Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C..., Mme E... C... et Mme H... C... ont demandé au tribunal administratif de la Martinique, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) à titre principal, de condamner la commune de Fort-de-France à leur verser la somme de 303 153,85 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du
21 décembre 2016 et de la capitalisation desdits intérêts ;
2°) à titre subsidiaire, de juger que le sinistre a pour origine la conduite d'eau potable gérée par ODYSSI, d'ordonner sa mise en cause et de surseoir à statuer dans l'attente de la production d'un mémoire.
Par un jugement n° 1600750 du 14 juin 2018, le tribunal administratif de
La Martinique a rejeté l'ensemble de ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 14 septembre 2018 et le
31 décembre 2019, Mme E... C... et Mme H... C... venant aux droits de
M. D... C... décédé en cours d'instance le 17 décembre 2018, représentées par la Selarl Soyer et Soyer, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Martinique du
14 juin 2018 ;
2°) de condamner la commune de Fort-de-France à leur verser la somme de
303 153, 85 euros en réparation du préjudice subi du fait de la perte de chance d'obtenir une indemnisation au titre de la procédure de déclaration d'état de catastrophe naturelle à la suite d'un glissement de terrain ayant provoqué la destruction de leur maison dans la nuit du
20 au 21 juillet 2010, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2016 et de la capitalisation desdits intérêts ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Fort-de-France la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- l'abstention de la commune de Fort-de-France à solliciter des services de l'Etat la reconnaissance d'une situation de catastrophe naturelle, dont elle était informée, constitue une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- cette faute est à l'origine d'un préjudice entendu comme la perte de chance d'obtenir une indemnisation de leur maison d'habitation ;
- ce préjudice est égal à la somme de 348 000 euros correspondant à la valeur de leur maison d'habitation qui doit être réparé à hauteur de 80 % soit à hauteur de la somme de 278 400 euros augmentée de la somme de 22 253, 85 euros correspondant aux honoraires d'avocat, de celle de 2 000 euros correspondant à la provision sur honoraires du correspondant et de celle de 500 euros correspondant à la provision sur frais d'huissier soit à la somme totale de 303 153, 85 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 décembre 2018, la commune de Fort-de-France, représentée par la SCP Waquet, Farge, Hazan, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des appelants de la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les appelants n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des assurances ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... A... ;
- et les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Dans la nuit du 20 au 21 juillet 2010, un glissement de terrain s'est produit à
Fort-de-France, en bordure de la route nationale 3, au lieudit " Détour Bourdin ", à hauteur de la propriété de M. et Mme C... en conséquence affectée d'importantes fissurations et déformations qui ont conduit à sa destruction. Par une lettre en date du 21 décembre 2012,
M. et Mme C... et leur fille ont demandé au maire de la commune de Fort-de-France de constituer un dossier à transmettre au préfet de la région Martinique en vue de faire constater l'état de catastrophe naturelle résultant de ce glissement de terrain. La décision implicite de rejet née du silence gardé par le maire sur cette demande a été contestée devant le tribunal administratif de Fort-de-France qui, par un jugement du 13 novembre 2014, a rejeté les conclusions tendant à son annulation. Par un arrêt en date du 1er décembre 2016, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé ce jugement. Par une lettre en date du 21 décembre 2016, M. et Mme C... et leur fille ont demandé au maire de la commune de Fort-de-France de leur verser la somme de 303 153,85 euros en réparation du préjudice résultant de l'abstention fautive de déposer une demande de déclaration d'état de catastrophe naturelle constitutive, selon eux, d'une perte de chance d'obtenir l'indemnisation des dommages subis par leur maison d'habitation. Après que cette demande a été rejetée, le 27 janvier 2017, M. et Mme C... et leur fille ont saisi le tribunal administratif de
Fort-de-France d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Fort-de-France à leur verser la somme de 303 153,85 euros à raison de cette perte de chance. Mme C... et sa fille, qui vient aux droits de son père décédé en cours d'instance, relèvent appel du jugement du 14 juin 2018 ayant rejeté leur demande.
2. Aux termes de l'article L. 125-1 du code des assurances dans sa rédaction applicable au litige : " Les contrats d'assurance, souscrits par toute personne physique ou morale autre que l'Etat et garantissant les dommages d'incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, ouvrent droit à la garantie de l'assuré contre les effets des catastrophes naturelles, dont ceux des affaissements de terrain dus à des cavités souterraines et à des marnières sur les biens faisant l'objet de tels contrats. (...) / Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises. / L'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes où s'est située la catastrophe ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie visée au premier alinéa du présent article. Cet arrêté précise, pour chaque commune ayant demandé la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, la décision des ministres. Cette décision est ensuite notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l'Etat dans le département, assortie d'une motivation. (...)/ Aucune demande communale de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ne peut donner lieu à une décision favorable de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle par arrêté interministériel lorsqu'elle intervient dix-huit mois après le début de l'événement naturel qui y donne naissance. (...) ".
3. Mme C... et sa fille soutiennent qu'en ne déposant pas de dossier de demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle au titre du glissement de terrain consécutif, selon elles, aux fortes pluies qui sont tombées dans la nuit du
20 au 21 juillet 2010, le maire a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune. Elles demandent en conséquence la condamnation de la commune de Fort-de-France à les indemniser de la perte de chance en résultant d'obtenir le remboursement, par leur assureur, des dommages subis par leur maison d'habitation.
4. D'une part, la circonstance que M. et Mme C... n'ont saisi le maire de
Fort-de-France d'une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle que par une lettre en date du 21 décembre 2012, soit plus de deux ans après le glissement de terrain, ne fait pas obstacle à la recherche de la responsabilité de la commune dès lors qu'il ne résulte pas des dispositions citées au point 2 qu'un maire doive attendre une demande en ce sens de ses administrés pour solliciter la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.
5. D'autre part, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise judiciaire établi le 9 novembre 2012, que le glissement de terrain à l'origine des dommages causés à la maison d'habitation des appelantes n'est pas dû aux eaux de pluie mais à un phénomène hydraulique naturel souterrain ayant entraîné dans le temps une déstabilisation des sols. Il ne résulte pas de l'instruction que ce phénomène d'instabilité progressif ait connu une accélération qui lui aurait conféré une intensité anormale. Dès lors, les dommages ne sont pas susceptibles d'être regardés comme des effets d'une catastrophe naturelle au sens de l'article L. 125-1 précité du code des assurances. Par suite, en ne déposant pas de dossier de demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, le maire de Fort-de-France, qui détenait l'ensemble de ces informations, n'a pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de la commune.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... et sa fille ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté leur demande tendant à ce que la commune de Fort-de-France soit condamnée à les indemniser des préjudices résultant de ce que la carence du maire les aurait privées de la possibilité d'obtenir le remboursement, par leur assureur, des dommages subis par leur propriété. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Fort-de-France tendant à l'application de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... C... et de Mme H... C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Fort-de-France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... et Mme H... C... et à la commune de Fort-de-France.
Délibéré après l'audience du 2 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
- M. Dominique Naves, président,
- Mme B... A..., présidente-assesseure,
- Mme F... G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 novembre 2020.
Le rapporteur,
Karine A...Le président,
Dominique Naves
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au préfet de la Martinique, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 18BX03447 2