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15/12/2020 | FRANCE | N°20BX02039

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 15 décembre 2020, 20BX02039


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, et l'a informé qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour, ainsi que la décision du même jour de la préfète de la Gironde portant assignation à résidence pour une durée de

quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1905567 du 19 novembre 2019, le magistra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, et l'a informé qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour, ainsi que la décision du même jour de la préfète de la Gironde portant assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1905567 du 19 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 juin 2020 et 21 octobre 2020, M. A..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 19 novembre 2019 ;

2°) d'annuler les décisions du 12 novembre 2019 du préfet de la Haute-Vienne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation familiale ;

- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire n'est pas caractérisé ;

- la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de motivation ;

- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision d'assignation à résidence est privée de base légale du fait de l'illégalité de des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus d'un délai de départ volontaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 septembre 2020, le préfet de la Haute-Vienne conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête et à titre subsidiaire, au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- en l'absence de production de la décision d'aide juridictionnelle, le requérant ne justifie pas de la recevabilité de sa requête ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par décision du 14 mai 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... F...,

- les observations de Me E..., représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais, né le 16 juillet 1977, est entré en France au cours de l'année 2015, selon ses déclarations. Il a été interpelé par la brigade de gendarmerie de Bellac (Haute-Vienne) lors d'un contrôle routier et le préfet de la Haute-Vienne a alors pris à son encontre le 12 novembre 2019, un arrêté l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de renvoi. Dans l'attente de la délivrance d'un laissez-passer permettant son rapatriement, par une décision du même jour, la préfète de la Gironde l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. A... relève appel du jugement du 19 novembre 2019, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. / (...) ".

3. Il ressort des motifs mêmes de l'arrêté contesté que le préfet de la Haute-Vienne, qui a visé les dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a relevé, dans cette décision, les éléments pertinents, relatifs à la vie privée et familiale de M. A... dont il avait connaissance et en particulier son concubinage depuis avril 2018 avec Mme C... ainsi que la naissance de leur fille âgée alors de sept mois. Cet arrêté relève également que les décisions prises à son encontre ne portent pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et ne portent pas davantage atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant, garantis, respectivement, par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Pour soutenir que la décision contestée méconnaît ces stipulations, M. A... se prévaut de sa durée de présence en France depuis 2015 et de ce qu'il vit en concubinage avec une ressortissante sénégalaise en situation régulière, titulaire d'un contrat de travail, et avec laquelle il a eu une fille née en avril 2019. Toutefois, M. A... ne justifie pas de sa présence continue sur le territoire national depuis 2015 par la production de la seule attestation de la police aux frontières de Modane faisant état d'un contrôle à la frontière le 9 octobre 2015. Il n'établit pas davantage la durée de son concubinage avec la mère de sa fille avant mars 2019. A la date de la décision contestée, cette vie commune était récente. Le requérant qui se borne à produire une attestation de sa concubine et des parents de celle-ci, au demeurant postérieures à la décision attaquée, indiquant qu'" il s'occupe très bien de sa famille ", n'établit pas de façon probante le caractère effectif de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de son enfant. La circonstance que sa concubine serait enceinte de leur second enfant est par elle-même sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. En outre, il est constant que l'intéressé entré irrégulièrement en France, n'a effectué aucune démarche pour régulariser sa situation. Hormis ce concubinage, M. A... n'établit pas disposer en France de liens stables et durables ni s'être intégré socialement au sein de la société française. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et sa fratrie. Dans ces circonstances, et compte tenu des conditions de son séjour en France, et alors même qu'il aurait entrepris des démarches en vue d'un mariage civil, l'atteinte portée par le préfet au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale n'est pas disproportionnée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Dans ces circonstances, le préfet de la Haute-Vienne n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation en décidant de l'éloignement de M. A....

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. Ainsi qu'il a été dit au point 5, M. A... n'établit pas sa participation à l'entretien et à l'éducation de sa fille. Il ne produit par ailleurs aucun élément permettant de retenir la réalité de liens affectifs avec son enfant. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté, méconnaît les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la décision refusant un délai de départ volontaire :

8. En premier lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français (...) ".

9. La décision refusant à M. A... un délai pour quitter volontairement la France vise les dispositions du 3° a) et h) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, qui constituent le fondement de droit de cette décision et mentionne qu'il existe un risque que M. A... se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français dès lors qu'il est entré irrégulièrement sur le territoire français sans solliciter la délivrance d'un titre de séjour et qu'il a manifesté son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. La décision refusant un délai de départ volontaire comporte ainsi, de façon suffisante, les motifs de droit et de fait qui la fondent.

10. En deuxième lieu, il est constant que lors de son audition du 11 novembre 2019 par les services de gendarmerie, M. A..., qui s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français, a déclaré ne pas vouloir retourner dans son pays d'origine. La seule circonstance qu'il vit en France avec sa concubine, le fils de celle-ci ainsi que la fille qu'il a eue avec sa concubine, ne saurait suffire à exclure tout risque que l'intéressé se soustraie à cette mesure d'éloignement alors en outre qu'il ne produit aucun élément, ainsi qu'il a été dit, corroborant ses affirmations quant à l'ancienneté de son concubinage et sa participation à l'entretien et à l'éducation de sa fille. Par suite, le préfet de la Haute-Vienne n'a ni méconnu les dispositions de cet article, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que M. A... présentait le risque de se soustraire à la mesure d'éloignement prise à son encontre et en lui refusant, pour ce motif, tout délai pour quitter volontairement le territoire français.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

12. En deuxième lieu, M. A... reprend en appel le moyen tiré de ce que la décision contestée est insuffisamment motivée sans critiquer la réponse du premier juge. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par le magistrat désigné.

Sur la décision portant assignation à résidence :

13. L'obligation de quitter le territoire français sans délai n'étant pas entachée des illégalités alléguées, le moyen tiré de ce que l'assignation à résidence serait dépourvue de base légale doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée en défense, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Me E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne et à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme B... F..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020.

Le président,

Elisabeth Jayat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 20BX2039


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02039
Date de la décision : 15/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : SAMB-TOSCO

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-15;20bx02039 ?
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