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10/11/2020 | FRANCE | N°20BX01073

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 10 novembre 2020, 20BX01073


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 13 juin 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1901221 du 23 septembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a re

jeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 13 juin 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1901221 du 23 septembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 20 mars, le 22 mai et le 7 septembre 2020, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 23 septembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 juin 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne lui a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour, ou à défaut, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de la date de notification du jugement à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation au bénéfice de l'aide Juridictionnelle.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'absence de notification de la décision de rejet de la Cour nationale du droit d'asile alors qu'en l'espèce, il n'existe aucun élément permettant de considérer que cette décision a été effectivement notifiée à l'intéressé et que dès lors le préfet ne pouvait légalement lui retirer son attestation de demande d'asile et l'obliger à quitter le territoire français ;

- le tribunal a commis une erreur en n'examinant pas son droit au séjour au motif qu'il ne justifiait pas d'une demande de titre de séjour alors que le préfet a examiné sa situation personnelle au vu de la possibilité de l'attribution d'un titre de séjour de plein droit ;

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

- le signataire de l'arrêté n'était pas compétent ;

- le préfet ne pouvait légalement lui retirer son attestation de demande d'asile et l'obliger à quitter le territoire français dès lors qu'il n'existe aucun élément permettant de considérer que la décision de rejet de la Cour nationale du droit d'asile lui a été effectivement notifiée ;

En ce qui concerne la décision portant retrait de l'attestation de demande d'asile :

- la décision contestée méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle et familiale dès lors qu'il n'a aucune attache dans son pays d'origine et qu'il attend un enfant avec sa compagne ;

- le préfet a examiné sa situation personnelle au vu de la possibilité de l'attribution d'un titre de séjour de plein droit, or il aurait pu obtenir un titre de séjour de plein droit sur le fondement du respect de la vie privée et familiale ;

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français, délai de départ volontaire et fixation du pays de renvoi :

- ces décisions sont entachées de nullité en raison de la nullité affectant le retrait de l'attestation sur laquelle elles sont fondées ;

- il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement alors qu'il remplit les conditions pour obtenir un titre de séjour au titre du respect de sa vie privée et familiale ;

- ces décisions portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il attend un enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2020, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la décision de la Cour nationale du droit d'asile ayant fait l'objet d'une lecture publique, il n'était pas nécessaire que M. A... en reçoive la notification préalablement à la prise de l'arrêté attaqué, conformément aux dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en outre, la fiche TelemOfpra atteste que la décision de la Cour nationale du droit d'asile a bien été notifiée le 7 juin 2019 ;

- le requérant ne justifie pas de la réalité et de la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France, au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;

- la décision de retrait de l'attestation de demande d'asile n'a pas été prise en méconnaissance des obligations légales dès lors les décisions portant obligation de quitter le territoire français, délai de départ volontaire et fixation du pays de renvoi ne sont pas dépourvues de base légale ;

- il a été procédé à un examen de la situation personnelle et familiale du requérant, ce dernier n'a fait état de sa relation et de la naissance future de son enfant que postérieurement à l'arrêté attaqué ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement.

Par ordonnance du 8 juillet 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 8 septembre 2020 à 12h00.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... B..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité guinéenne, né le 20 mars 1997, est entré en France, selon ses dires, en 2017 et a sollicité le 31 août 2017 le bénéfice de l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision du 14 juin 2018 de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 27 mai 2019. Par un arrêté du 13 juin 2019, le préfet de la Haute-Vienne lui a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement du 23 septembre 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral. Par la présente requête, M. A... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande, M. A... soutenait notamment que son attestation de demande d'asile ne pouvait être retirée dès lors qu'il n'existait aucun élément permettant de considérer que la décision de la Cour nationale du droit d'asile lui avait été effectivement notifiée. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen qui n'était pas inopérant. Son jugement doit, par suite, être annulé sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen d'irrégularité invoqué.

3. Dans les circonstances de l'espèce, il y a donc lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Limoges.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

4. En premier lieu, M. Jérôme Decours, secrétaire général de la préfecture de la Haute-Vienne, signataire de l'arrêté en litige, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de la Haute-Vienne en date du 10 novembre 2018, régulièrement publiée le même jour au recueil des actes administratifs n° 87-2018-101 de la préfecture, à l'effet " de signer tous arrêtés, conventions, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents (...) ", à l'exclusion de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions relatives aux étrangers. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision doit être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande (...). / Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Selon les dispositions alors en vigueur de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 7411, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". Aux termes de l'article L. 743-3 de ce code : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI ". Enfin, aux termes du III de l'article R. 723-19 du même code : " La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire ".

6. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé devant elle, par la Cour nationale du droit d'asile. En l'absence d'une telle notification régulière, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus d'un droit provisoire au séjour, ni l'obliger à quitter le territoire français.

8. Si le requérant soutient que le préfet n'apporte pas la preuve de la notification régulière de la décision de rejet de sa demande par la cour nationale du droit d'asile, il ressort toutefois des pièces du dossier que le préfet produit, dans son mémoire en défense, la fiche TelemOpfra selon laquelle cette décision en date du 27 mai 2019 a été notifiée le 7 juin 2019 à l'intéressé. Il résulte des dispositions précitées de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que ces mentions font foi jusqu'à preuve du contraire. Dès lors, et alors qu'il ne soutient avoir changé d'adresse que postérieurement à cette notification, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en l'absence de preuve de la notification régulière de la décision de rejet de la CNDA en date du 27 mai 2019, le préfet ne pouvait retirer son attestation de demande d'asile et l'obliger à quitter le territoire français. Par suite, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne les décisions portant retrait de l'attestation de demande d'asile et refus de titre de séjour :

9. En premier lieu, le préfet précise dans son arrêté que " après étude de son dossier " M. A... " n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit en application du CESEDA ". Cette mention implique nécessairement que le préfet a procédé à un examen de la situation de l'intéressé au regard de son droit au séjour et a implicitement refusé de lui accorder un titre, quel qu'en soit le fondement. En outre, il ressort de la lecture de l'arrêté en litige que le préfet a examiné la situation privée et familiale du requérant au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, le moyen soulevé par M. A..., en première instance, tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est opérant.

10. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) ; / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...). ".

11. M. A... soutient qu'il n'a plus aucune famille en Guinée et qu'il a eu un enfant avec sa compagne, né le 15 octobre 2019. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré récemment en France. S'il se prévaut de la circonstance qu'il aurait eu, postérieurement à la décision attaquée, un enfant avec sa compagne, cette dernière est en attente d'une réponse à sa demande d'asile enregistrée auprès de l'OFPRA, et ne bénéficie pas, à la date de la décision attaquée, d'un titre de séjour lui donnant vocation à rester sur le territoire national. Il n'est pas établi, ni même allégué, que des circonstances particulières feraient obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue hors de France. Enfin, le requérant ne justifie pas d'une réelle insertion dans la société française. Dans ces conditions, eu égard notamment à la durée et aux conditions de séjour en France de M. A..., la décision n'a pas porté au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, la décision attaquée ne méconnait ni les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle et familiale.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français, délai de départ volontaire et fixation du pays de renvoi :

12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français, délai de départ volontaire et fixation du pays de renvoi seraient illégales en raison de l'illégalité du retrait de l'attestation de demande d'asile doit être écarté.

13. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 11, la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

14. En dernier lieu, si le requérant soutient qu'il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement alors qu'il justifie remplir les conditions pour obtenir un titre de séjour sur un autre fondement que l'asile, ce moyen n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé et doit, par suite être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

15. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / III. L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence des cas prévus au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) " .

16. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour sur le territoire français et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivation distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

17. Il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée se fonde sur ce que l'examen d'ensemble de la situation de M. A... a été effectué au regard du huitième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce motif atteste donc que le préfet a pris en compte, dans l'examen de la situation de l'intéressé, l'ensemble des critères prévus par cet alinéa. Cette décision se fonde également sur la faible durée de présence sur le territoire français de M. A... et l'absence de liens avec la France, et sur ce que la durée de l'interdiction de retour d'un an ne porte pas au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, cette décision satisfait à l'exigence de motivation prescrite par les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

18. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 11, la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, d'autant plus qu'une telle mesure peut être abrogée à tout moment par l'administration, notamment sur la demande de l'étranger résidant hors de France. Par suite, elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

19. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1901221 du 23 septembre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Limoges et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme B..., présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 novembre 2020.

Le président-assesseur,

Dominique FerrariLa présidente-rapporteure,

Evelyne B... Le greffier,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX01073


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01073
Date de la décision : 10/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Evelyne BALZAMO
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : OUANGARI

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-10;20bx01073 ?
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