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14/12/2020 | FRANCE | N°18BX03348

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 14 décembre 2020, 18BX03348


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Limoges, d'une part d'annuler la décision du 10 septembre 2015 par laquelle la commission d'évaluation professionnelle du centre de gestion de la Haute-Vienne ne l'a pas déclaré apte à être intégré au grade d'attaché territorial et, d'autre part, de condamner la région Limousin à lui verser la somme globale de 92 680 euros en réparation des préjudices subis.

Par un jugement n° 1501829 et 1600226 du 28 juin 2018, le tribunal administratif de Limog

es a annulé la décision de la commission d'évaluation professionnelle du centre dép...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Limoges, d'une part d'annuler la décision du 10 septembre 2015 par laquelle la commission d'évaluation professionnelle du centre de gestion de la Haute-Vienne ne l'a pas déclaré apte à être intégré au grade d'attaché territorial et, d'autre part, de condamner la région Limousin à lui verser la somme globale de 92 680 euros en réparation des préjudices subis.

Par un jugement n° 1501829 et 1600226 du 28 juin 2018, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision de la commission d'évaluation professionnelle du centre départemental de gestion de la Haute-Vienne du 10 septembre 2015 relative à l'aptitude à l'intégration au grade d'attaché territorial en tant qu'elle n'a pas inscrit M. B... sur la liste des agents aptes à l'intégration à ce grade, enjoint au centre départemental de gestion de la Haute-Vienne de réexaminer, dans un délai de six mois, la demande de M. B... tendant à être inscrit sur la liste des agents aptes à être intégrés au grade d'attaché territorial au titre de l'année 2015 et rejeté le surplus des demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires en réplique enregistrés respectivement les 3 septembre 2018, 28 février 2020 et 2 avril 2020 à 11H37, M. B..., représenté par Me I..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 juin 2018 du tribunal administratif de Limoges en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner la région Nouvelle Aquitaine à lui verser la somme de 92 680 euros en réparation des préjudices subis, avec intérêts au taux légal à compter de la date de sa réclamation préalable ;

3°) de mettre à la charge de la région Nouvelle Aquitaine la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la responsabilité de la région est engagée du fait de l'illégalité de la décision du 27 mai 2015 portant non renouvellement de son contrat ; cette décision est entachée d'erreur matérielle et d'erreur manifeste d'appréciation ; elle n'a pas été prise dans l'intérêt du service et constitue une sanction déguisée ; le préjudice économique et le préjudice moral résultant du non renouvellement de son contrat doivent être évalués, respectivement, à 52 680 euros et 20 000 euros ;

- la responsabilité de la région est engagée en raison du harcèlement moral dont il a été victime, à partir de l'année 2013, en méconnaissance des dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 ; le préjudice moral et les troubles dans ses conditions d'existence résultant du harcèlement moral dont il a fait l'objet doivent être évalués à 20 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2020, la région Nouvelle-Aquitaine conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la mise à la charge de M. B... de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés et qu'elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité envers l'intéressé.

Par une ordonnance du 2 mars 2020 la clôture de l'instruction a été fixée au 2 avril 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;

- le décret n° 85-643 du 26 juin 1985 ;

- le décret n° 2012-1293 du 22 novembre 2012 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F... H...,

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant M. B... et de Me C..., représentant la région Nouvelle-Aquitaine.

Considérant ce qui suit :

1. M. G... B... a été recruté par la région Limousin, par un contrat à durée déterminée à compter du 1er mars 2009, pour exercer les fonctions de représentant de la région Limousin à Bruxelles, où il a été affecté au sein de l'antenne interrégionale Auvergne-Centre-Limousin. Renouvelé une première fois pour une durée de trois ans à compter du 1er septembre 2009, le contrat de M. B... a été renouvelé une deuxième fois, pour la même durée, à compter du 1er septembre 2012. Par courrier du 27 mai 2015, le président du conseil régional a informé l'intéressé que son contrat ne serait pas renouvelé à compter du 1er septembre 2015. Par un courrier du 29 octobre 2015, M. B... a demandé à la région de Limousin de lui verser la somme globale de 62 680 euros en réparation des préjudices moral et économique ayant résulté de la décision de non renouvellement de son contrat et du harcèlement moral subi au cours des années 2013, 2014 et 2015. La somme ainsi demandée a été portée à 92 680 euros par un courrier du 15 février 2016, qui faisait suite à une décision de rejet en date du 14 décembre 2015. M. B... relève appel du jugement du 28 juin 2018 du tribunal administratif de Limoges en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à ce que la Région Nouvelle-Aquitaine soit condamnée à lui verser la somme de 92 680 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 février 2016.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne faute tirée de l'illégalité du refus de renouvellement du contrat de M. B... :

2. Un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie ni d'un droit au renouvellement de son contrat ni, à plus forte raison, d'un droit au maintien de ses clauses si l'administration envisage de procéder à son renouvellement. Toutefois, l'administration ne peut légalement décider, au terme de son contrat, de ne pas le renouveler ou de proposer à l'agent, sans son accord, un nouveau contrat substantiellement différent du précédent, que pour un motif tiré de l'intérêt du service. Un tel motif s'apprécie au regard des besoins du service ou de considérations tenant à la personne de l'agent.

3. Il ressort des pièces du dossier que la décision de ne pas renouveler le contrat de M. B... est intervenue en raison de son investissement insuffisant dans la réalisation de certaines tâches et dans les travaux interrégionaux, qui n'était pas sans conséquences sur les autres membres de l'équipe, ainsi que de ses difficultés à travailler en équipe. Dans son évaluation professionnelle pour l'année 2010, dans laquelle son " sens des relations humaines " et été jugé " moyen ", son évaluateur, après avoir fait état de ses " qualités professionnelles de bon niveau ", indique ainsi que M. B... doit " apprendre à les mettre à la disposition d'un projet d'équipe ". S'agissant de l'année 2011, l'évaluateur souligne " l'implication de l'agent dans un meilleur fonctionnement des activités interrégionales et son travail plus étroit avec les commandes régionales " tout en relevant la nécessité qu'il continue à " rendre un apport très concret, notamment en direction des acteurs régionaux et en privilégiant le dialogue avec des interlocuteurs fiables ". Si le supérieur hiérarchique de M. B... a, pour l'année 2012, reconnu ses capacités d'analyse et l'a encouragé à maintenir la qualité de son travail, il a, pour l'année 2013, baissé son évaluation de " bien " à " moyen " en ce qui concerne la " préparation et/ou animation de réunions ", la " motivation " et le " sens des relations humaines ", et de " bien " à " insuffisant " en ce qui concerne le " sens du travail en équipe " et la " faculté d'intégration ". Il a par ailleurs souligné, après avoir reconnu la bonne capacité d'analyse et les connaissances de M. B..., ainsi que ses qualités rédactionnelles et son implication " lorsqu'il est motivé ", une " dégradation de son attitude générale au sein de l'équipe ", illustrée notamment pas des difficultés rencontrées avec les responsables d'antennes, contribuant à " fragiliser la cohésion et la capacité d'expertise de l'antenne ". M. B... a indiqué à cette occasion qu'il reconnaissait les difficultés intervenues dans l'année et veillerait à ce qu'elles ne se reproduisent plus, tout en relevant la " place disproportionnée " que ces difficultés prenaient, selon lui, dans l'évaluation de cette année. Alors que les difficultés ainsi relevées semblaient s'être aplanies, selon les dires de la supérieure hiérarchique de M. B... qui a d'ailleurs rédigé un rapport favorable à sa titularisation en juillet 2014, des problèmes sont à nouveau apparus, à la suite d'un message électronique de celle dernière lui demandant de ne plus organiser de rencontre avec un acteur Limousin sans l'avertir au préalable, et de l'échec de l'entretien organisé par le centre de gestion en vue de sa titularisation. Outre des difficultés à respecter les délais et à suivre les consignes, M. B... a eu, dans le courant du mois d'octobre 2014, une altercation avec la responsable de l'antenne Limousin, les témoignages rédigés par trois personnes alors présentes relatant l'attitude et le ton agressif de M. B..., ainsi que ses propos grossiers et discourtois, peu adaptés à un cadre professionnel. Si les nombreuses attestations produites par M. B... confirment les capacités et connaissances de celui-ci, qui ne sont pas contestées, elles ne remettent cependant pas en cause les difficultés qu'il a rencontrées dans l'organisation de son travail ainsi que dans ses relations avec sa hiérarchie et ses collègues, au sein de l'antenne Interrégionale Auvergne Centre Limousin de Bruxelles, de nature à perturber le bon fonctionnement du service. Le président du conseil régional du Limousin a ainsi pu, en se fondant sur des faits dont la matérialité n'est pas sérieusement contestée et sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, prendre la décision de non renouvellement litigieuse.

4. Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient M. B..., la décision de non renouvellement de son contrat, alors même qu'elle a été prise pour des motifs tirés de son comportement professionnel, n'a pas le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée.

5. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision du 27 mai 2015 du président du conseil régional du Limousin de ne pas renouveler son contrat est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la région Nouvelle-Aquitaine, venant aux droits de la région Limousin.

En ce qui concerne la faute tirée du harcèlement que M. B... aurait subi :

6. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".

7. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

8. Les faits ou évènements relatés par M. B..., qui ne présentent pas de caractère répété ou vexatoire et sont pour la plupart la conséquence des difficultés qu'a parfois l'intéressé à travailler en concertation avec son supérieur hiérarchique et les membres de l'antenne interrégionale, ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral dont celui-ci aurait été victime. Par suite, la responsabilité de la région Nouvelle-Aquitaine ne saurait être engagée à ce titre.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Limoges a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les frais liés à l'instance :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Nouvelle-Aquitaine, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme que la région demande au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions formées par la région Nouvelle-Aquitaine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... B... et à la région Nouvelle-Aquitaine.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme E... D..., présidente-assesseure,

Mme F... H..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 décembre 2020.

Le Président,

Dominique Naves

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Vienne, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 18BX03348


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03348
Date de la décision : 14/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-03 Fonctionnaires et agents publics. Entrée en service.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : SAADA-DUSART

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-14;18bx03348 ?
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