Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme Allianz Global a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner solidairement les sociétés Ingérop, Ingérop Conseil et Ingénierie et Spie Sud-Ouest à lui verser, en réparation des dommages causés à un aéronef de la compagnie Corsair lors d'un accident survenu sur la piste de l'aéroport de Toulouse Blagnac qu'elle assure, la contre-valeur en euros de la somme correspondant à 191 515 dollars américains, augmentée des intérêts capitalisés à la date d'anniversaire de l'accident à compter de la mise en demeure adressée le 10 novembre 2010.
Par un jugement n° 1504487 du 31 mai 2018, le tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, condamné la société Spie Sud-Ouest et la société Ingérop Conseil et Ingénierie à verser solidairement à la société anonyme Allianz Global la somme de 171 273,13 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2015 et de la capitalisation des intérêts à compter du 30 septembre 2016 et a, d'autre part, condamné ces deux sociétés à se garantir réciproquement à hauteur de 50 % des condamnations mises à leur charge.
Procédure devant la cour :
I- Par une requête enregistrée le 26 juillet 2018, sous le n° 18BX02944 et des mémoires enregistrés les 16 novembre 2018, 16 janvier 2019 et 25 juillet 2019, la société Spie Industrie Tertiaire venant aux droits de la société Spie Sud-Ouest, représentée par Me A..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, de rejeter la demande de première instance présentée par la société anonyme Allianz Global Corporate et Specialty ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner la société Ingérop Conseil et Ingénierie et la société Aéroport Toulouse Blagnac à la garantir de la totalité des condamnations prononcées à son encontre ;
4°) de condamner la société Allianz Global Corporate et Specialty à lui verser la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- dans le cas d'une subrogation conventionnelle, la juridiction administrative serait incompétente pour statuer sur l'action de la société Corsair formée à son encontre ;
- le jugement est entaché d'une omission à statuer et d'une insuffisance de motivation s'agissant de la prescription soulevée dans le cadre de l'action subrogatoire et de l'appel en garantie qu'elle avait présentée à l'encontre de la société aéroport de Toulouse Blagnac ;
- la société Allianz Global Corporate n'a pas justifié être subrogée dans les droits de son assurée par la production du contrat d'assurance ;
- l'action du subrogeant dans les droits de la société Corsair est prescrite, car ce n'est que par un mémoire du 28 avril 2017 que la société Allianz Global Corporate a fait valoir qu'elle agissait comme subrogée de cette société ;
- sa responsabilité contractuelle ne peut être retenue dès lors que les installations ont été réceptionnées et la mise en service a été décidée avec l'accord de son contrôleur technique et que les désordres dont il est demandé réparation n'ont pas été réservés ; dans les courriers
du 8 novembre 2010, le maître d'ouvrage n'a pas entendu rechercher leur responsabilité contractuelle avant la réception des ouvrages ;
- la société Allianz Global Corporate n'a pas interrompu la prescription de l'action revenant à la société Corsair ;
- elle n'a commis aucune faute ;
- elle ne pouvait pas être condamnée solidairement avec la société Ingérop à réparer les désordres dès lors que cette société avait la charge du dimensionnement des balises et a commis une faute en ne spécifiant pas le dimensionnement des balises, manquant ainsi à ses obligations contractuelles ; la société Ingérop a reconnu avoir réalisé une note de calcul qu'elle ne lui a pas transmise ; elle connaissait parfaitement le dimensionnement des balises ; la société Ingérop a manqué à ses missions en validant le matériel sans spécifications de dimensionnement et en n'interdisant pas une pose de balises verticales seule de nature à les rendre frangibles ; il lui incombait de vérifier le respect des différentes règlementations ;
- en l'absence de réserve émise par la société Ingérop, aucune faute engageant sa responsabilité ne peut être retenue ;
- s'agissant du préjudice, la SA Corsair a commis une faute, car les dommages causés à l'aéronef n'ont été constatés que tardivement, de sorte que certains chefs de préjudices comme ceux liés aux transports des pièces de rechange n'auraient pas été exposés ;
- la gestion inadaptée de ce sinistre par la société Corsair a aggravé l'étendue du préjudice ;
- le préjudice n'est pas certain ;
- à titre subsidiaire, si sa responsabilité était retenue, elle devrait être entièrement garantie par la société Ingérop et par la société aéroport de Toulouse Blagnac car la non-conformité des feux d'identification à une hauteur non conforme aurait pu être détectée lors des visites quotidiennes réglementaires qui incombent à la société aéroport de Toulouse Blagnac ;
- les condamnations ne peuvent pas porter intérêts à compter du 10 novembre 2010, les sommes ayant été payées à la victime et à son assureur les 18 et 25 mai 2015.
Par des mémoires enregistrés les 18 octobre et 27 novembre 2018, et le 12 février 2019, la société Ingérop Conseil et Ingénierie, représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'ordonner la jonction des instances n° 18BX02944 et n° 18BX02945 ;
2°) d'annuler le jugement du 31 mai 2018 du tribunal administratif de Toulouse ;
3°) de la mettre hors de cause ;
4°) à titre subsidiaire, dans le cas où sa responsabilité serait retenue, de condamner la société Spie Sud-Ouest à la garantir intégralement de toutes condamnations ;
5°) de mettre à la charge de la société Allianz Global Corporate et Specialty et de la société Spie Sud-Ouest la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier car le tribunal ne s'est pas prononcé sur la recevabilité de l'action de l'assureur au regard de la prescription quinquennale ;
- l'assureur n'a pas établi être subrogé dans les droits de la société aéroport de Toulouse Blagnac ni dans ceux de la victime ;
- en tout état de cause, le maître d'ouvrage dans les droits duquel la société Allianz est subrogée ne dispose d'aucune action contre les constructeurs ;
- la réception des travaux est intervenue sans réserve après l'incident du 26 octobre 2010 ;
- les dommages causés à l'aéronef ont pour cause un défaut isolé d'exécution d'une balise provisoire ; n'ayant aucune mission sur les installations provisoires, les désordres ne peuvent lui être imputables ;
- la hauteur des feux provisoires était connue de la société Spie Sud-Ouest, qui disposait des informations nécessaires pour les poser ; l'article 2.1.1 du CCTP impose le respect par la société Spie Sud-Ouest de l'annexe 14 de la convention de l'organisation de l'aviation civile internationale ;
- la société Spie Sud-Ouest a posé verticalement les coffrets, alors qu'elle avait prévu de les poser horizontalement et doit donc assumer les conséquences de son manquement.
Par un mémoire enregistré le 26 juin 2019, la société Allianz Global Corporate et Specialty et la société Aéroport de Toulouse Blagnac, représentées par Me G..., demandent à la cour :
1°) de rejeter les requêtes présentées par la société Spie Sud-Ouest et par la société Ingérop Conseil et Ingénierie ;
2°) de mettre à la charge de la société Spie Sud-Ouest et des sociétés Ingérop SAS et Ingérop Conseil et Ingénierie la somme de 3 500 euros chacune à payer à la société Allianz Global Corporate et Specialty au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) de mettre à la charge de la société Spie Sud-Ouest la somme de 2 500 euros à verser à la société Aéroport de Toulouse Blagnac au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la société Allianz Global Corporate est valablement subrogée pour exercer les droits et actions de la société Aéroport de Toulouse Blagnac ;
- le jugement n'est pas irrégulier ;
- l'action de la société Allianz Global Corporate n'était pas prescrite, dès lors qu'elle a été interrompue par l'introduction de sa demande devant le tribunal administratif de Toulouse ;
- à l'égard de la société Ingérop Conseil et Ingénierie, la prescription a été interrompue à l'égard de la société Ingérop Sas, qui a répondu à ses correspondances ;
- la réception est sans effet sur les dommages causés aux tiers survenus en cours de chantier et parfaitement connus ;
- en tout état de cause, la société Allianz Global Corporate est subrogée dans les droits de la victime et dispose d'une action directe à l'encontre des participants à une opération de travaux publics ;
- les sociétés Ingérop Conseil et Ingénierie et Spie Sud-Ouest ayant commis des fautes, leur responsabilité contractuelle solidaire est engagée à leur égard ; c'est l'installation non conforme des balises par la société Spie Sud-Ouest qui est à l'origine des désordres dont la société Allianz Global Corporate demande réparation ; la société Ingérop Conseil et Ingénierie a manqué à son obligation de surveillance du chantier ;
- à titre subsidiaire, la responsabilité contractuelle de la société Ingérop est engagée car elle a failli à ses obligations d'assistance au cours des opérations de réception des travaux ;
- ses dommages matériels et immatériels sont justifiés ;
- la société Spie Sud-Ouest n'est pas fondée à appeler en garantie la société Aéroport Toulouse Blagnac, dès lors que l'inspection réglementaire prévue par l'arrêté du 6 mars 2008 vise à détecter les détériorations visibles de la surface de la chaussée et non à contrôler les installations techniques.
Vu l'ordonnance du 16 décembre 2019 fixant la clôture de l'instruction au 31 janvier 2020.
II- Par une requête enregistrée le 26 juillet 2018 sous le n° 18BX02945 et des mémoires enregistrés les 27 novembre 2018 et 12 février 2019, la société Ingérop Conseil et Ingénierie, représentée par Me D... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 31 mai 2018 ;
2°) d'ordonner la jonction des instances n° 18BX02944 et n° 18BX02945 ;
3°) de la mettre hors de cause ;
4°) à titre subsidiaire, dans le cas où sa responsabilité serait retenue, de condamner la société Spie Sud-Ouest à la garantir intégralement de toutes condamnations prononcées à son encontre ;
5°) de condamner la société Allianz Global Corporate et Specialty et la société Spie Sud-Ouest à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle reprend les mêmes moyens que ceux présentés dans l'instance n°18BX02944.
Par des mémoires enregistrés les 16 novembre 2018, 16 janvier 2019 et le
25 juillet 2019, la société Spie Industrie Tertiaire venant aux droits de la société Spie Sud-Ouest, représentée par Me A..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, de rejeter la demande de première instance présentée par la société anonyme Allianz Global Corporate et Specialty ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner la société Ingérop Conseil et Ingénierie et la société Aéroport Toulouse Blagnac à la garantir de la totalité des condamnations prononcées à son encontre ;
4°) de condamner la société Allianz Global Corporate et Specialty à lui verser la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle reprend les mêmes moyens que ceux présentés dans l'instance n° 18BX02944.
Par un mémoire enregistré le 26 juin 2019, la société Allianz Global Corporate et Specialty et la société Aéroport de Toulouse Blagnac, représentées par Me G..., demandent à la cour :
1°) de rejeter les requêtes présentées par la société Spie Sud-Ouest et la société Ingérop Conseil et Ingénierie ;
2°) de mettre à la charge de la société Spie Sud-Ouest et des sociétés Ingérop SAS et Ingérop Conseil et Ingénierie la somme de 3 500 euros chacune à verser à la société Allianz Global Corporate et Specialty au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) de mettre à la charge de la société Spie Sud-Ouest la somme de 2 500 euros à verser à la société Aéroport de Toulouse Blagnac au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles reprennent les moyens présentés dans l'instance n° 18BX02944.
Vu l'ordonnance du 16 décembre 2019 fixant la clôture de l'instruction au 31 janvier 2020.
Dans ces deux instances, par courrier du 4 février 2020, la cour a informé les parties qu'elle était susceptible de relever d'office le moyen tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître de la responsabilité des sociétés Spie Sud-Ouest et Ingérop Ingénierie et Conseil sur le fondement des fautes commises dans l'exécution de contrats de droit privé et pour connaître de l'action formée par un assureur, subrogé dans les droits de la victime, en sa qualité d'usager, contre les personnes participant à l'exécution d'un service public industriel et commercial.
Vu les mémoires enregistrés les 11 février et 26 novembre 2020 pour la société Allianz Global Corporate et Specialty et la société Aéroport Toulouse Blagnac en réponse au moyen d'ordre public.
Vu :
- les autres pièces de ces deux dossiers.
Vu :
- le code des assurances ;
- le code de l'aviation civile ;
- le code des transports ;
- l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 ;
- le loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 ;
- la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports ;
- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;
- le décret n° 2007-244 du 23 février 2007 relatif aux aérodromes appartenant à l'Etat et portant approbation du cahier des charges type applicable à la concession de ces aérodromes ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... B...,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;
- les observations de Me A... pour la société Spie Sud-Ouest,
- et les observations de Me G... pour la société Aéroport Toulouse Blagnac et la société Allianz Global Corporate et Specialty.
Considérant ce qui suit :
1. La société Aéroport Toulouse Blagnac, société anonyme à capitaux publics, a conclu le 11 mai 2009 un contrat de maîtrise d'oeuvre avec la société Ingérop Conseil et Ingénierie en vue de la rénovation des approches des pistes 14L/32R et 14R/32L de l'aéroport. Elle a également conclu le 9 juillet 2010 un marché de travaux avec la société Spie Sud-Ouest pour la réalisation de travaux de rénovation du balisage lumineux de l'approche de ces pistes. Pendant l'exécution de ces contrats, le 26 octobre 2010, un aéronef de la compagnie Corsair opérant le vol Toulouse-La Réunion a heurté au roulage une balise temporaire de la piste, endommageant l'entrée d'air du réacteur numéro 3 situé à l'intérieur de l'aile gauche. La compagnie d'assurance Allianz Global Corporate et Specialty, assureur de l'aéroport, a conclu un accord transactionnel avec la compagnie aérienne et son assureur le 23 février 2015 et a indemnisé le préjudice subi par la société Corsair à hauteur de 191 515 USD. La société Allianz Global, à titre principal en sa qualité de subrogée dans les droits de la société Aéroport Toulouse Blagnac, a recherché la responsabilité des sociétés Ingérop, Ingérop Ingénierie et Conseil et Spie Sud-Ouest devant le tribunal administratif de Toulouse en se prévalant des fautes contractuelles commises par ces sociétés dans l'exécution des marchés de travaux. A titre subsidiaire, invoquant sa qualité de subrogée dans les droits de la victime, la compagnie Corsair, la société Allianz Global a recherché la responsabilité de ces mêmes entreprises sur le fondement de leur responsabilité extracontractuelle. Par un jugement du 31 mai 2018, le tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, condamné la société Spie Sud-Ouest et la société Ingérop Conseil et Ingénierie à verser solidairement à la société anonyme Allianz Global la somme de 171 273,13 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2015 et de la capitalisation des intérêts à compter du 30 septembre 2016 et a, d'autre part, condamné ces deux sociétés à se garantir réciproquement à hauteur de 50 % des condamnations mises à leur charge. Par deux instances enregistrées sous les n° 18BX02944 et 18BX02945, la société Spie Tertiaire Industrie, venant aux droits de la société Spie Sud-Ouest, d'une part, et la société Ingérop Ingénierie et Conseil, d'autre part, relèvent appel de ce jugement.
Sur la jonction :
2. Les appels formés par ces deux sociétés sont dirigés contre un même jugement et présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
Sur la compétence de la juridiction administrative :
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle à l'égard de la société Allianz Global en tant que subrogée dans les droits de la société Aéroport Toulouse Blagnac :
3. En premier lieu, si selon les dispositions de l'article 2 de la loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier (MURCEF) : " I- Les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs ", l'article 62 du cahier des charges type applicable aux concessions aéroportuaires de l'Etat, en application du décret du 23 février 2007 relatif aux aérodromes appartenant à l'Etat, et, partant, à la société Aéroport Toulouse Blagnac, les marchés de travaux du concessionnaire sont soumis aux procédures de publicité et de mise en concurrence prévues par l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques et privées non soumis au code des marchés publics. Il s'ensuit que les marchés passés par la société Aéroport Toulouse Blagnac ne constituent pas des contrats administratifs par détermination de la loi.
4. En second lieu, le litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties sont unies par un contrat de droit privé. Dans ce dernier cas, la compétence demeure administrative si l'une des parties au contrat agit pour le compte d'une personne publique.
5. Lorsqu'une personne privée, chargée par une personne publique d'exploiter un ouvrage public, conclut avec d'autres entreprises un contrat en vue de la réalisation de travaux sur cet ouvrage, elle ne peut être regardée, en l'absence de conditions particulières, comme agissant pour le compte de la personne publique propriétaire de l'ouvrage.
6. L'article 1 du cahier des charges type applicable aux concessions aéroportuaires de l'Etat, auquel est soumise la société Aéroport Toulouse Blagnac, prévoit que " la concession porte sur la réalisation, le développement, le renouvellement, l'entretien, l'exploitation et la promotion des terrains, ouvrages, bâtiments, installations, matériels, réseaux d'un ou plusieurs aérodromes. (...) Le concessionnaire assure l'exploitation de l'aérodrome. Il fournit un service aéroportuaire répondant aux besoins des transporteurs aériens, des administrations et entreprises dont l'intervention est nécessaire aux activités de transport aérien, des passagers et du public. Il prend ses dispositions pour assurer la mise en oeuvre du principe de continuité de ce service, le cas échéant en collaboration avec les services de l'Etat et l'établissement public Météo France. Il veille à ce que ses cocontractants appliquent ce même principe. Le concessionnaire assure l'aménagement et le développement de l'aérodrome et réalise les investissements nécessaires à cet effet (...) ". L'article 17 de ce cahier prévoit que : " (...) le concessionnaire assure l'aménagement des aires de manoeuvres et assure la mise à disposition, la maintenance, la fourniture de l'énergie normale du balisage lumineux (...) ". Enfin, l'article 83 du même cahier des charges prévoit qu'à l'expiration de la concession, le concessionnaire remet à l'Etat tous les biens meubles et immeubles de la concession classés comme bien de retour.
7. Il résulte des stipulations précitées du cahier des charges que la société anonyme Aéroport Toulouse Blagnac est concessionnaire de l'aéroport et est chargée de son exploitation. Il lui incombe à cette fin d'assurer l'aménagement et le développement de l'aérodrome et de réaliser les investissements nécessaires à cet effet, d'entretenir les ouvrages, bâtiments, installations, matériels et réseaux, d'aménager les aires de manoeuvres et d'assurer la fourniture de l'énergie normale du balisage. Dans le cadre de ces missions, la société Aéroport Toulouse Blagnac, personne morale de droit privé, a réalisé des travaux de rénovation du balisage lumineux de l'approche des pistes de l'aéroport et a passé dans ce but un marché de maîtrise d'oeuvre et un marché de travaux avec la société Ingérop Ingénierie et Conseil et la société Spie Sud-Ouest, personnes morales de droit privé.
8. La société Allianz Global soutient cependant qu'en passant ces contrats, la société Aéroport Toulouse Blagnac a agi pour le compte de l'Etat. Elle fait valoir que les travaux ont été réalisés sur le domaine public aéroportuaire, pour le compte du service de la navigation aérienne, qui approuve les marchés et les contrôle.
9. Aux termes de l'article 42 du même cahier de charges relatif au prestataire de service de la navigation aérienne : " (...) Sans préjudice des dispositions de l'article 60 du présent cahier des charges, le concessionnaire et le prestataire de services de la navigation aérienne organisent une concertation régulière sur leurs projets de travaux et de la compatibilité de ces travaux avec les contraintes de l'exploitation aéroportuaire et de la fourniture des services de la navigation aérienne ". Aux termes de l'article 60 de ce cahier des charges, relatif au régime des travaux " Tous travaux de création, d'aménagement de voie ou de réfection de pistes (...) ne doivent pas dégrader les conditions d'exercice de la navigation aérienne. Le concessionnaire tient informé le directeur de l'aviation civile, avec un préavis d'au moins trois mois avant leur commencement (...) de tous projets de travaux pouvant affecter l'exercice des missions des services de l'Etat, notamment sur les aires de mouvements (...) Dans ce délai, le directeur de l'aviation civile peut formuler des propositions ou recommandations ou le cas échéant, exiger des modifications portant sur la nature des travaux, leur calendrier et leur phasage ainsi que sur leur modalités d'exécution. Le concessionnaire indique au directeur de l'aviation civile, dans un délai de huit jours, les suites qu'il entend donner à ces propositions et recommandations ".
10. Il résulte de ces stipulations du cahier des charges que si le concessionnaire doit mener une concertation régulière sur ses projets de travaux, dans le but de veiller à leur compatibilité avec la fourniture des services de la navigation aérienne, il accomplit toutefois librement les actes d'exploitation et d'administration nécessaires à la mission qui lui a été confiée et définit les travaux à réaliser. Cette concertation n'excède pas le pouvoir que conserve le propriétaire de l'ouvrage public afin d'en assurer le respect de l'intégrité et de la destination par son cocontractant. L'information donnée au directeur de l'aviation civile sur la programmation des travaux et la possibilité qu'il a d'exiger des modifications portant sur la nature même des travaux, qui lui sont reconnus en sa qualité de prestataire de service ainsi que le prévoit le cahier des charges, a pour objet de garantir la sécurité aérienne mais ne permet pas de considérer que les travaux entrepris le seraient pour le compte de l'Etat.
11. Si la société Allianz Global fait également valoir que les marchés en litige prennent en compte les contraintes de l'exploitation aéroportuaire et la réglementation aéronautique, celles-ci n'excèdent pas le pouvoir que le concédant d'un ouvrage public peut imposer à son cocontractant afin d'en assurer le respect de l'intégrité et de la destination et pour rendre les travaux compatibles avec la fourniture des services de la navigation aérienne par son prestataire. Enfin, la circonstance que le marché de travaux se réfère au cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux et que le marché de maîtrise d'oeuvre se réfère au cahier des clauses administratives générales applicables aux prestations intellectuelles, au décret du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maître d'oeuvre confiées par les maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé et à l'arrêté du 21 décembre 1993 s'y rapportant, est sans incidence sur la qualification juridique de ces marchés.
12. Par suite, ni les missions décrites au point 7 ni les conditions prévues pour leur exécution ne permettent de regarder la société Aéroport Toulouse Blagnac, quels que soient les détenteurs de son capital lors de la passation des marchés, comme agissant comme mandataire de l'Etat lorsqu'elle passe des marchés pour assurer la rénovation du balisage lumineux de l'approche des pistes de l'aéroport alors même que ces travaux sont réalisées sur le domaine public aéroportuaire. Les ouvrages résultant de ces travaux ne seront remis à l'Etat que par voie d'accession, à l'expiration de la concession.
13. Il résulte de ce qui précède que le juge administratif n'est pas compétent pour connaître de l'action de la société Allianz Global, subrogée dans les droits de son assurée, la société Aéroport Toulouse Blagnac contre les sociétés Ingérop et Spie Sud-Ouest à raison des fautes commises dans l'exécution de travaux réalisés dans le cadre de contrats de droit privé qui relèvent des juridictions de l'ordre judiciaire.
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle à l'égard de la société Allianz Global en tant que subrogée dans les droits de la compagnie Corsair :
14. Si la société Allianz Global fait valoir qu'elle est également subrogée dans les droits de la victime, la compagnie Corsair, à concurrence de la créance éteinte par elle à la suite de la signature du protocole transactionnel signé le 23 février 2015 avec la compagnie Corsair et l'assureur de cette dernière, cette action devant la juridiction administrative ne peut être fondée sur les contrats de droit privé conclus entre son assuré, la société Aéroport de Toulouse-Blagnac, et les sociétés appelantes, à l'égard desquels la victime, la compagnie Corsair, a la qualité de tiers.
En ce qui concerne la responsabilité extra-contractuelle à l'égard de la société Allianz Global en tant que subrogée dans les droits de la compagnie Corsair :
15. Si les collectivités publiques, leurs concessionnaires ou leurs entrepreneurs doivent, quelle que soit la nature du service public qu'ils assurent, réparer les dommages causés aux tiers par les ouvrages dont ils ont la charge ou les travaux qu'ils entreprennent et si la responsabilité qu'ils encourent ainsi, même en l'absence de toute faute relevée à leur encontre, ne peut être appréciée que par la juridiction administrative, il n'appartient pas, en revanche, à cette juridiction de connaître des dommages imputables aux ouvrages ou travaux concernés et d'apprécier la responsabilité encourue à raison de vices dans leur conception, leur exécution ou leur entretien lorsque ces dommages ont été causés à l'usager d'un service industriel et commercial par une personne ayant collaboré à l'exécution de ce service et à l'occasion de la fourniture de la prestation due par le service à cet usager. En raison des liens de droit privé existant entre les services publics industriels et commerciaux et leurs usagers, les tribunaux judiciaires sont seuls compétents pour connaître de l'action formée par l'usager contre les personnes participant à l'exécution du service.
16. Il résulte des dispositions de l'article L. 6325-1 du code des transports et des articles R. 224-1 et R. 224-2 du code de l'aviation civile que le service public aéroportuaire rendu par la société Aéroport Toulouse Blagnac aux exploitants d'aéronefs et à leurs prestataires de service concerne l'usage de terrains, d'infrastructures, d'installations, de locaux et d'équipements aéroportuaires nécessaires à l'exploitation des aéronefs ou à celle d'un service de transport aérien. Il résulte des stipulations précitées du cahier de charges de la concession aéroportuaire que ce service rendu par la société Aéroport Toulouse Blagnac implique l'aménagement et l'entretien des pistes. Ce service donne lieu, en application des articles précités du code des transports et des articles du code de l'aviation civile, à la perception de redevances, lesquelles comprennent notamment la redevance d'atterrissage, qui correspond à l'usage par les aéronefs de plus de six tonnes des infrastructures et équipements aéroportuaires nécessaires à l'atterrissage, au décollage, à la circulation au sol, ainsi que, le cas échéant, aux services complémentaires, tels que le balisage, l'information de vol et les aides visuelles.
17. Il résulte de ce qui précède que le balisage lumineux de l'approche des pistes fait partie des prestations du service de transport aérien rémunéré par la redevance d'atterrissage perçue par la société Aéroport Toulouse-Blagnac.
18. La société Allianz Global fait valoir que l'exploitation d'un aéroport est soumise à de fortes contraintes règlementaires et à des sujétions imposées par l'Etat. Toutefois, le service rendu lorsque la société Aéroport Toulouse-Blagnac, dans les conditions rappelées aux points 16 et 17, met à la disposition de la société Corsair les installations aéroportuaires pour lui permettre de décoller ou d'atterrir n'implique l'exercice d'aucune prérogative de puissance publique. Par suite, ce service présente un caractère industriel et commercial, dont la compagnie Corsair est usagère.
19. Il résulte de l'instruction que les dommages subis sur l'entrée d'air du réacteur de l'avion Boeing 747-400 F-HSUN de la compagnie Corsair se sont produits le 26 octobre 2010, alors que l'aéronef roulait sur la ligne jaune du taxiway de l'aéroport Toulouse-Blagnac. Il a heurté deux balises provisoires, en l'occurrence deux feux d'identification de piste, fixés au sol à titre provisoire par les sociétés appelantes, pendant l'exécution des marchés de travaux, lesquels feux étaient positionnés verticalement et à une hauteur ne permettant pas le passage des réacteurs de l'appareil lors du roulage.
20. Il résulte de ce qui précède que les dommages dont la société Allianz Global demande réparation aux sociétés Spie Sud-Ouest et Ingérop, en tant que subrogée dans les droits de la victime, la compagnie Corsair, du fait des balises lumineuses provisoires installées par les sociétés Spie Sud-Ouest et Ingérop, ont été subis à l'occasion de la fourniture de la prestation qui lui était due par la société Aéroport de Toulouse-Blagnac. En raison des liens de droit privé existant entre les services publics industriels et commerciaux et leurs usagers, les tribunaux judiciaires sont également seuls compétents pour connaître de l'action formée par l'usager contre les personnes participant à l'exécution du service et, par suite, de l'action subrogatoire de l'assureur.
21. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens d'irrégularité du jugement invoqués par la société Ingérop Conseil et Ingénierie et par la société Spie Tertiaire Industrie, il y a lieu d'annuler le jugement du 31 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse s'est reconnu compétent pour connaître de la demande de la société Allianz Global Corporate et Specialty et, statuant par voie d'évocation, de rejeter cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la société Spie Tertiaire Industrie et de la société Ingérop Conseil et Ingénierie, qui n'ont pas la qualité de parties perdantes, les sommes que demandent la société Allianz Global Corporate et Specialty et la société Aéroport Toulouse-Blagnac au titre de leur frais d'instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Allianz Global Corporate et Specialty une somme à verser à la société Spie Tertiaire Industrie et à la société Ingérop Conseil et Ingénierie, au titre des frais qu'elles ont exposés dans ces deux instances.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1504487 du 31 mai 2018 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : La demande de première instance présentée par la société Allianz Global Corporate et Specialty devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 3 : Les conclusions de la société Allianz Global Corporate et Specialty, de la société Aéroport de Toulouse-Blagnac, de la société Spie Tertiaire Industrie et de la société Ingérop présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Spie Tertiaire Industrie, à la société Ingérop Conseil et Ingénierie, à la la société Allianz Global Corporate et Specialty et à la société Aéroport de Toulouse-Blagnac.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme E... H..., présidente de la cour,
M. Didier Artus, président,
M. Eric Rey-Bethbeder, président,
Mme J..., présidente-assesseure,
Mme F... I..., présidente-assesseure,
Mme C... B..., premier-conseiller.
Mme Florence Madelaigue, premier-conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.
La présidente,
Brigitte PHEMOLANT
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°s 18BX02944 18BX02945