Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. H... F... a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, d'annuler la décision du 20 janvier 2016 de la directrice de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) " Gamby " situé à Villebois-Lavalette (Charente) prononçant sa révocation et sa radiation des effectifs du personnel à compter du
31 janvier 2016 et, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de le réintégrer dans ses fonctions et de procéder à la reconstitution de sa carrière.
Par un jugement n° 1600656 du 28 mars 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 20 juillet 2018 et le 10 juillet 2019, M. H... F..., représenté par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 28 mars 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 20 janvier 2016 de la directrice de l'EHPAD
" Gamby " ;
3°) d'enjoindre au centre intercommunal d'action sociale (CIAS) Horte et Lavalette ainsi qu'à l'EHPAD " Gamby " de le réintégrer dans ses fonctions et de procéder à la reconstitution de sa carrière ;
4°) de mettre à la charge du CIAS Horte et Lavalette et de l'EHPAD " Gamby " la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée est entachée d'un vice forme en ce qu'il existe une ambiguïté sur son auteur ne permettant pas d'identifier celui-ci avec précision ;
- cette décision est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il a fait l'objet d'une dénonciation de la part du conseil général de Charente qui n'a pas adopté une attitude impartiale à son égard ;
- elle n'a pas été prise après un examen des circonstances particulières de l'affaire dès lors qu'il n'y est pas indiqué que sa double activité était connue de l'EHPAD ;
- le courrier de convocation devant le conseil de discipline du 8 janvier 2016 lui est parvenu moins de 15 jours avant sa réunion en méconnaissance des dispositions de l'article 6 du décret du 18 septembre 1989 ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation dans la mesure où son activité accessoire, conforme notamment aux règles relatives au cumul d'activités des fonctionnaires prévues au 6° de l'article 2 du décret du 2 mai 2007, était parfaitement compatible avec son emploi au sein de l'EHPAD ;
- elle est entachée d'un motif erroné dès lors qu'il n'a pas organisé ses absences pour pouvoir exercer son activité accessoire ; ses absences sont justifiées par son état de santé et elles n'ont pas nui à l'intérêt du service ;
- la sanction disciplinaire infligée est disproportionnée.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 janvier 2019, le CIAS Lavalette Tude Drone - EHPAD " Gamby ", représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint à M. F... de produire copie de l'accusé de réception du courrier de convocation devant le conseil de discipline et à ce qu'il soit mis à la charge de M. F... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. F... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... A... ;
- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public ;
- et les observations de Me C..., représentant le CIAS d'Horte et Lavalette.
Considérant ce qui suit :
1. Employé depuis septembre 2009 par l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) " Gamby " en qualité de contractuel, M. F... a été titularisé dans son emploi d'agent social par un arrêté du 28 février 2012. Par ailleurs, sous couvert d'un agrément dont il a bénéficié entre le 17 décembre 2012 et le 20 janvier 2015,
M. F... a hébergé des personnes âgées à son domicile en qualité d'accueillant familial entre les mois de juillet 2013 et janvier 2015. Par une décision en date du 20 janvier 2016, la présidente de l'EHPAD " Gamby " a prononcé à l'encontre de M. F... la sanction de révocation, motif pris de ce cumul d'activités, et sa radiation des effectifs du personnel de l'établissement à compter du 31 janvier 2016. Par un jugement du 28 mars 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté les demandes de M. F... tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 20 janvier 2016 et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à l'administration de le réintégrer dans ses fonctions et de procéder à la reconstitution de sa carrière. M. F... relève appel de ce jugement.
2. D'une part, aux termes de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I.- Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. / (...). Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public peuvent toutefois être autorisés à exercer, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, à titre accessoire, une activité, lucrative ou non, auprès d'une personne ou d'un organisme public ou privé, dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui leur sont confiées et n'affecte pas leur exercice. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 2 mai 2007 relatif au cumul d'activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l'Etat : " Dans les conditions fixées au dernier alinéa du I de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée et celles prévues par le présent décret, les fonctionnaires (...) peuvent être autorisés à cumuler une activité accessoire à leur activité principale, sous réserve que cette activité ne porte pas atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance ou à la neutralité du service. Cette activité peut être exercée auprès d'une personne publique ou privée. Un même agent peut être autorisé à exercer plusieurs activités accessoires ". En vertu de l'article 2 de ce décret, les activités accessoires d'aide à domicile à un ascendant, à un descendant, à son conjoint, à son partenaire lié par un PACS ou à son concubin sont notamment susceptibles d'être autorisée. L'article 4 dudit décret prévoit que :
" Le cumul d'une activité exercée à titre accessoire mentionnée aux articles 2 et 3 avec une activité exercée à titre principal est subordonné à la délivrance d'une autorisation par l'autorité dont relève l'agent intéressé (...) ". Selon l'article 5 du même décret :
" Préalablement à l'exercice de toute activité soumise à autorisation, l'intéressé adresse à l'autorité dont il relève, qui lui en accuse réception, une demande écrite qui comprend les informations suivantes : 1°) identité de l'employeur ou nature de l'organisme pour le compte duquel s'exerce l'activité envisagée ; / 2°) Nature, durée périodicité et conditions de rémunération de cette activité ./ Toute autre information de nature à éclairer l'autorité mentionnée au premier alinéa sur l'activité accessoire envisagée peut figurer dans cette demande à l'initiative de l'agent. L'autorité peut lui demander des informations complémentaires. ". Enfin, l'article 18 de ce décret énonce que : " la violation des règles mentionnées aux chapitres Ier à II du présent décret expose l'agent à une sanction disciplinaire ".
3. L'interdiction faite à un fonctionnaire d'exercer à titre professionnel une activité privée lucrative demeure applicable alors même que ledit fonctionnaire est placé en position de congé maladie.
4. D'autre part, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; (...) Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux
ans ; Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation. (...). ".
5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
6. Il ressort des pièces du dossier, qu'entre le 26 juillet 2013 et le 8 janvier 2015,
M. F..., après avoir sollicité et obtenu un agrément délivré le 17 décembre 2012 par le président du conseil général de la Charente, a accueilli des personnes âgées à son domicile à titre permanent et onéreux pendant une durée cumulée de 11 mois et demi alors qu'il bénéficiait d'arrêts maladie, sans être titulaire de l'autorisation de cumul prévue par les dispositions citées au point 2 du décret du 2 mai 2007 ni même avoir sollicité l'octroi d'une telle autorisation auprès de l'EHPAD " Gamby " ou interrogé celui-ci sur la possibilité d'exercer un tel cumul.
7. Ces faits, dont la matérialité n'est pas contestée, sont constitutifs d'une faute de nature à justifier une sanction.
8. Pour infliger, par la décision du 20 janvier 2016, la sanction de révocation à
M. F..., la présidente de l'EHPAD " Gamby " s'est fondée sur le fait que M. F... avait, d'une part, exercé cette activité lucrative accessoire de manière dissimulée pendant une période de trois années en organisant à cette fin ses absences au sein de l'établissement et, d'autre part, tant causé un préjudice financier à son employeur que provoqué sa perte de confiance.
9. Toutefois, dès lors que les arrêts maladie étaient justifiés par l'état de santé de l'intéressé, que ce dernier n'occupait pas un emploi hiérarchiquement supérieur, qu'il n'avait jamais fait l'objet d'une sanction disciplinaire depuis son recrutement en 2009 et qu'il n'est pas établi que son comportement aurait porté atteinte au bon fonctionnement ou à la réputation de son établissement d'affectation, éléments dont le conseil de discipline avait d'ailleurs tenu compte pour proposer une sanction moins sévère, la sanction de révocation, la plus grave de l'échelle des sanctions, revêt au cas d'espèce un caractère disproportionné.
10. Il suit de là que M. F... est fondé à demander à la cour d'annuler le jugement attaqué et, par l'effet dévolutif de l'appel, d'annuler la décision du 20 janvier 2016 de la présidente de l'EHPAD " Gamby " pour erreur d'appréciation, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à son encontre.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. D'une part, eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu d'enjoindre à la présidente de l'EHPAD " Gamby " de réintégrer M. F... dans ses fonctions à compter du 31 janvier 2016, date à laquelle la sanction disciplinaire a pris effet et à compter de laquelle il a été radié des effectifs du personnel de l'EHPAD, et de procéder à la reconstitution de sa carrière.
12. D'autre part, il n'y a pas lieu d'enjoindre à M. F... de produire copie de l'accusé de réception du courrier de convocation devant le conseil de discipline.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. F..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'EHPAD " Gamby " demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'EHPAD " Gamby " la somme de 1 500 euros à verser à M. F... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1600656 du tribunal administratif de Poitiers du 28 mars 2018 et la décision du 20 janvier 2016 de la directrice de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) " Gamby " sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la présidente de l'EHPAD " Gamby " de réintégrer M. F... dans ses fonctions à compter du 31 janvier 2016 et de procéder à la reconstitution de sa carrière.
Article 3 : L'EHPAD " Gamby " versera à M. F... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par l'EHPAD " Gamby " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... F... et au centre intercommunal d'action sociale (CIAS) Lavalette Tude Drone - EHPAD " Gamby ".
Délibéré après l'audience du 2 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
- M. Dominique Naves, président,
- Mme B... A..., présidente-assesseure,
- Mme D... E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 novembre 2020.
Le rapporteur,
Karine A...Le président,
Dominique Naves
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 18BX02882 2