaire, à ce que la maîtrise d'ouvrage déléguée, le groupement de maîtrise d'oeuvre et l'OPC soit condamnés à le garantir de toute condamnation ;

- en tout état de cause, à la condamnation solidaire des entreprises Hélène et fils, A... architecture, Gruet ingénierie, AEC ingénierie, BDM architectes, Sodepar, devenue Archipel développement, R. Victorri architecture, Acotra, Secotrap et de la direction des territoires, de l'alimentation et de la mer aux entiers dépens ;

- à la condamnation solidaire des entreprises Hélène et fils, A... architecture, Gruet ingénierie, AEC ingénierie, BDM architectes, Sodepar, devenue Archipel développement, R. Victorri architecture, Acotra, Secotrap et de la direction des territoires, de l'alimentation et de la mer au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le centre hospitalier soutient que :

- la société n'ayant pas déposé de mémoire complémentaire, alors que sa requête annonçait la production d'un tel mémoire, elle doit être regardée comme s'étant désistée de sa demande ;

- la demande de la société D... est nouvelle en appel ;

- le jugement avant-dire droit n'étant pas contesté, la société Hélène et fils ne peut pas se prévaloir d'un retard dans le démarrage des travaux ;

- les opérations d'expertise sont irrégulières ;

- aucune faute ne lui est imputable.

Par une ordonnance du 29 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme L...,

- les conclusions de Mme H... I...,

- et les observations de Me G..., substituant Me E..., représentant la société Hélène et fils, et de Me C..., substituant Me K..., représentant la société D... Bâtiment Sud-Ouest.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement du 14 août 2007, le centre hospitalier François Dunan a confié à la SARL Hélène et fils le lot n° 1 " gros oeuvre " du marché public de travaux relatif à la construction d'un nouvel hôpital à Saint-Pierre (Saint-Pierre-et-Miquelon), pour un prix global et forfaitaire de 9 537 905 euros, porté à 9 627 301 euros par avenant n° 1 du 30 novembre 2007. Invoquant des retards dans le démarrage du chantier et dans l'exécution des travaux, la société Hélène et fils a adressé au centre hospitalier un mémoire en réclamation du 28 mai 2009, réclamant le versement d'une somme de 1 108 849 euros. Par décision du 31 juillet 2009, le centre hospitalier a accepté cette demande à hauteur de 8 100 euros HT. La société a alors réitéré sa demande dans un mémoire en réclamation du 20 octobre 2009. N'ayant pas obtenu satisfaction, elle a saisi le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon de cette demande.

2. Par jugement avant-dire droit du 26 septembre 2012, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier François Dunan à verser à la société Hélène et fils la somme de 6 204 euros au principal, correspondant à la mise à disposition d'un bâtiment à usage de vestiaire que la société Hélène et fils a été contrainte d'installer devant la carence du maître d'ouvrage, et, avant de statuer sur le surplus de ses conclusions, a ordonné une expertise aux fins de déterminer la réalité et l'importance des retards dans l'exécution du lot " gros oeuvre ", l'imputabilité de ces retards et les préjudices en résultant pour la société Hélène et fils. L'expert a déposé son rapport le 3 novembre 2017 et, par jugement du 13 juillet 2018, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a rejeté le surplus des conclusions de la requête de la société Hélène et fils.

Sur l'existence d'un désistement :

3. Aux termes de l'article R. 612-5 du code de justice administrative : " Devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, si le demandeur, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée, n'a pas produit le mémoire complémentaire dont il avait expressément annoncé l'envoi (...), il est réputé s'être désisté ".

4. Si la requête de la société Helène et fils précise que la société " ne manquera pas de déposer un mémoire complémentaire dans le présent litige ", elle n'a pas été mise en demeure de produire ce mémoire, ses écritures étant suffisamment complètes et précises pour permettre à la cour de statuer sur sa demande. Par suite, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, la société ne peut être regardée comme s'étant désistée de sa requête.

Sur la recevabilité de la requête :

5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 (...) ". Aux termes de l'article R. 811-5 du même code : " Les délais supplémentaires de distance prévus à l'article R. 421-7 s'ajoutent aux délais normalement impartis. ( ...) ". L'article R. 421-7 de ce code dispose " Lorsque la demande est portée devant un tribunal administratif qui a son siège en France métropolitaine ou devant le Conseil d'État statuant en premier et dernier ressort, le délai de recours prévu à l'article R. 421-1 est augmenté d'un mois pour les personnes qui demeurent (...) à Saint-Pierre-et-Miquelon (...) ".

6. En application de ces dispositions, la société Hélène et fils, dont le siège est à Saint-Pierre-et-Miquelon, disposait d'un délai de trois mois pour relever appel du jugement du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon du 13 juillet 2018, à compter de la notification de ce jugement le 8 août 2018. Par suite, la requête enregistrée le 19 octobre 2018 n'est pas tardive.

7. En deuxième lieu, la société Hélène et fils ne conteste pas le jugement avant-dire-droit rendu par le tribunal administratif le 26 septembre 2012. Par suite, le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre ce jugement doit, en tout état de cause, être écarté.

8. En troisième lieu, la requête de la société Hélène et fils contient l'exposé de conclusions et de moyens et n'est pas une copie intégrale de ses écritures de première instance. Dès lors, la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative opposée par la société Archipel développement doit être écartée.

Sur la régularité du jugement :

9. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".

10. D'une part, dans sa requête introductive d'instance devant la cour, la société Hélène et fils a soulevé des moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué. Par suite, le centre hospitalier n'est pas fondé à soutenir que le moyen tiré du défaut de communication du mémoire enregistré devant le tribunal administratif le 22 juin 2018, soulevé dans le mémoire enregistré le 28 octobre 2020, serait un moyen se rattachant à une cause juridique distincte, irrecevable après l'expiration du délai de recours contentieux.

11. D'autre part, le jugement attaqué mentionne que le mémoire présenté le 22 juin 2018 par la société Hélène et fils n'a pas été communiqué. Or, comme le fait valoir la société requérante, ce mémoire était le premier qu'elle produisait à la suite du dépôt du rapport d'expertise et elle y analysait et critiquait longuement les conclusions de l'expert. En ne communiquant pas ce mémoire, qui contenait des éléments nouveaux susceptibles d'avoir une influence sur le jugement de l'affaire, et en statuant sans tenir compte de ces éléments, les premiers juges ont méconnu les dispositions rappelées au point 8 et entaché leur jugement d'irrégularité. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tirés de l'irrégularité du jugement, la société Hélène et fils est fondée à en demander l'annulation.

12. Il y a lieu pour la cour de se prononcer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée devant les premiers juges par la société Hélène et fils.

Sur la recevabilité de la demande portée devant les premiers juges :

13. Du fait de l'effet relatif des contrats, la société D... bâtiments Sud-Ouest qui, tout comme la société Secotrap Bordeaux aux droits de laquelle elle vient, n'a conclu aucun contrat avec la société requérante, ne peut se prévaloir des stipulations du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux, applicable au marché en cause, pour soutenir que, le décompte général étant définitif, la demande portée par la société Hélène et fils devant les premiers juges était irrecevable.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. La société Hélène et fils demande que soit ordonnée sous astreinte la production des pièces qui ne lui auraient pas été transmises par le maître d'ouvrage, malgré l'avis de la Commission d'accès aux documents administratifs en date du 11 février 2010, à savoir les courriers que l'OPC a adressé à la direction de l'équipement avec copie au maître d'ouvrage, les courriers du 6 décembre 2007 concernant un rapport de chantier et un courriel du 25 juin 2009.

15. Par courrier du 15 avril 2010, le conseil du centre hospitalier a adressé au conseil de la société Hélène et fils, en exécution d'un avis de la Commission d'accès aux documents administratifs du 11 février 2010, quatre-vingt-treize documents. À défaut de préciser en quoi la teneur des documents dont elle demande la production pourrait être utile à la résolution du présent litige, les conclusions citées au point précédent doivent être rejetées.

Sur la régularité des opérations d'expertise :

16. En premier lieu, la circonstance que le rapport d'expertise se prononce sur la question de la mise à disposition d'un vestiaire, excédant le champ de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon, n'est pas, par elle-même, de nature à entacher l'expertise d'irrégularité. Il en va de même de l'importance du délai écoulé entre la désignation de l'expert le 23 octobre 2012 et le dépôt de son rapport le 1er septembre 2017.

17. En deuxième lieu, si l'expert a retenu une durée de dix mois de retard dans le planning des travaux, mais a proposé une indemnisation sur la base de douze mois, une telle incohérence, dont il appartient au juge de tenir compte le cas échéant dans la détermination de l'indemnisation, n'entache pas d'irrégularité les opérations d'expertise.

18. En troisième lieu, le respect du caractère contradictoire de la procédure d'expertise implique que les parties soient mises à même de discuter devant l'expert des éléments de nature à exercer une influence sur la réponse aux questions posées par la juridiction saisie du litige. Lorsqu'une expertise est entachée d'une méconnaissance de ce principe, ses éléments peuvent néanmoins, s'ils sont soumis au débat contradictoire en cours d'instance, être régulièrement pris en compte par le juge, soit lorsqu'ils ont le caractère d'éléments de pur fait non contestés par les parties, soit à titre d'éléments d'information dès lors qu'ils sont corroborés par d'autres éléments du dossier.

19. Le centre hospitalier François Dunan et la société D... Sud-Ouest font valoir que l'expert n'a pas produit de pré-rapport et n'a pas établi de compte-rendu à la suite de deux réunions qui se sont tenues les 13 novembre 2014 et 12 novembre 2015, ce qui n'a pas permis d'assurer la traçabilité des échanges. Ils font également grief à l'expert de ne pas avoir communiqué aux parties l'ensemble des pièces sur lesquelles il s'est fondé. Toutefois, ils n'établissent pas ne pas avoir été mis à même de discuter devant l'expert des éléments de nature à exercer une influence sur la réponse aux questions posées par la juridiction saisie du litige. Ainsi, la méthode de l'expert, pour atypique et critiquable qu'elle soit, n'a pas entaché les opérations d'expertise d'irrégularité.

Sur les retards dans l'exécution du chantier :

20. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en oeuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

21. Aux termes de l'article 3.1 de l'acte d'engagement du marché litigieux : " La durée du marché est fixée à 48 mois de la date fixée par l'ordre de service émis par le maître d'ouvrage qui prescrira de les commencer/ Un calendrier d'exécution sera mis au point par le maître d'ouvrage en accord avec l'ensemble des entreprises et deviendra contractuel ".

22. En premier lieu, la société Hélène et fils fait valoir qu'alors que par ordre de service n° 2, le démarrage des travaux avait été fixé au 3 septembre 2007, ils n'ont pu effectivement commencer qu'en mai 2008, avec un décalage de plus de dix mois dont elle demande indemnisation. Toutefois, en application des stipulations rappelées au point 17, la fin des travaux devait intervenir dans un délai de 48 mois à compter de l'ordre de service du 3 septembre 2007 et il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que la société Hélène et fils a terminé les travaux du lot gros oeuvre le 28 octobre 2011, dépassant de peu le délai contractuellement prévu. Au demeurant, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la société Hélène et fils n'établit pas que le retard dans le démarrage des travaux dont elle se prévaut, qui serait dû, selon l'expert, au retard du bureau d'études Secotrap dans la fourniture des plans et études de fabrication, aurait pour origine une faute du maître d'ouvrage dans l'exécution de ses obligations contractuelles.

23. En second lieu, la société Hélène et fils soutient qu'initialement, le travail devait se dérouler " en linéaire ", mais que le chantier a été réorganisé selon un " nouveau phasage " pour permettre aux entreprises de second oeuvre d'intervenir plus rapidement, et que ce " nouveau phasage - indépendamment de la question du recadrage du planning- validé par le maître d'ouvrage a (...) eu des conséquences financières " pour elle. Toutefois, à défaut de se prévaloir d'un calendrier d'exécution devenu contractuel, prévu par les stipulations de l'article 3.1 de l'acte d'engagement rappelées au point 17, lequel ne figure pas au dossier, et en se bornant à se prévaloir de " plannings prévisionnels " dépourvus de valeur contractuelle, la société n'établit pas la réalité de la désorganisation du calendrier contractuel dont elle se prévaut, et encore moins son imputabilité au maître d'ouvrage.

24. Il résulte de ce qui précède que la société Hélène et fils n'est pas fondée à demander que le centre hospitalier François soit condamné à l'indemniser de retards dans l'exécution du marché public de construction du centre hospitalier François Dunan.

Sur les conclusions de la société D... bâtiment Sud-Ouest tendant au paiement de la somme de 40 000 euros :

25. La société D... bâtiment Sud-Ouest demande la condamnation de la société Hélène et fils et à défaut du centre hospitalier François Dunan à lui rembourser le coût des plans d'atelier et de chantier pour 40 000 euros HT, qu'elle soutient avoir fait exécuter par son sous-traitant, la société Atlantic structure, et régler en lieu et place de la société Hélène et fils. Toutefois, elle n'apporte aucun élément au soutien de cette allégation et ses conclusions doivent être rejetées.

Sur les appels en garantie :

26. Le présent arrêt ne prononçant aucune condamnation, les conclusions d'appel en garantie présentées par la société D... bâtiment Sud-Ouest, le centre hospitalier François Dunan et la société Archipel développement, anciennement nommée Sodepar, doivent être rejetées.

Sur les dépens :

27. Il y a lieu de mettre les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 34 996,12 euros, à la charge de la société Hélène et fils.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

28. Il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par les sociétés Hélène et fils, D... bâtiment Sud-Ouest et Archipel développement et par le centre hospitalier François Dunan.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Hélène et fils est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de la société D... bâtiment Sud-Ouest tendant à ce que la société Hélène et fils et le centre hospitalier François Dunan soit condamnés à lui verser la somme de 40 000 euros sont rejetées.

Article 4 : les conclusions d'appel en garantie présentées par la société D... bâtiment Sud-ouest, la société Archipel développement, anciennement nommée Sodepar, et le centre hospitalier François Dunan sont rejetées

Article 5 : Les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 34 996,12 euros, sont mis à la charge de la société Hélène et fils.

Article 6 : Les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par les sociétés Hélène et fils, D... bâtiment Sud-Ouest, Archipel développement et le centre hospitalier François Dunan sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Hélène fils, au centre hospitalier François Dunan, à la société D... bâtiment Sud-Ouest, à la société Archipel développement, à la société BDM Architectes, à la société A... Architecture, à la société Gruet Ingenierie, et à la société AEC Ingenierie.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme J..., présidente-assesseure,

Mme Florence Madelaigue, premier-conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2020.

Le président de chambre,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 18BX03688


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX03688
Date de la décision : 31/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : CABINET PALMIER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-31;18bx03688 ?
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