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30/11/2020 | FRANCE | N°18BX02831

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 30 novembre 2020, 18BX02831


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part d'annuler la décision du 27 octobre 2015 par laquelle le président de la chambre des métiers et de l'artisanat du Lot a rejeté sa demande de cumul d'activités et, d'autre part, de condamner la chambre des métiers et de l'artisanat du Lot à lui payer la somme de 4 580 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Par un jugement n° 1505378 du 24 avril 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la

décision du président de la chambre des métiers et de l'artisanat du Lot en date...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part d'annuler la décision du 27 octobre 2015 par laquelle le président de la chambre des métiers et de l'artisanat du Lot a rejeté sa demande de cumul d'activités et, d'autre part, de condamner la chambre des métiers et de l'artisanat du Lot à lui payer la somme de 4 580 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Par un jugement n° 1505378 du 24 avril 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du président de la chambre des métiers et de l'artisanat du Lot en date du 27 octobre 2015 et mis à la charge de celle-ci la somme de 2 118,05 euros en réparation du préjudice subi par Mme A....

Procédure devant la cour :

Par une requête et trois mémoires en réplique enregistrés respectivement les 18 juillet 2018, 3 avril 2019, 6 juillet 2019 et 12 juillet 2019, la chambre des métiers et de l'artisanat du Lot, représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 avril 2018 du tribunal administratif de Toulouse en ses articles 1er et 2 ;

2°) de rejeter les demandes de Mme A... devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Mme A... ne lui a pas adressé une demande de cumul d'activités dans les conditions prévues par l'article 5 du décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 ;

- Mme A... n'a pas justifié de son aptitude à enseigner l'économie et la gestion ;

- la demande de cumul d'activités formée par le C.F.A de l'éducation nationale du Lot était tardive dès lors qu'elle a été présentée trois jours avant le début de l'activité sur laquelle elle portait ;

- le cumul d'activités souhaité par Mme A... était de nature à constituer un risque avéré d'atteinte au fonctionnement normal du service

Par deux mémoires en défense enregistrés respectivement les 6 novembre 2018 et 10 juillet 2019, Mme A..., représentée par Me H..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la chambre des métiers et de l'artisanat du Lot la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués par la chambre des métiers et de l'artisanat du Lot n'est fondé.

Par ordonnance du 17 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 16 juillet 2019 à 12:00.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'artisanat ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, de commerce et de métiers ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d'activités des fonctionnaires ;

- le statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... E...,

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,

- et les observations de Me G..., représentant la chambre des métiers et de l'artisanat du Lot et de Me H..., représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... exerce depuis 2003 des fonctions d'enseignante contractuelle au sein de l'école des métiers relevant de la chambre des métiers et de l'artisanat du Lot. Elle a présenté, le 4 septembre 2015, par un message électronique adressé au secrétaire général de cet établissement, une demande d'autorisation de cumul d'activités en vue d'assurer une activité accessoire d'enseignement auprès du centre de formation des apprentis de l'éducation nationale (CFA-EN) rattaché au lycée Monnerville de Cahors. Cet établissement a par ailleurs lui-même saisi le président de la chambre des métiers et de l'artisanat du Lot d'une telle demande le 7 septembre 1015. Ayant été informée par des collègues que sa demande était rejetée, l'intéressée a, par courrier du 9 octobre 2015, demandé au président de la chambre des métiers et de l'artisanat du Lot les motifs de ce rejet. Par un courrier du 27 octobre 2015, le président de la chambre de métiers et de l'artisanat lui a confirmé sa décision de ne pas donner une suite favorable à sa demande de cumul d'activités auprès du CFA-EN en excipant de ce qu'un tel cumul pouvait présenter un risque d'atteinte au fonctionnement normal de l'école des métiers. La chambre des métiers et de l'artisanat du Lot relève appel du jugement du 24 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 27 octobre 2015 et mis à sa charge la somme de 2 118,05 euros au titre du préjudice subi par Mme A....

Sur la légalité de la décision 27 octobre 2015 :

2. Aux termes de l'article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, dans sa rédaction alors en vigueur : " I.- Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. / (...) Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public peuvent toutefois être autorisés à exercer, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, à titre accessoire, une activité, lucrative ou non, auprès d'une personne ou d'un organisme public ou privé, dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui leur sont confiées et n'affecte pas leur exercice. / (...). "

3. Par ailleurs, aux termes de l'article 4 du statut des personnels des chambres des métiers et de l'artisanat : " (...) / Les agents consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leurs sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. / (...) / Par dérogation à l'interdiction de cumuler un emploi dans l'un des établissements mentionnés à l'article 1er avec une activité professionnelle, les agents peuvent bénéficier d'exceptions leur permettant d'exercer une activité accessoire, lucrative ou non, dans les conditions fixées par le décret n° 2007-658 du 2 mai 2007. / Le cumul de ces activités avec une activité exercée à titre principal est subordonné à la délivrance d'une autorisation par le président de leur établissement. / (...) ".

4. Enfin, aux termes de l'article 1er du décret du 2 mai 2007, alors applicable : " Dans les conditions fixées au dernier alinéa du I de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée et celles prévues par le présent décret, les fonctionnaires, les agents non titulaires de droit public et les ouvriers régis par le régime des pensions des établissements industriels de l'Etat peuvent être autorisés à cumuler une activité accessoire à leur activité principale, sous réserve que cette activité ne porte pas atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance ou à la neutralité du service. Cette activité peut être exercée auprès d'une personne publique ou privée. Un même agent peut être autorisé à exercer plusieurs activités accessoires. ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Les activités accessoires susceptibles d'être autorisées sont les suivantes : / I. - Dans les conditions prévues à l'article 1er du présent décret : / (...) / 2° Enseignement et formation ; / (...) ". Aux termes de l'article 4 dudit décret : " Le cumul d'une activité exercée à titre accessoire mentionnée aux articles 2 et 3 avec une activité exercée à titre principal est subordonné à la délivrance d'une autorisation par l'autorité dont relève l'agent intéressé. (...) ". L'article 5 de ce décret prévoit : " Préalablement à l'exercice de toute activité soumise à autorisation, l'intéressé adresse à l'autorité dont il relève, qui lui en accuse réception, une demande écrite qui comprend les informations suivantes : / 1° Identité de l'employeur ou nature de l'organisme pour le compte duquel s'exercera l'activité envisagée ; / 2° Nature, durée, périodicité et conditions de rémunération de cette activité. ". L'article 6 dudit décret ajoute que : " L'autorité compétente notifie sa décision dans un délai d'un mois à compter de la réception de la demande. / Lorsque l'autorité compétente estime ne pas disposer de toutes les informations lui permettant de statuer sur la demande, elle invite l'intéressé à la compléter dans un délai maximum de quinze jours à compter de la réception de sa demande. / En l'absence de décision expresse écrite contraire dans le délai de réponse mentionné aux premier et deuxième alinéas, l'intéressé est réputé autorisé à exercer l'activité accessoire. / L'activité accessoire ne peut être exercée qu'en dehors des heures de service de l'intéressé. ".

5. En premier lieu, pour refuser l'autorisation de cumul d'activités d'enseignement sollicitée par Mme A..., le président de la chambre de métiers et de l'artisanat du Lot s'est fondé sur ce que l'exercice de l'activité accessoire auprès du centre de formation des apprentis de l'éducation nationale pourrait présenter " un risque d'atteinte au fonctionnement normal de l'école des métiers ".

6. Il ressort des pièces du dossier que la demande de cumul d'activités de Mme A... portait sur une activité d'enseignement en économie/gestion auprès du centre de formation des apprentis de l'éducation nationale rattaché au lycée Monnerville de Cahors, durant la période du 10 septembre 2015 au 20 mai 2016, à raison de 2 ou 3 heures par semaines échelonnées sur 19 semaines, pour un total de 50 heures. La circonstance que l'intéressée, qui enseigne le français ainsi que l'histoire-géographie, au sein de l'école des métiers relevant de la chambre des métiers et de l'artisanat du Lot, n'aurait pas établi être compétente pour enseigner l'économie et la gestion n'est pas de nature à porter atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance ou à la neutralité du service, au sens des dispositions précitées de l'article 1er du décret du 2 mai 2007. Par ailleurs, et alors même qu'elle n'aurait pas rempli l'intégralité des bulletins scolaires des élèves préalablement aux conseils de classe qui ont eu lieu les 29 février 2012, 13 juin 2012, 2 janvier 2013 et 2 janvier 2014, cette seule circonstance ne permet pas d'établir qu'un enseignement de 2 ou 3 heures par semaine au sein du CFA-EN du lycée Monnerville, dans le cadre de la formation préparatoire au bac professionnel " automobile " organisée en partenariat entre les deux institutions concernées, aurait été de nature à compromettre le bon fonctionnement du service au sein de l'école des métiers ou l'accomplissement, par l'intéressée, de ses missions auprès de celui-ci.

7. C'est donc à bon droit que le tribunal administratif de Toulouse a jugé que la décision du 27 octobre 2015 était entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

8. En deuxième lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

9. Pour établir que la décision en litige était légale, la chambre des métiers et de l'artisanat du Lot, dans ses écritures de première instance et d'appel, invoque un autre motif tiré de ce que Mme A... n'aurait pas présenté de demande de cumul d'activités dans les formes et conditions prescrites par les dispositions précitées de l'article 5 du décret du 2 mai 2007.

10. Il résulte des dispositions précitées que l'exercice d'une activité à titre accessoire est, sauf exceptions, soumise par la loi à autorisation préalable, laquelle ne peut être accordée par l'autorité dont relève l'agent qu'à la condition que cette activité accessoire soit compatible avec les fonctions qui lui sont confiées et n'affecte pas leur exercice. Afin de s'assurer que cette condition est remplie, et ainsi que le prévoit l'article 5 du décret du 2 mai 2007, l'administration se prononce au vu d'une demande écrite du fonctionnaire précisant notamment la nature, la durée, la périodicité et les conditions de rémunération de l'activité accessoire envisagée, informations constituant des éléments substantiels nécessaires à l'examen de la compatibilité de l'activité envisagée avec les fonctions confiées à l'agent.

11. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a, par un mail du 4 septembre 2015 adressé au secrétaire général de la chambre des métiers et de l'artisanat du Lot, formé une demande de cumul d'activités dans laquelle elle indiquait la nature, la durée et la périodicité de l'activité accessoire envisagée. Une demande de cumul d'activités concernant l'intéressée a par ailleurs été adressée au président de la chambre des métiers et de l'artisanat du Lot par le CFA-EN du Lot le 7 septembre suivant. La chambre des métiers et de l'artisanat du Lot n'établit ni même n'allègue, qu'à la date de la décision en litige, son président n'aurait pas disposé de l'ensemble des informations prescrites par les dispositions de l'article 5 du décret du 2 mai 2007, lui permettant de s'assurer de la compatibilité de l'activité envisagée avec les fonctions confiées à Mme A..., et ce d'autant qu'il n'a adressé à celle-ci aucune demande d'informations complémentaires, préalablement à l'adoption de sa décision, comme le lui permet l'article 6 du même décret. Par suite, et dès lors que le motif ainsi invoqué par la chambre des métiers et de l'artisanat du Lot n'est pas de nature à justifier juridiquement la décision en litige, il n'y a pas lieu de prononcer la substitution demandée.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la chambre des métiers et de l'artisanat du Lot n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 27 octobre 2015 par laquelle le président de la chambre des métiers et de l'artisanat du Lot a rejeté la demande de cumul d'activités formée par Mme A....

13. Par voie de conséquence, les conclusions tendant à ce que ledit jugement soit également annulé en ce qu'il a mis à la charge de la chambre des métiers et de l'artisanat du Lot la somme de 2 118,05 euros en réparation du préjudice subi par Mme A..., qui sont fondées sur un unique moyen tenant à la légalité de la décision du 27 octobre 2015, ne peuvent être accueillies.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la chambre des métiers et de l'artisanat du Lot demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la chambre des métiers et de l'artisanat du Lot le versement d'une somme de 1 500 euros à Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par la chambre des métiers et de l'artisanat du Lot est rejetée.

Article 2 : La chambre des métiers et de l'artisanat du Lot versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la chambre des métiers et de l'artisanat du Lot et à Mme F... A....

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme C... B..., présidente-assesseure,

Mme D... E..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 novembre 2020.

Le rapporteur,

Sylvie E...

Le président,

Dominique Naves

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 18BX02831


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02831
Date de la décision : 30/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-11-02 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Obligations des fonctionnaires. Interdiction d'exercer une activité privée lucrative.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : CHAMBARET

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-30;18bx02831 ?
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