Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 16 novembre 2018 portant refus d'entrée sur le territoire national.
Par un jugement n° 1800999 du 8 février 2019, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté la demande de Mme E....
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoire enregistrés respectivement les 10 avril 2019, 23 août 2019, 18 mars 2020 et 9 octobre 2020, Mme E..., représentée par Me G..., a demandé à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 février 2019 du tribunal administratif de La Réunion ;
2°) de surseoir à statuer pour poser à la juridiction judiciaire une question préjudicielle relative à la détermination de sa nationalité ;
3°) après avoir pris connaissance de la réponse à cette question préjudicielle, d'annuler la décision de refus d'entrée sur le territoire du 16 novembre 2018 ;
4°) d'enjoindre au ministre de l'Intérieur d'organiser et prendre en charge, dans les meilleurs délais, son retour sur le territoire français et de lui délivrer un document l'autorisant à entrer en France ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit en tant qu'il s'est prononcé à tort sur sa nationalité alors que cela relève de la compétence de la juridiction civile en application de l'article 29 du code civil ;
- la décision de refus d'entrée sur le territoire est illégale en tant qu'elle est entachée d'une erreur de fait car elle est de nationalité française par sa mère, qui est de nationalité française. Sa nationalité conditionnant l'issue du litige, il convient de poser une question préjudicielle à la juridiction civile en application de l'article 29 du code civil et de l'article R. 771-2 du code de justice administrative ;
- étant de nationalité française, le refus d'entrée ne pouvait se fonder sur les dispositions de l'article L. 213-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 juillet 2019, le ministre de l'intérieur a conclu au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par Mme E... sont inopérants et, en tout état de cause, infondés.
Par un arrêt n°19BX01495 avant dire droit du 18 novembre 2019, la cour a sursis à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question de la nationalité de la requérante.
Le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Denis du 30 octobre 2019 et l'ordonnance de désistement d'appel de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion du 9 juillet 2020 ont été communiqués aux parties.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... H... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., née le 28 janvier 1991 à Mutsamudu (Comores), est arrivée à l'aéroport Roland-Garros de La Réunion le 16 novembre 2018. A son arrivée, elle a fait l'objet d'une interpellation par la police aux frontières pour avoir frauduleusement utilisé un document d'identité national français présenté comme le sien. Elle a, ce jour même, fait l'objet d'un refus d'entrée sur le territoire national, faute de pouvoir justifier de sa nationalité française ou de présenter un titre de séjour ou un visa. Mme E... a relevé appel du jugement du 8 février 2019 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 16 novembre 2018 lui ayant refusé l'entrée sur le territoire. Par un arrêt n°19BX01595 avant dire droit du 18 novembre 2019, la cour a sursis à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question de la nationalité de la requérante.
Sur la légalité de la décision en litige :
2. Aux termes de l'article 18 du code civil : " Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français. ".
3. Par un jugement du 30 octobre 2019, devenu définitif, le tribunal de grande instance de Saint Denis de La Réunion a constaté que la mère de la requérante, Mme I..., était de nationalité française à la date de la naissance de sa fille, Mme B..., le 28 janvier 1991 et que celle-ci avait ainsi acquis la nationalité française par filiation en vertu de l'article 18 du code civil. Il a par ailleurs ordonné que la mention de ce jugement soit portée en marge de l'acte de naissance de l'intéressée. Dès lors, à la date du 16 novembre 2018, Mme B... devait être regardée comme ayant acquis la nationalité française depuis sa naissance et aucun refus d'entrée sur le territoire français ne pouvait lui être légalement opposé.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Eu égard à la nationalité française de Mme B..., le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution aux fins de délivrance d'un document l'autorisant à entrer en France. Par ailleurs, l'annulation de la décision en litige n'implique pas davantage que l'Etat français organise et prenne en charge son retour sur le territoire français. Dès lors, les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme B... doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
6. En application de ces dispositions, il convient de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante, la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par Mme B..., non compris dans les dépens.
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 1800999 du tribunal administratif de La Réunion du 8 février 2019 et la décision de refus d'entrée sur le territoire français du 16 novembre 2018 sont annulés.
Article 2 : L'État versera à Mme B... la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de La Réunion et au président du tribunal de grande instance de Saint Denis de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme B... A..., présidente-assesseure,
Mme D... H..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 décembre 2020.
Le président,
Dominique Naves
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX01495