La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/11/2020 | FRANCE | N°18BX03183

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 16 novembre 2020, 18BX03183


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du 28 juillet 2016 par laquelle le maire du Lamentin a décidé de prononcer sa réintégration et de l'affecter au service des affaires culturelles de la commune à compter du 1er août 2016, d'enjoindre au maire du Lamentin de réexaminer sa situation et de condamner la commune du Lamentin à lui verser la somme de 10 000 euros à titre d'indemnité pour le harcèlement moral qu'elle soutient avoir subi.

Par un jugem

ent n° 1700427 du 21 juin 2018, le tribunal administratif de la Guadeloupe a reje...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du 28 juillet 2016 par laquelle le maire du Lamentin a décidé de prononcer sa réintégration et de l'affecter au service des affaires culturelles de la commune à compter du 1er août 2016, d'enjoindre au maire du Lamentin de réexaminer sa situation et de condamner la commune du Lamentin à lui verser la somme de 10 000 euros à titre d'indemnité pour le harcèlement moral qu'elle soutient avoir subi.

Par un jugement n° 1700427 du 21 juin 2018, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté la demande de Mme B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 août 2018, et des mémoires en réplique, enregistrés le 18 novembre 2018 et le 17 juillet 2019 à 01h36, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 21 juin 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 28 juillet 2016 par laquelle le maire du Lamentin a décidé de prononcer sa réintégration et de l'affecter au service des affaires culturelles de la commune à compter du 1er août 2016 ;

3°) de condamner la commune du Lamentin à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices physiques et moraux subis du fait de cette décision et du fait du harcèlement moral dont elle a fait l'objet ;

4°) de mettre à la charge de la commune du Lamentin la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a insuffisamment motivé son jugement, en n'expliquant pas en quoi la décision devait être regardée comme une mesure d'ordre intérieur ;

- il a omis de statuer sur les moyens tirés du détournement de pouvoir et du détournement de procédure ;

- il s'agit d'une mutation interne, pour laquelle les garanties procédurales n'ont pas été respectées, en particulier en raison de l'absence de déclaration préalable de vacance de poste ; il s'agit d'une mesure prise en considération de sa personne et donc d'une sanction disciplinaire déguisée, qui lui fait ainsi grief ; à ce titre, elle n'a pas eu accès à son dossier et donc n'a pas eu connaissance des griefs qui lui sont reprochés ;

- il s'agit d'une mise au placard, effectuée du jour au lendemain, dans des conditions matérielles minimales signe d'un harcèlement moral à son encontre, issu d'un désaccord avec sa hiérarchie, assorti d'une atteinte à son avancement de grade et au maintien de ses primes de fonction ; cela a entraîné pour elle des conséquences graves sur sa santé physique et psychologique ; il s'agit également d'une discrimination par rapport aux autres agents, susceptible de recours ;

- aucune fin de non-recevoir tirée d'un défaut de demande indemnitaire ne peut li être opposé, car elle a effectué cette demande auprès de la commune le 17 avril 2018, ce qui a fait naître une décision implicite de rejet le 17 juin 2018.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 24 octobre 2018 et le 16 juin 2019, la commune du Lamentin, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête de Mme B... et à ce qu'il soit mis à sa charge la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que:

- le jugement n'est entaché d'aucune irrégularité ;

- la demande en excès de pouvoir de Mme B... est irrecevable, la décision attaquée devant être regardée comme une mesure d'ordre intérieur ;

- à titre subsidiaire, le harcèlement moral allégué n'est pas établi ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont accueilli la fin de non-recevoir qu'elle a déjà opposée aux conclusions indemnitaire de Mme B..., qu'elle réitère en vertu de l'article R. 421-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance en date du 7 juin 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 juillet 2019 à 12H00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... B..., adjointe administrative de deuxième classe au sein des effectifs de la commune du Lamentin depuis 1994 a été mise à disposition de la caisse des écoles du Lamentin par arrêté du 29 août 2014. Par une décision du 28 juillet 2016, le maire du Lamentin a prononcé sa réintégration au sein des effectifs de la commune et son affectation au service des affaires culturelles. Mme B... a formé le 1er août 2016 un recours gracieux contre cette décision, qui a été rejeté par courrier du 12 août suivant. Par courrier adressé au maire par son conseil le 15 novembre 2016, elle a contesté à nouveau son changement d'affectation et a sollicité un entretien. Par courrier en réponse du 2 février 2017, le maire du Lamentin a confirmé sa décision de changement d'affectation de Mme B.... Celle-ci fait appel du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 21 juin 2018, qui a rejeté comme irrecevables tant ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 28 juillet 2016, que ses conclusions indemnitaires fondées sur le harcèlement moral qu'elle estime avoir subi.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif a rejeté comme irrecevables tant les conclusions aux fins d'annulation que les conclusions indemnitaires présentées par Mme B.... Celle-ci conteste les irrecevabilités qui lui ont été ainsi opposées qui, si elles l'ont été à tort, constitueraient des causes d'irrégularité du jugement.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

3. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre une telle mesure, à moins qu'elle ne traduise une discrimination, est irrecevable, alors même que la mesure de changement d'affectation aurait été prise pour des motifs tenant au comportement de l'agent public concerné.

4. Mme B... soutient que la décision contestée du 28 juillet 2016, qui a mis fin à la mise à sa disposition à la caisse des écoles du Lamentin et l'a réaffectée dans les services de la commune, aux affaires culturelles ne saurait être qualifié de mesure d'ordre intérieur.

5. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette nouvelle affectation, qui n'emporte pour l'intéressée aucun changement géographique majeur, effectuée sur un poste d'adjoint administratif de 2ème classe, ne correspondrait pas à son grade, ni qu'elle emporterait abaissement de ses responsabilités et de ses attributions ou de sa rémunération et de ses avantages pécuniaires. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier, contrairement à ce que soutient la requérante, que cette mesure serait une sanction déguisée ou serait la manifestation d'une discrimination à son égard, discrimination qu'au demeurant elle ne caractérise pas. Dans ces conditions, et alors même que la décision contestée a été prise en considération de la personne et du comportement de Mme B..., qui reconnaît elle-même qu'elle fait suite à un différend l'ayant opposé à sa supérieure hiérarchique à la caisse des écoles, la commune, doit être regardée comme ayant pris dans l'intérêt du service une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours contentieux.

6. Dès lors, c'est à juste titre que le tribunal, qui a suffisamment motivé son jugement sur ce point, a déduit de ces éléments que l'acte attaqué constituait une mesure d'organisation interne du service insusceptible de recours. Il n'a donc pas commis d'irrégularité en rejetant les conclusions aux fins d'annulation de cet acte comme irrecevables ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction.

7. Les conclusions dirigées contre une telle mesure étant irrecevables, le tribunal n'a pas davantage entaché son jugement d'irrégularité en s'abstenant de répondre aux moyens tirés de ce qu'elle serait entachée de détournement de pouvoir ou de détournement de procédure à défaut de publication de vacance de poste.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

8. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction résultant du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ".

9. Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au versement d'une somme d'argent est irrecevable et peut être rejetée pour ce motif. En revanche, les termes du second alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative n'impliquent pas que la condition de recevabilité de la requête tenant à l'existence d'une décision de l'administration s'apprécie à la date de son introduction. Cette condition doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l'administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle. Par suite, l'intervention d'une telle décision en cours d'instance régularise la requête, sans qu'il soit nécessaire que le requérant confirme ses conclusions et alors même que l'administration aurait auparavant opposé une fin de non-recevoir fondée sur l'absence de décision.

10. Mme B..., qui a introduit son recours, assorti de conclusions indemnitaires, le 11 avril 2017 devant le tribunal administratif de la Guadeloupe, lequel a rendu son jugement le 21 juin 2018, fait valoir qu'elle a, le 17 avril 2018, adressé une demande indemnitaire préalable à la commune du Lamentin et qu'une décision implicite de rejet de celle-ci est nécessairement née le 17 juin suivant. Cependant, si elle produit effectivement un courrier en ce sens daté du 17 avril 2018, elle n'établit pas, par la seule mention manuscrite au bas de la lettre d'un numéro de lettre recommandé, que la commune ait effectivement reçu ce courrier, ni à quelle date, la commune ne reconnaissant pas avoir reçu une telle demande à la date indiquée par l'intéressée.

11. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Guadeloupe a accueilli la fin de non-recevoir opposée par la commune tirée de l'absence de liaison du contentieux et rejeter en raison de motif pour irrecevabilité ses conclusions indemnitaires.

12. Il résulte de tout ce qui précède que les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité en rejetant comme irrecevables tant les conclusions aux fins d'annulation que les conclusions indemnitaires présentées par Mme B....

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune du Lamentin, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche il y a lieu de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 000 euros que demande la commune sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Mme B... versera à la commune du Lamentin la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et à la commune du Lamentin.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme Karine Butéri, président-assesseur,

Mme E..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 novembre 2020.

Le rapporteur,

E...Le président,

Dominique Naves

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX03183


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03183
Date de la décision : 16/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'annulation - Introduction de l'instance - Décisions susceptibles de recours.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : CABINET PIERRE YVES CHICOT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-16;18bx03183 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award