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03/12/2020 | FRANCE | N°18BX03525

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 03 décembre 2020, 18BX03525


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Open Flight a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin d'annuler le marché public conclu le 2 février 2016 entre le centre hospitalier Louis Constant Fleming de Saint-Martin et la société Flydom NV relatif aux prestations de transports aériens d'urgence des patients et des équipes médicales, au départ de Saint-Martin, de jour ou de nuit, vers la Guadeloupe et la Martinique et de condamner le centre hospitalier Louis Constant Fleming à lui payer la somme de 200 000 euros par an, assor

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Open Flight a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin d'annuler le marché public conclu le 2 février 2016 entre le centre hospitalier Louis Constant Fleming de Saint-Martin et la société Flydom NV relatif aux prestations de transports aériens d'urgence des patients et des équipes médicales, au départ de Saint-Martin, de jour ou de nuit, vers la Guadeloupe et la Martinique et de condamner le centre hospitalier Louis Constant Fleming à lui payer la somme de 200 000 euros par an, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'elle a subi du fait de son éviction irrégulière de ce marché.

Par un jugement n° 1600026 du 26 juillet 2018, le tribunal administratif de Saint-Martin a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 septembre 2018, la société Open Flight, société à responsabilité limitée, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Saint-Martin du 26 juillet 2018 ;

2°) d'annuler le marché public conclu le 2 février 2016 entre le centre hospitalier Louis Constant Fleming de Saint-Martin et la société Flydom NV ;

3°) de condamner le centre hospitalier Louis Constant Fleming à lui payer la somme de 200 000 euros par an, assortie des intérêts au taux légal à compter de son recours préalable et la capitalisation de ces intérêts ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier Louis Constant Fleming la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la durée du marché est excessive et méconnaît l'article 77 du code des marchés publics en vertu duquel pour les marchés à bon de commande cette durée ne peut dépasser quatre ans sauf cas exceptionnel ;

- l'article 18 du code des marchés publics a été méconnu en l'absence de clause de variation des prix dans le cahier des clauses administratives particulières ;

- la société attributaire n'a pas la capacité requise et n'a pas produit les documents visés dans l'article 46 du code des marchés publics ;

- les besoins du pouvoir adjudicateur sont insuffisamment définis en méconnaissance des articles 5 et 6 du code des marchés publics ;

- le pouvoir adjudicateur a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en utilisant des critères et sous critères qui n'ont pas été publiés, en contradiction avec l'article 53 du code des marchés publics ;

- le pouvoir adjudicateur a insuffisamment précisé les critères d'analyse des offres ; les critères " moyens humains ", " moyens matériels ", " délai d'intervention et organisation " et " politique sociale et environnementale " sont trop imprécis et le critère tenant à la prise en compte de la politique sociale et environnementale est illégal ;

- certains critères étaient inadaptés à la nature du marché ;

- la méthode d'analyse des offres est irrégulière car elle se borne à contrôler la satisfaction de critères énoncés par le cahier des charges et ne satisfait pas à l'analyse comparée des mérites respectifs des offres des entreprises candidates ;

- le pouvoir adjudicateur a fait une application aléatoire, incohérente et farfelue des items dans l'appréciation des candidatures ;

- le pouvoir adjudicateur n'a pas vérifié les informations fournies par les candidats ;

- il a confondu les notions de candidature et d'offre en utilisant les éléments tenant à l'examen de la capacité des candidats pour évaluer à la fois leur capacité mais également leur offre ;

- l'offre de l'attributaire du marché est anormalement basse ; le pouvoir adjudicateur aurait dû rejeter l'offre car la variante de la prise en charge de vols médicalisés pour un tarif identique compromet la bonne exécution du service ;

- eu égard à l'ensemble des erreurs commises, elle a été privée de 72 points, ce qui la place en seconde position après Jet Budget et avait donc de sérieuses chances de remporter le marché ;

- sa marge nette s'élevait à 200 000 euros par an, justifiant sa demande indemnitaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2019, la société Flydom NV (nom commercial JetBudget), représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Open Flight le paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Elle soutient que la requête est irrecevable à défaut de critiques du jugement et que les moyens soulevés par la société Open Flight sont soit inopérants soit non fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2020, le centre hospitalier Louis Constant Fleming, représenté par la Selarl GZB conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Open Flight le paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Open Flight sont soit inopérants soit non fondés.

Par une ordonnance du 11 décembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 27 janvier 2020 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... F...,

- les conclusions de Mme Aurélie Chauvin, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant le centre hospitalier Louis Constant Fleming de Saint-Martin, et Me D..., substituant Me C..., représentant la société Flydom NV.

Considérant ce qui suit :

1. Le centre hospitalier Louis Constant Fleming a lancé, le 10 septembre 2015, une procédure d'appel d'offre ouvert en vue de la passation d'un marché public à bon de commande relatif aux prestations de transports aériens d'urgence des patients et des équipes médicales. Le marché a été conclu le 2 février 2016 entre le centre hospitalier Louis Constant Fleming de Saint-Martin et la société Flydom NV, qui exerce sous l'enseigne Jetbudget. La société Open Flight, classée en quatrième position, et dont l'offre avait été rejetée par notification de rejet le 29 décembre 2015, a saisi le tribunal administratif de Saint-Martin d'un recours contestant la validité de ce contrat et de conclusions tendant à ce que le centre hospitalier soit condamné à l'indemniser du préjudice né de son éviction irrégulière. Elle relève appel du jugement du 26 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Saint-Martin a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Le jugement répond de manière suffisante à l'ensemble des moyens soulevés en première instance par la société Open Flight. Il n'avait pas à répondre à l'ensemble des arguments présentés à l'appui de ses moyens. Il ne méconnaît pas, par suite, les dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative.

Sur la validité du marché :

3. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

En ce qui concerne la durée du marché :

4. L'appelante soutient que la durée du marché est excessive et méconnaît l'article 77 du code des marchés publics en vertu duquel pour les marchés à bon de commande cette durée ne peut dépasser quatre ans, sauf cas exceptionnel. Toutefois, une telle irrégularité, à la supposer établie, n'est pas en rapport direct avec l'éviction de la société appelante, dont l'offre régulière a été rejetée par le centre hospitalier Louis Constant Fleming, au motif qu'elle n'était pas économiquement la plus avantageuse. Dès lors, la société ne peut utilement se prévaloir de ladite irrégularité.

En ce qui concerne l'actualisation du prix du marché :

5. Aux termes de l'article 18 du code des marchés publics alors en vigueur : " I.- Sous réserve des dispositions de l'article 19, un marché est conclu à prix définitif. (...) II.-Un prix définitif peut être ferme ou révisable. III.-Un prix ferme est un prix invariable pendant la durée du marché. Toutefois, il est actualisable dans les conditions définies ci-dessous. / (...) / Lorsqu'un marché est conclu à prix ferme pour des fournitures ou services autres que courants ou pour des travaux, il prévoit les modalités d'actualisation de son prix. Il précise notamment : 1° Que ce prix sera actualisé si un délai supérieur à trois mois s'écoule entre la date à laquelle le candidat a fixé son prix dans l'offre et la date de début d'exécution des prestations ; 2° Que l'actualisation se fera aux conditions économiques correspondant à une date antérieure de trois mois à la date de début d'exécution des prestations. (...) Le prix ainsi actualisé reste ferme pendant toute la période d'exécution des prestations et constitue le prix de règlement. (...). IV.- Un prix révisable est un prix qui peut être modifié pour tenir compte des variations économiques dans les conditions fixées ci-dessous. (...) ".

6. la société Open Flight soutient que l'article 18 du code des marchés publics a été méconnu en l'absence de clause de variation des prix dans le cahier des clauses administratives particulières. Toutefois, si l'article 3-5 du cahier des clauses administratives particulières ne prévoit pas de formule d'actualisation du prix, édictée conformément à l'article précité du code des marchés publics notamment pour les marchés de fournitures ou services autres que courant conclus à prix ferme, l'appelante ne justifie pas en quoi cette omission est susceptible de l'avoir lésée. La méconnaissance de cette disposition qui permet de prendre en compte les modifications des conditions économiques entre le prix du marché à la date de remise de l'offre de l'entreprise et le prix du marché à la date d'exécution effective des prestations, n'est pas en rapport direct avec l'éviction de la société appelante. Le moyen est, dès lors, inopérant et doit être écarté pour ce motif.

En ce qui concerne l'imprécision de la nature et de l'étendue des besoins à satisfaire :

7. Aux termes de l'article 5 du code des marchés publics : " La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminés avec précision avant tout appel à la concurrence (...) ". Le pouvoir adjudicateur doit ainsi définir ses besoins avec suffisamment de précision pour permettre aux candidats de présenter une offre adaptée aux prestations attendues, compte tenu des moyens nécessaires pour les réaliser.

8. La société requérante soutient que la nature et l'étendue des besoins à satisfaire n'ont pas été définies de manière précise, ce qui a donné un avantage compétitif à l'entreprise en place en méconnaissance des principes d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures.

9. L'avis d'appel public à la concurrence indique que le marché porte sur des " Prestations de transports sanitaires aériens des patients et des équipes médicales ". Selon l'article 1er du cahier des clauses techniques particulières (CCTP), le marché " a pour objet : prestations de transports aériens d'urgence des patients et des équipes médicales, au départ de Saint Martin, de jour ou de nuit, vers la Guadeloupe, ou la Martinique, pour le compte du centre Hospitalier Louis Constant Fleming ". L'article 3 du CCTP évalue à 250 le nombre de missions à réaliser annuellement. Les articles 3 à 6 du CCTP décrivent les moyens à mettre en oeuvre et notamment la fourniture d'un appareil mono moteur pressurisé et climatisé (les variantes étant autorisées en application de l'article 7 du règlement de consultation permettant ainsi de proposer une variante bi-moteurs), une disponibilité des équipements et du personnel 24h/24 tous les jours de l'année et les modalités de détermination du prix comprenant une part fixe d'immobilisation du matériel et du personnel dont l'intervention peut être sollicitée 24h/24 et tous les jours de l'année, et un montant forfaitaire des différents trajets aller et aller-retour, de jour ou de nuit, selon la destination. L'article 8 détaille les conditions d'exécution des prestations en précisant les modalités du déclenchement des interventions, les obligations du titulaire, le délai de prise en charge, les prescriptions particulières pour les patients contagieux et obèses et les articles 9 à 12 détaillent les caractéristiques de l'appareil, et notamment les conditions d'exploitation, les règles d'accessibilité, les caractéristiques de la cabine, les équipements de transmission et les équipements de sécurité, l'avitaillement de l'appareil et sa maintenance, les exigences en matière de personnels, celles pour le matériel embarqué et enfin l'obligation de formation du personnel médical. Les prestations attendues étaient dès lors suffisamment décrites. Le moyen tiré de la rupture d'égalité de traitement des candidats compte tenu de l'imprécision des besoins à satisfaire doit être écarté.

En ce qui concerne le défaut d'information quant aux critères retenus par l'acheteur public pour sélectionner les offres :

10. Aux termes du I de l'article 53 du code des marchés publics, alors en vigueur : " I.- Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : / 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l'environnement, les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, les performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, le coût global d'utilisation, les coûts tout au long du cycle de vie, la rentabilité, le caractère innovant, le service après-vente et l'assistance technique, la date de livraison, le délai de livraison ou d'exécution, la sécurité d'approvisionnement, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ; (...) 2° Soit, compte tenu de l'objet du marché, sur un seul critère, qui est celui du prix ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au pouvoir adjudicateur de déterminer l'offre économiquement la plus avantageuse en se fondant sur des critères permettant d'apprécier la performance globale des offres au regard de ses besoins. Ces critères doivent être liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution, être définis avec suffisamment de précision pour ne pas laisser une marge de choix indéterminée et ne pas créer de rupture d'égalité entre les candidats. Le pouvoir adjudicateur détermine librement la pondération des critères de choix des offres. Toutefois, il ne peut légalement retenir une pondération, en particulier pour le critère du prix ou du coût, qui ne permettrait manifestement pas, eu égard aux caractéristiques du marché, de retenir l'offre économiquement la plus avantageuse ".

11. Le règlement de la consultation prévoyait que les offres seraient appréciées au regard de cinq critères pondérés, les moyens matériels, les moyens humains (effectifs et compétences), le délai d'intervention et organisation, le prix et la politique sociale et environnementale poursuivie par la société, les trois premiers critères entrant pour 23 pour cent dans la pondération, le prix, pour 18 pour cent et la politique sociale et environnementale pour 5 pour cent.

12. D'une part, il résulte de l'instruction que le pouvoir adjudicateur a porté à la connaissance des candidats les cinq critères de sélection des offres avec leur pondération. Contrairement à ce que soutient la société appelante, ces critères étaient définis de manière suffisamment précise et notamment leur contenu pouvait être aisément déduit du cahier des clauses techniques particulières. Le règlement de consultation précise également dans son article 4-1 la nécessité de produire notamment un mémoire technique, les qualifications professionnelles des membres du personnel avec copie de leurs diplômes et la politique de l'entreprise en matière d'insertion professionnelle des publics en difficultés. Si le centre hospitalier a fait usage d'éléments d'appréciation classés en 100 items, ces derniers ne révèlent pas que le pouvoir adjudicateur aurait cherché à satisfaire d'autres besoins et il ne résulte pas de l'instruction que ces éléments constituaient des critères à part entière d'appréciation des offres qui auraient dû être portés à la connaissance des candidats. En tout état de cause, la SARL Open Flight n'établit pas qu'ils auraient pu influencer la préparation de son offre s'ils avaient été connus ou qu'ils ont eu un effet discriminatoire envers elle et qu'elle aurait ainsi été susceptible d'être lésée par ce manquement.

13. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que des éléments d'appréciation relatifs à la restauration rapide dans les vols, ou la fourniture d'un questionnaire qualité à chaque vol soient étrangers à la prestation de transport sanitaire en urgence de patients. Et, contrairement à ce que soutient l'appelante, les éléments relatifs à la maintenance des appareils et aux caractéristiques et équipements des appareils, se rapportent objectivement aux critères énoncés dans le règlement de la consultation dont le contenu se déduisait ainsi qu'il a été dit notamment des articles 9 et 11 du CCTP et à la capacité pour le candidat d'assurer, en cas de besoin, la continuité du service en ayant recours à un autre appareil exploitable en cas d'interruption de service de plus de 24 heures et est justifié par l'objet de la prestation. Il en est de même de l'exigence relative au personnel (pilotes, mécaniciens ou agents d'opération) qui se rapporte objectivement à la capacité du candidat à l'exécution correcte de sa mission. Enfin, l'appelante ne démontre pas en quoi le défaut d'information approprié sur les items relatifs au critère de la prise en compte de la politique sociale et environnementale, serait discriminatoire et aurait été susceptible de la léser alors qu'elle a au demeurant obtenu une note supérieure à celui de l'attributaire à l'item relatif à la formation et au recrutement local des candidats.

14. Enfin, si les cinq critères énoncés dans le règlement de la consultation ont fait l'objet d'une pondération totale de 92 % et non de 100 %, il ne résulte pas de l'instruction que cette pondération, qui a été portée à la connaissance des candidats, aurait faussé le poids respectif de chacun des critères ni qu'elle a été susceptible de léser la société Open Flight. Si elle soutient que ces cinq critères sont en fait complétés par des sous-critères parfaitement autonomes et érigés en critères de sélection, il résulte du tableau d'analyse des offres que les notes des candidats ont été obtenues en affectant à chacune des caractéristiques (items) des critères " moyens matériels ", " moyens humains, " délais d'intervention et organisation " et " politique sociale et environnementale " décrites par le cahier des clauses techniques particulières une cotation comprise entre 0 et 10. Si la société appelante soutient que ces items auraient dû figurer comme sous-critères des offres, la seule circonstance qu'ils aient été nécessaires à l'appréciation des offres ne suffit pas à établir qu'eu égard à leur importance ils auraient dû être regardés comme des sous-critères. Ces éléments d'appréciation n'étant ni hiérarchisés ni pondérés, la circonstance que le document de consultation ne précisait pas leur importance respective dans l'appréciation de la valeur technique de l'offre est sans incidence sur la régularité de la procédure de passation du marché. Dès lors, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que son offre aurait été analysée selon des sous-critères qui n'auraient pas été portés à sa connaissance ou qui auraient été érigés en critères de sélection sans qu'elle en ait été préalablement informée, en méconnaissance de l'article 53 du code des marchés publics.

15. Il résulte de ce qui précède que les dispositions de l'article 53 du code des marchés publics imposant au pouvoir adjudicateur d'informer les candidats des critères de sélection des offres ainsi que de leur pondération ou hiérarchisation n'ont pas été méconnues.

En ce qui concerne l'appréciation du mérite respectif des offres :

16. En premier lieu, s'il est loisible au pouvoir adjudicateur de retenir au stade de l'examen de la valeur intrinsèque des offres, à la condition qu'ils soient non discriminatoires et liés à l'objet du marché, des critères relatifs aux moyens en personnel et en matériel affectés par le candidat à l'exécution des prestations mêmes qui font l'objet du marché, afin d'en garantir la qualité technique, il résulte des dispositions précitées du code des marchés publics qu'il ne peut, en revanche, se fonder sur des critères portant sur les capacités générales de l'entreprise qu'au stade de l'examen des candidatures.

17. Ainsi qu'il a été dit au point 11, le règlement de la consultation prévoit que les critères de sélection des offres sont les moyens matériels (flotte, équipements appareils, sécurité appareils, maintenance appareils, communication), les moyens humains (effectifs et compétences), le délai d'intervention et organisation, le prix et la politique sociale et environnementale poursuivie par la société. Il résulte des documents de la consultation et du rapport d'analyse des offres que le centre hospitalier Louis Constant Fleming ne s'est pas borné à examiner si les candidats répondaient uniquement aux exigences liées à la candidature de l'entreprise pour obtenir la note maximale mais qu'il a au contraire utilisé 100 items permettant d'apprécier de manière objective les offres de chaque candidat. À cet égard, la prise en compte des années d'expérience Evasan, du nombre d'années d'existence de la compagnie ou des agréments et autorisations obtenus n'est pas étrangère à l'appréciation de la valeur des offres, en particulier pour ce qui concerne la qualité des moyens humains ou l'organisation mise en oeuvre pour assurer la prestation faisant l'objet du marché. Le pouvoir adjudicateur n'a donc pas entendu porter une appréciation sur les capacités générales des candidats, qui ont été examinées au stade de la sélection des candidatures, mais seulement sur l'aptitude de l'équipe et des personnels dédiés à l'exécution de la mission. Le moyen doit dès lors être écarté.

18. En deuxième lieu, si l'appelante soutient qu'il existe des incohérences concernant l'appréciation de son offre et relativement aux notes obtenues ou que certaines appréciations ne seraient pas pertinentes s'agissant de la différenciation des offres, pour ce qui est des items " maintenance des appareils ", " services au sol ", " groupe électrogène ", " expérience EVASAN ", " agréments et autorisation ", elle n'apporte aucun élément circonstancié permettant d'établir ces allégations, qui ne sont aucunement confirmées par les exemples qu'elle donne, et ne démontre pas qu'en estimant que la proposition de la société Flydom NV était mieux adaptée, le pouvoir adjudicateur aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des mérites des candidats. Au contraire, le rapport d'analyse des offres ne révèle pas d'incohérence dans l'attribution des notes aux candidats. À supposer même que des incohérences aient pu affecter la méthode de notation mise en oeuvre, les incohérences qu'elle cite sont marginales et, prises dans leur ensemble, n'auraient pas privé de leur portée les critères de sélection ou neutralisé leur pondération et n'auraient pas conduit, pour la mise en oeuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des offres doit être écarté.

19. Enfin, si l'appelante persiste à soutenir que l'acheteur public n'a pas contrôlé les informations fournies par les candidats car la société Flydom NV n'a pas de hangar de maintenance, elle ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas la réponse apportée par le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges

En ce qui concerne la capacité de la société attributaire :

20. Il résulte de l'article 46 du code des marchés publics, d'une part, que le candidat auquel il est envisagé d'attribuer le marché doit produire un certain nombre de documents attestant notamment qu'il est à jour de ses obligations fiscales et sociales et, d'autre part, qu'à défaut pour ce candidat de communiquer ces documents au pouvoir adjudicateur, son offre doit être rejetée, le candidat dont l'offre a été classée immédiatement après la sienne étant alors sollicité pour produire les certificats et attestations nécessaires avant que le marché ne lui soit attribué.

21. Il résulte, en tout état de cause, de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la société appelante, les documents correspondants ont été transmis.

22. En outre, il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date à laquelle celle-ci a été admise, la société Flydom NV n'était pas en possession de toutes les qualifications et certifications requises pour effectuer les transports aériens d'urgence des patients et des équipes médicales, objet du marché.

En ce qui concerne le caractère anormalement bas de l'offre de l'attributaire :

23. Aux termes de l'article 55 du code des marchés publics : " Si une offre paraît anormalement basse, le pouvoir adjudicateur peut la rejeter par décision motivée après avoir demandé par écrit les précisions qu'il juge utiles et vérifié les justifications fournies. (...)".

24. Il résulte de ces dispositions que, quelle que soit la procédure de passation mise en oeuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu'une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé. Si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l'offre, sauf à porter atteinte à l'égalité entre les candidats à l'attribution d'un marché public.

Par ailleurs, le seul écart de prix avec une offre concurrente ne signifie pas qu'une offre était anormalement basse le juge devant seulement rechercher si le prix en cause est en lui-même manifestement sous-évalué et, ainsi, susceptible de compromettre la bonne exécution du marché.

25. Il ne résulte pas de l'instruction, notamment du tableau d'analyse financière des offres, que l'offre de la société attributaire, qui a été faite à un prix supérieur à celui proposé par un autre candidat, serait anormalement basse. La circonstance que la société attributaire propose le même tarif pour la " variante médicalisée " de l'offre, est sans incidence sur l'évaluation des offres sur le critère du prix qui a été réalisée sur l'offre de base et non sur cette variante. Au demeurant, le prix de cette variante s'explique par le fait que la société attributaire possède déjà ses équipes de médecins urgentistes et infirmières et qu'elle mutualise ses moyens avec tous ses clients. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que le prix proposé aurait été manifestement sous-évalué et susceptible de compromettre la bonne exécution du marché, justifiant la mise en oeuvre de la procédure de l'article 55 du code des marchés publics.

Sur les conclusions indemnitaires :

26. Lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché. Dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité. Dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre. Il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché. Dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique.

27. Il résulte de ce qui précède que la société Open Flight ne démontre pas avoir été irrégulièrement évincée de l'attribution du marché conclu le 2 février 2016 entre le centre hospitalier Louis Constant Fleming de Saint-Martin et la société Flydom NV. Elle n'est en conséquence pas fondée à demander la condamnation du centre hospitalier Louis Constant Fleming de Saint-Martin à lui verser une indemnité en réparation des préjudices subis de ce chef.

28. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la société Flydom NV, que la société Open Flight n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Martin a rejeté sa demande.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

29. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier Louis Constant Fleming et de la société Flydom NV, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que la société Open Flight demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Open Flight une somme de 1 500 euros à verser au centre hospitalier Louis Constant Fleming et une somme de 1 500 euros à verser à la société Flydom NV sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Open Flight est rejetée.

Article 2 : La société Open Flight versera au centre hospitalier Louis Constant Fleming et à la société Flydom NV la somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Open Flight, au centre hospitalier Louis Constant Fleming et à la société Flydom NV.

Copie en sera adressée au préfet de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.

Délibéré après l'audience du 29 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme G..., présidente-assesseure,

Mme E... F..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 décembre 2020

Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au préfet de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 18BX03525


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX03525
Date de la décision : 03/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : CITEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-03;18bx03525 ?
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