Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013.
Par un jugement n° 1604463 du 18 octobre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 décembre 2018 et le 8 octobre 2019, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 18 octobre 2018 ;
2°) de prononcer la décharge des suppléments d'impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration a procédé à une vérification de comptabilité et non au contrôle sur place prévu par l'avis adressé à la SCI B... le 25 novembre 2014, en contravention avec les dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ; ce contrôle de comptabilité exercé auprès de la SCI vicie l'ensemble de la procédure de contrôle ;
- l'administration n'a pas démontré avoir détruit les fichiers des écritures comptables dématérialisés remis au vérificateur avant la mise en recouvrement des impositions en méconnaissance du I de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ;
- le droit d'entrée versé par la société Précision Ski à la SCI B... ne constitue pas un supplément de loyer ; l'administration ne démontre pas le caractère anormalement bas du loyer stipulé dans le contrat de bail ; ce loyer avait pour objet d'indemniser le bailleur de la dépréciation du fonds résultant de la possibilité de céder le droit au bail aux sociétés du groupe Dani Spotts sans son accord ; l'article 7 de la convention du 31 octobre 2012 confirme la nature indemnitaire de la somme versée, qui ne représente pas la contrepartie des travaux effectués ;
- il appartenait à l'administration de démontrer que les sommes en litige constituent des suppléments de loyers et non pas des indemnités versées en contrepartie de la dépréciation du bien loué ;
- l'administration ne justifie pas les pénalités pour manquement délibéré.
Par deux mémoires, enregistrés le 16 juin 2019 et le 12 novembre 2019, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 28 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 22 novembre 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... E...,
- et les conclusions de Mme Aurélie Chauvin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... est gérante et associée à 98 % de la société civile immobilière B..., qui exerce une activité de location de locaux commerciaux nus, laquelle a fait l'objet d'un contrôle sur place engagé par avis de vérification du 25 novembre 2014 portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013. Par une proposition de rectification du 30 mars 2015, l'administration fiscale a réintégré dans les revenus imposables de la SCI B... la somme de 80 000 euros, comme constituant un supplément de loyer imposable dans la catégorie des revenus fonciers. La SCI B... étant soumise au régime fiscal des sociétés de personnes, tirant les conséquences de ce rehaussement des bénéfices de la SCI B..., l'administration a, à la suite d'un contrôle sur pièces, informé Mme B... de son intention de mettre à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux correspondant imposables au titre des années 2012 et 2013 par une proposition de rectification du 26 mai 2015.
2. Mme B... relève appel du jugement du 18 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impositions précités.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Les revenus tirés par les sociétés civiles immobilières de la location des immeubles leur appartenant sont en application des dispositions de l'article 8 du code général des impôts imposables à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus fonciers, au nom de leurs associés, au prorata des droits de ceux-ci dans la société. De plus, aux termes de l'article 172 bis du code général des impôts : " Un décret précise la nature et la teneur des documents qui doivent être produits ou présentés à l'administration par les sociétés immobilières non soumises à l'impôt sur les sociétés qui donnent leurs immeubles en location ou en confèrent la jouissance à leurs associés (...) ".
4. En outre et en vertu des articles 46 B et 46 C de l'annexe III au code général des impôts, pris sur le fondement de l'article 172 bis dudit code, les sociétés immobilières non soumises à l'impôt sur les sociétés, lorsqu'elles donnent leurs immeubles en location ou en confèrent la jouissance à leurs associés, sont tenues de remettre chaque année au service des impôts une déclaration indiquant notamment la part des revenus des immeubles de la société correspondant aux droits de chacun des associés. Aux termes de l'article 46 D, pris sur le même fondement légal, ces sociétés " sont tenues de présenter à toute réquisition du service des impôts tous documents comptables ou sociaux, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des renseignements portés sur les déclarations prévues auxdits articles 46 B et 46 C ".
5. Il ressort des dispositions précitées de l'article 172 bis du code général des impôts, ainsi que des dispositions réglementaires des articles 46 B à D de l'annexe III audit code prises pour leur application, qu'afin d'examiner les documents comptables et autres pièces justificatives que ces dernières dispositions imposent de tenir aux sociétés civiles immobilières qui donnent leurs immeubles en location ou en confèrent la jouissance à leurs associés, l'administration peut légalement procéder à un contrôle sur place de ces documents, dans le respect des garanties bénéficiant à l'ensemble des contribuables vérifiés. Si, en l'espèce, l'administration, qui procédait simultanément au contrôle des déclarations faites en matière de taxe sur la valeur ajoutée, a présenté le contrôle contradictoire de ces pièces comme constituant une " vérification de comptabilité ", il résulte de l'instruction que le vérificateur s'est borné à examiner les documents que la société était tenue de mettre à disposition de l'administration en vertu des dispositions précitées du code général des impôts et de son annexe III. Au demeurant, l'appelante n'indique pas en quoi la procédure mise en oeuvre par l'administration aurait privé la société d'une garantie offerte aux contribuables faisant l'objet d'un contrôle sur place contradictoire de leurs documents comptables. Par suite, le moyen tiré de ce que les impositions litigieuses auraient été établies à l'issue d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté.
6. En second lieu, si les dispositions de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales interdisent à l'administration fiscale de conserver les copies des fichiers d'écritures comptables après la mise en recouvrement des impositions, cette interdiction est destinée à garantir au contribuable que des impositions ultérieures ne seront pas établies sur la base des données contenues dans ces fichiers. L'omission de destruction des copies des fichiers en cause, en méconnaissance des dispositions précitées, est ainsi susceptible d'entacher la régularité des impositions qui viendraient à être ultérieurement établies sur la base des données qu'ils contiennent. Elle est, en revanche, à la supposer établie, sans influence sur les impositions mises en recouvrement après la consultation et l'exploitation des fichiers. L'appelante ne saurait dès lors utilement invoquer, dans le présent litige, un manquement de l'administration à son obligation de destruction.
Sur le bien-fondé de l'imposition du droit d'entrée en tant que supplément de loyer :
7. Le droit d'entrée perçu par le bailleur doit être, en principe, regardé comme un supplément de loyer. Il ne peut en aller autrement que si, dans les circonstances particulières de l'espèce, il apparaît, d'une part, que le loyer n'est pas anormalement bas et, d'autre part, que le droit d'entrée constitue la contrepartie d'une dépréciation du patrimoine du bailleur ou de la cession d'un élément d'actif. La seule circonstance que le bail commercial se traduise, pour le preneur, par la création d'un élément d'actif nouveau, compte tenu du droit au renouvellement du bail que celui-ci acquiert, ne suffit pas pour caractériser une dépréciation du patrimoine du bailleur ou une cession d'actif de sa part.
8. Il résulte de l'instruction que le bail commercial conclu le 30 octobre 2012 entre la SCI B... et la société Précision Ski portait sur la mise à disposition à cette dernière d'un local situé au rez-de-chaussée d'un immeuble collectif dénommé le " Val Store " à Val d'Isère, afin qu'elle y exploitât une activité de vente, location, réparation de matériel de ski, de loisir et de vêtements de sport. Les parties ont, par convention signée le 31 octobre 2012, convenu " en sus du paiement du loyer " le règlement par le preneur à bail, d'une " indemnité d'entrée " d'un montant de 80 000 euros.
9. L'appelante soutient que cette somme n'est pas représentative d'un supplément de loyer. Toutefois, elle se borne à affirmer, sans apporter d'élément à l'appui de ses allégations, que le loyer n'est pas anormalement bas et que la dépréciation du bien résulte de la possibilité de céder le droit au bail aux sociétés membres du groupe du preneur, sans son accord. Or, d'une part, le montant du loyer demandé à la société Précision Ski est inférieur à celui demandé aux deux précédents locataires et, d'autre part, les clauses de ce contrat, dont la conclusion n'a pas, par elle-même, pour effet d'entraîner la dépréciation de l'immeuble loué, ne mettaient pas à la charge du bailleur des contraintes supplémentaires par rapport au droit commun de la législation sur les baux commerciaux et n'entraînaient pas une limitation particulière du droit de propriété du bailleur qui serait constitutive d'une perte de capital alors même que le droit au bail pouvait être cédé sans son accord. La convention stipule au demeurant clairement que le droit d'entrée se justifie par la rareté des locaux commerciaux à Val d'Isère et l'emplacement privilégié du local. En conséquence, le droit d'entrée de 80 000 euros perçu par la SCI ne saurait être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme constituant la contrepartie d'une dépréciation de la valeur de l'immeuble. Par suite, l'indemnité en litige, quelle que soit la qualification donnée par le bail lui-même, doit être regardée comme constituant en réalité un supplément de loyer, dès lors qu'elle constitue la rémunération du service rendu pour l'accès à la location du bien et présente un lien direct avec ce service en contrepartie notamment d'une minoration du loyer, et doit être intégrée pour son montant hors taxe dans les revenus fonciers taxables de la SCI au titre des années 2012 et 2013 imposable dans les mains de Mme B... dans la catégorie des revenus fonciers.
Sur les pénalités pour manquement délibéré :
10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ". Il résulte de ces dispositions que la majoration pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le caractère délibéré du manquement reproché au contribuable, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.
11. Pour justifier l'application des pénalités prévues par les dispositions précitées du a) de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fiscale fait valoir que Mme B... a longtemps exercé une activité de marchand de biens puisque la société a été créé en 1988 et qu'à ce titre, elle ne pouvait pas ignorer que le montant du loyer demandé à la société Précision Ski était minoré par rapport à celui demandé aux locataires précédents du même local, ni qu'il existe un manque important de locaux commerciaux à Val d'Isère et que les indemnités d'entrée en litige était en réalité un supplément de loyers. Ce faisant, l'administration démontre l'intention de l'intéressée d'éluder l'impôt. Par suite, c'est à bon droit que les droits d'impôt sur le revenu auxquels l'appelante a été assujettie ont été majorés pour manquement délibéré au titre des années 2012 et 2013.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme F..., présidente-assesseure,
Mme C... E..., premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2020.
Le président de chambre,
Éric Rey-Bèthbéder
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX04334