Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 14 janvier 2020 par lequel le préfet des Deux-Sèvres lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 200528 du 27 mai 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de Mme A....
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 2 et 27 juillet 2020, Mme A..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 27 mai 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 janvier 2020 par lequel le préfet des Deux-Sèvres lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet des Deux-Sèvres de procéder au réexamen de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de séjour a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été entendue préalablement à son édiction ;
- cette décision méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne peut pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où elle réside en France depuis plus de dix-huit mois auprès de son fils qui l'héberge et de ses petits-enfants, et qu'elle serait isolée en cas de retour en Côte d'Ivoire en raison du décès de son époux ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été entendue préalablement à son édiction ;
- cette décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour qui la fonde ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... B..., a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., de nationalité ivoirienne, née le 1er janvier 1950, relève appel du jugement du 27 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 janvier 2020 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. En l'espèce, Mme A..., à qui il appartenait de faire connaître au préfet tout élément nouveau ayant trait à sa situation personnelle, n'établit pas avoir été dans l'impossibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu exercer une influence sur le sens de la décision portant refus de séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme A... sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet, qui s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 28 août 2019, a considéré que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut, en revanche, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers ce pays.
5. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. Si Mme A..., qui souffre d'un diabète de type II, produit un certificat médical du docteur Sieyamdji précisant que son état nécessiterait une prise en charge plus adéquate et appropriée, des articles de presse sur le diabète en Afrique et le système de santé en Côte d'Ivoire, ainsi qu'une prescription médicale en date du 20 mai 2020, ces éléments ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le préfet sur la possibilité pour l'intéressée de bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé en Côte d'Ivoire. Par suite, le préfet des Deux-Sèvres n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant, par la décision contestée, de délivrer un titre de séjour pour motif de santé à Mme A....
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Mme A... soutient qu'elle réside en France depuis plus de dix-huit mois auprès de son fils qui l'héberge et de ses petits-enfants. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'appelante est entrée en France récemment à l'âge de 68 ans. Si Mme A... fait valoir qu'elle serait isolée en Côte d'Ivoire dès lors que son époux est décédé, il est toutefois constant qu'elle a vécu la majeure partie de sa vie dans ce pays et notamment sur la période du 10 septembre 2008, date du décès de son époux, au 5 août 2018, date à laquelle elle a déclaré être entrée sur le territoire français. Par suite, le préfet des Deux-Sèvres n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision contestée et n'a, dès lors, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré, par voie d'exception, de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour qui la fonde doit être écarté.
10. En deuxième lieu, le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu, comme en l'espèce, être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour. Dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté.
11. En troisième et dernier lieu, et pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 et 8, les moyens tirés de la méconnaissance par la décision portant obligation de quitter le territoire français des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français doivent être écartés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet des Deux-Sèvres.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme C... B..., présidente-assesseure,
Mme F..., première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 décembre 2020.
Le rapporteur,
Karine B...Le président,
Dominique Naves
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX02145