Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par un jugement n° 1600905, n° 1600906 du 25 janvier 2018, le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande de M. et Mme H... B... F... tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2013 et du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui leur a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 août 2014.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 mars 2018, et un mémoire, enregistré le 7 octobre 2019, M. et Mme B... F..., représentés par Me E..., demandent à la cour,
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 25 janvier 2018 ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2013 et du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui leur a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 août 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des frais exposés pour l'instance.
Ils soutiennent que :
- ils n'ont pas acquis le terrain à bâtir concerné dans l'intention de le diviser en lots et de le revendre ;
- subsidiairement, le redevable légal de la TVA est constitué par l'indivision familiale tandis que l'obligation d'inscription auprès d'un centre de formalité des entreprises incombait à cette même indivision de sorte que les rappels de TVA et les pénalités pour manquement délibéré ont été irrégulièrement établis à leur nom.
Par deux mémoires, enregistrés les 22 octobre 2018 et 24 juin 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 22 août 2007, M. et Mme B...-F... ont acquis, à Séméac
(Hautes-Pyrénées), une parcelle cadastrée section AP n° 18. Les 25 janvier et 5 novembre 2008, ils ont déposé, respectivement, un permis de construire en vue d'y édifier quinze maisons d'habitation et un permis d'aménager ce terrain pour la création d'un lotissement. La vente des quinze lots du lotissement a été autorisée par un arrêté municipal du 26 avril 2011. Enfin, par un acte authentique du 9 janvier 2013, M. et Mme B...-F... ont fait donation à leurs trois enfants de 3/5ème de 12 de ces lots et de la totalité des trois lots restants. M. et
Mme B...-F... relèvent appel du jugement du 25 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leurs demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2013 et des rappels de TVA qui leur ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au
31 août 2014 à raison de la cession de 12 de ces lots.
Sur la charge de la preuve :
2. L'article L. 193 du livre des procédures fiscales dispose que : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". L'article R. 193-1 du même livre précise que : " Dans le cas prévu à l'article L. 193, le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à M. et Mme B...-F..., dont le bénéfice industriel et commercial a été évalué d'office et qui ont été taxés d'office en matière de taxe sur la valeur ajoutée, d'apporter la preuve de l'exagération des impositions dont ils demandent la décharge ;
Sur les bénéfices industriels et commerciaux :
3. Aux termes de l'article 34 du code général des impôts : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale. ". L'article 35 du même code précise, d'une part, que : " I. Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après :
1° bis Personnes qui, à titre habituel, achètent des biens immeubles, en vue d'édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre, en bloc ou par locaux ; (...) 3° Personnes qui procèdent à la cession d'un terrain divisé en lots destinés à être construits lorsque le terrain a été acquis à cet effet " et d'autre part, que " III. Pour l'application du présent article, les donations entre vifs ne sont pas opposables à l'administration. " Il résulte de ces dispositions, d'une part, que le critère de détermination du régime d'imposition applicable aux profits tirés d'un lotissement est fondé sur l'intention du contribuable lors de l'acquisition du terrain en cause, d'autre part, que dans le cas de donation faite par le lotisseur et portant sur tout ou partie des parcelles comprises dans le lotissement, l'administration peut assujettir à l'impôt sur le revenu les profits procurés par la vente desdites parcelles soit en faisant abstraction de la donation, ce qui implique que ces profits sont réputés réalisés par le donateur et sont calculés de la même manière que si celui-ci avait lui-même procédé aux ventes, soit tenir compte de la donation et imposer le donataire en sa qualité de vendeur de parcelles précédemment acquises à titre gratuit.
4. En l'occurrence, il résulte de l'instruction que M. B... F... a acquis, le 29 janvier 2005, un terrain en qualité de marchand de biens. Il l'a revendu moins de six mois plus tard à la SCI de construction-vente La Barthe dont il était le gérant et qui a réalisé sur cette parcelle une opération de lotissement de 11 lots dans le but de vendre en état futur d'achèvement, des maisons à usage d'habitation. En 2006, il a acquis, en indivision avec sa fille, deux immeubles à Tarbes, revendus la même année avec une importante plus-value. En outre, il a déposé une demande de permis de construire pour quinze maisons d'habitation destinées à " la vente " dès le 25 janvier 2008, soit quatre mois après l'acquisition du terrain d'assiette cadastré section AP n° 18, puis un permis d'aménager ce terrain pour la création d'un lotissement le 5 novembre suivant. Enfin, il ressort de la déclaration de résultat souscrite par l'entreprise individuelle de M. B...-F... au titre de son exercice 2010 que
celui-ci exerçait alors une activité de " lotisseur " et que le coût de revient de ce terrain figurait au poste " stocks " de son bilan simplifié.
5. Eu égard tant au caractère répété des opérations d'achat-revente de terrain, avec ou sans construction, auxquelles a précédemment procédé M. B...-F..., qu'à la brièveté du délai séparant l'acquisition du terrain et le lancement de l'opération de lotissement concernée, celui-ci doit être regardé comme ayant eu, lors de son acquisition, l'intention de revendre la parcelle cadastrée section AP n° 18 après l'avoir divisée en lots alors même que, pour financer cette opération, il a eu recours à un prêt classique, n'a procédé à aucune opération de pré-commercialisation et n'a pas eu recours à des méthodes publicitaires. En outre, il ne peut se prévaloir en l'espèce du délai séparant l'achat de ce terrain de sa revente après lotissement dès lors que ce délai est seulement dû à la délivrance tardive du permis d'aménager et à la lenteur de réalisation des travaux.
6. Il résulte de ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les profits réalisés à l'occasion de l'opération dont s'agit constituaient des bénéfices industriels et commerciaux.
Sur la taxe sur la valeur ajoutée :
7. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) ". L'article 256 A du même code précise que : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. (...) Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services (...) Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien meuble corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence. ".
8. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que les appelants ont acquis la parcelle concernée dans une intention spéculative, qu'ils ont eux-mêmes procédé à son lotissement alors, au surplus, qu'ils sont les seuls redevables des bénéfices industriels et commerciaux réalisés à l'occasion de la cession des lots ainsi créées. En outre, et contrairement à ce qu'ils soutiennent, la circonstance qu'ils aient procédé à la donation-partage d'une partie des lots concernés en faveur de leurs enfants n'est de nature ni à faire perdre à cette opération sa nature d'activité économique au sens des dispositions précitées de l'article 256 A du code général des impôts ni à conférer à l'indivision ainsi créée la qualité d'assujetti à la TVA au regard de cette activité. Dans ces conditions, les appelants doivent être regardés comme ayant, seuls, agi en qualité d'assujettis à la TVA et ne peuvent dès lors soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'ils étaient redevables de la TVA collectée lors de la cession des lots susmentionnés.
Sur les pénalités :
9. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte (...) ". En outre, il résulte des articles L. 169 et L. 176 du livre des procédures fiscale, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi de laquelle elles sont issues, que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives.
10. D'une part, il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 du présent arrêt que les appelants disposaient d'une solide expérience professionnelle en matière d'achat-revente de terrains lotis ou non et qu'ils ont acquis la parcelle dont s'agit dans un but spéculatif, de sorte qu'ils ne pouvaient ignorer que cette opération aurait dû faire l'objet d'une déclaration au titre des bénéfices industriels et commerciaux et être soumise à la TVA.
11. D'autre part, si les appelants, qui ne contestent pas ne pas avoir fait connaître l'activité de lotisseur de M. B...-F... à un centre de formalités des entreprises au titre de l'année et de la période considérées, soutiennent que cette activité a, en revanche, été déclarée au greffe du tribunal de commerce compétent, ils ne produisent à l'appui de cette allégation qu'une copie d'écran dont il ressort que M. B...-F... s'est certes vu délivrer un numéro Siret mais que ce numéro ne concerne que son activité de travaux de revêtement des sols et de murs et aucunement son activité de professionnel de l'immobilier.
12. Enfin, les appelants font également valoir que les lots dont s'agit ont été cédés par l'indivision née de la donation qu'ils ont consentie à leurs enfants et soutiennent que, par suite, il appartenait à cette indivision et non à eux-mêmes de se faire connaître à un centre de formalités des entreprises et de déposer dans le délai légal les déclarations qu'elle était tenue de souscrire à raison des cessions en cause, de sorte que les pénalités pour activité occulte ne pouvaient être prononcées qu'à l'encontre de cette indivision. Toutefois, il résulte des dispositions précitées du III de l'article 35 du code général des impôts que les donations entre vifs ne sont pas opposables à l'administration en ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux réalisés lors de la cession d'un terrain divisé en lots destinés à être construits lorsque le terrain a été acquis à cet effet et du point 8 du présent arrêt que les appelants sont les seuls redevables de la TVA collectée lors de la cession des lots susmentionnés.
13. Il résulte de tout ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2013 et du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui leur a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 août 2014. Par suite, leur requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M et Mme H... B... F... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme A... D..., présidente,
Mme G..., présidente-assesseure,
M. Manuel C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 novembre 2020.
Le rapporteur,
Manuel C...
La présidente de la cour,
Brigitte D...La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N°18BX01308