Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de six mois et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, ou, à tout le moins, de procéder au réexamen de sa situation.
Par un jugement n° 1907398 du 18 février 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté préfectoral du 10 décembre en tant qu'il interdit M. A... de retour sur le territoire français pour une durée de six mois et a rejeté le surplus des conclusions de M. A....
Procédures devant la cour :
I.- Par une requête, enregistrée le 18 mai 2020, sous le n° 201BX01679, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 18 février 2020 en tant qu'il a annulé son arrêté du 10 décembre 2019 en tant qu'il portait interdiction de retour sur le territoire français et a mis à la charge de l'Etat une somme de 750 euros à verser au conseil de M. A....
Il soutient que :
- c'est à tort que, pour annuler l'interdiction de retour dur le territoire français, le tribunal administratif s'est fondé sur les dispositions du premier alinéa de l'article L. 511-1 III, applicables aux mesures portant éloignement sans délai ;
- en outre, l'interdiction de retour est tout à fait justifiée et proportionnée ; M. A... et célibataire et sans enfant, et ne dispose d'aucune attache sur le territoire national ; de plus, il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 septembre 2020, M. C... A..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par une décision en date du 25 juin 2020, M. A... a été maintenu de plein droit dans le bénéfice l'aide juridictionnelle totale.
II.- Par une requête, enregistrée le 18 mai 2020, sous le n° 20BX01680, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 18 février 2020.
Il soutient que les conditions en vue de l'obtention d'un tel sursis sont remplies, en tant qu'il présente des moyens sérieux, comme exposés dans l'instance au fond, de nature à entrainer la réformation du jugement.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 septembre 2020, M. C... A..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par une décision en date du 25 juin 2020, M. A... a été maintenu de plein droit dans le bénéfice l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., ressortissant irakien d'origine kurde né le 5 avril 1991 à Dahuk (Irak, région autonome du Kurdistan), déclare être entré sur le territoire français en octobre 2015. A la suite du rejet définitif de sa demande d'asile, il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement, prise à son encontre le 6 octobre 2016, à laquelle il n'a pas déférée. Le 26 juillet 2018, M. A... a sollicité le bénéfice d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 10 décembre 2019, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de six mois. Par la requête enregistrée sous le n° 20BX01679, le préfet de la Haute-Garonne fait appel du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 18 février 2020, en tant qu'il a annulé l'interdiction faite à M. A... de revenir sur le territoire français pendant une durée de six mois, contenue dans l'arrêté du 10 décembre 2019. Par une requête, enregistrée sous le n° 20BX01680, le préfet demande le sursis à exécution de ce même jugement, en tant qu'il a annulé l'interdiction de retour sur le territoire français. Ces deux requêtes présentant des questions identiques à juger et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.
Sur la requête au fond :
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / III. _ L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence des cas prévus au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans. /(...)/ La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
3. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
4. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
5. Si M. A... est en France depuis 5 ans, il n'a été admis provisoirement au séjour que le temps de l'examen de sa demande d'asile, laquelle a été définitivement rejetée, puis s'est maintenu illégalement sur le territoire français. Il n'établit d'ailleurs pas qu'en raison de ses origines kurdes, il encourrait des risques contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Irak. Par ailleurs, s'agissant de son état de santé, il n'établit pas que le défaut de prise en charge médicale pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni davantage qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Enfin, il est célibataire et sans enfant à charge et ne démontre pas avoir développé une insertion privée ou professionnelle particulière en France. Par suite, d'une part, aucune de ces circonstances ne constitue une circonstance humanitaire qui aurait été de nature à justifier que le préfet de la Haute-Garonne ne prononce pas d'interdiction de retour. D'autre part, eu égard à la durée de la présence illégale du requérant en France, à l'inexécution d'une précédente mesure d'éloignement et à l'absence d'intégration particulière sur le territoire français alors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, et quand bien même n'aurait-il jamais causé de trouble à l'ordre public et bénéficie-t-il d'une mesure d'éloignement dans un délai de 30 jours, en prononçant à l'encontre de M. A... une interdiction de retour en France d'une durée de six mois, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas commis d'erreur d'appréciation.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français contenue dans son arrêté du 10 décembre 2019. Par voie de conséquence, les conclusions de M. A... tendant à l'application des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
Sur la requête à fins de sursis à exécution :
7. Le présent arrêt fait droit aux conclusions de la requête au fond du préfet de la Haute-Garonne. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de sa requête à fins de sursis à exécution.
Sur les frais des litiges :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce qu'il soit à la charge de l'Etat une quelconque somme à verser au conseil de M. A..., au titre des deux instances, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20BX01680 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 18 février 2020 du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse.
Article 2 : Le jugement n° 19073398 du 18 février 2020 du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse est réformé, en tant qu'il annulé la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français, contenue dans l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 10 décembre 2019, prise à l'encontre de M. A..., et en tant qu'il a mis à la charge de l'Etat, au profit du conseil de M. A..., une somme de 750 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37, alinéa 2 .
Article 3 : Les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 décembre 2019 en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de la Haute-Garonne, au ministre de l'intérieur et à M. C... A....
Délibéré après l'audience du 19 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme Karine Butéri, président-assesseur,
Mme D..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 16 novembre 2020.
Le rapporteur,
D...Le président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°s 20BX01679, 20BX01680 2