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10/11/2020 | FRANCE | N°20BX00704

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 10 novembre 2020, 20BX00704


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... G... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2019 par lequel le préfet de la Gironde a décidé sa remise aux autorités italiennes ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il a été assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours dans le département de la Gironde.

Par un jugement n° 1904594 du 19 septembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure d

evant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 février 2020, M. G..., représenté par Me F...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... G... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2019 par lequel le préfet de la Gironde a décidé sa remise aux autorités italiennes ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il a été assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours dans le département de la Gironde.

Par un jugement n° 1904594 du 19 septembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 février 2020, M. G..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux du 19 septembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2019 par lequel le préfet de la Gironde a décidé sa remise aux autorités italiennes ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il a été assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours dans le département de la Gironde.

3°) d'enjoindre au préfet, d'une part, de lui remettre son titre de séjour italien délivré le 11 septembre 2018 et son document de voyage délivré le 27 décembre 2018 et, d'autre part, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour et de procéder à un nouvel examen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de son conseil à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de réadmission vers l'Italie :

- elle est insuffisamment motivée ;

- le premier juge n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure au regard de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 311-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il est titulaire d'un titre de séjour italien et est entré en France le 1er juillet 2019 ; ainsi, à la date de son interpellation, le 12 juillet 2019, il était présent en France depuis moins de trois mois ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

- elle est entachée d'un vice de procédure au regard de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est illégale par exception d'illégalité de la décision de réadmission vers l'Italie.

M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2020.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. E... D..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. G..., né le 15 mai 1986, de nationalité congolaise, est titulaire d'un titre de séjour italien en qualité de réfugié politique, qui lui a été remis en 2013 et qui est valable jusqu'au 10 août 2023. Il est entré en France, selon ses déclarations, le 1er juillet 2019 et à la suite d'un accident de la circulation, le 12 septembre 2019, il a été interpellé par les services de gendarmerie de Lacanau qui, dans le cadre de l'examen de sa situation, ont constaté que l'intéressé travaillait sans autorisation. En conséquence, par deux arrêtés du 12 septembre 2019, le préfet de la Gironde a prononcé, d'une part, sa remise aux autorités italiennes et, d'autre part, son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours dans le département de la Gironde. M. G... relève appel du jugement du 19 septembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté son recours contre ces deux arrêtés.

Sur la régularité du jugement :

2. A l'appui de sa demande, M. G... soutenait notamment que la décision ordonnant sa remise aux autorités italiennes était entachée d'un vice de procédure au regard de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen qui n'était pas inopérant et qu'il a visé dans son jugement. Par suite, son jugement est irrégulier et doit être annulé dans cette mesure.

3. Il y a lieu pour la cour de statuer immédiatement, par voie d'évocation, sur les conclusions à fin d'annulation présentées par M. G... devant le tribunal administratif de Bordeaux et tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2019 par lequel le préfet de la Gironde a prononcé sa remise aux autorités italiennes, et de se prononcer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur le surplus des conclusions de la requête.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté portant remise aux autorités italiennes :

4. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise les articles 5, 19, 20 et 21 de la convention Schengen et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui en constituent le fondement, et notamment les articles L. 211-1, L.311-1, L. 531-1 et L. 531-2. Il mentionne notamment que M. G..., en provenance directe d'un Etat partie à la convention de Schengen, ne peut justifier séjourner régulièrement sur le territoire français et qu'il travaille illégalement sur le territoire français en méconnaissance de l'article L. 5221-5 du code du travail. Par suite, cet arrêté comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivé.

5. En deuxième lieu, il ressort du procès-verbal d'audition par les services de gendarmerie le 12 septembre 2019 que M. G... a déclaré être en possession d'un titre de séjour en qualité de réfugié délivré par les autorités italiennes et a indiqué être entré en France le 1er juillet 2019 pour y travailler à la demande de son employeur, la société Ollytrans Express, en qualité de chauffeur livreur coursier. Il a également fait valoir n'avoir pas sollicité de titre de séjour en France, et n'a pas manifesté d'opposition à une éventuelle mesure d'éloignement. Dans ces conditions, M. G... doit être regardé comme ayant ainsi exercé son droit d'être entendu. Par ailleurs, il résulte des termes mêmes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la décision de remise aux autorités d'un Etat membre " peut être exécutée d'office par l'administration après que l'étranger a été mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix ". Ainsi, ces dispositions n'imposent pas de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations avant l'adoption de la décision de remise mais uniquement avant son exécution d'office. Or, en l'espèce, à la date de la décision attaquée aucune mesure d'exécution n'avait été prise. Dès lors le moyen selon lequel l'arrêté attaqué serait entaché d'un vice de procédure au regard de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article 5 de la convention d'application de l'accord Schengen : " 1. Pour un séjour n'excédant pas trois mois, l'entrée sur les territoires des Parties contractantes peut être accordée à l'étranger qui remplit les conditions ci-après : / a) Posséder un document ou des documents valables permettant le franchissement de la frontière, déterminés par le Comité exécutif ; / (...) / c) Présenter, le cas échéant, les documents justifiant de l'objet et des conditions du séjour envisagé et disposer des moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays de provenance ou le transit vers un Etat tiers dans lequel son admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens (...) ". Aux termes de l'article 21 de la même convention : " 1. Les étrangers titulaires d'un titre de séjour délivré par un des Etats membres peuvent, sous le couvert de ce titre ainsi que d'un document de voyage, ces documents étant en cours de validité, circuler librement pour une durée n'excédant pas trois mois sur toute période de six mois sur le territoire des autres Etats membres, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a), c) et e), et du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) et qu'ils ne figurent pas sur la liste de signalement nationale de l'Etat membre concerné ".

7. D'autre part, aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : (...) 3° Des documents nécessaires à l'exercice d'une activité professionnelle s'il se propose d'en exercer une. ". Aux termes de l'article L. 311-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France ou de l'article L. 121-1, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire de l'un des documents de séjour suivants : / 1° Un visa de long séjour (...) ; / 2° Un visa de long séjour, d'une durée maximale d'un an, conférant à son titulaire (...) les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle (...) / 3° Une carte de séjour temporaire (...) ; 4° Une carte de séjour pluriannuelle (...) ; / 5° Une carte de résident (...) ; / 6° Une carte de séjour portant la mention " retraité " (...) ". Aux termes de l'article L. 531-1 dudit code : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1 et L. 311-1 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne, en vigueur au 13 janvier 2009./ L'étranger visé au premier alinéa est informé de cette remise par décision écrite et motivée (...) ". Aux termes de l'article L. 531-2 du même code : " L'article L. 531-1 est applicable à l'étranger qui, en provenance du territoire d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, est entré ou a séjourné sur le territoire métropolitain sans se conformer aux dispositions des articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, ou 21, paragraphe 1 ou 2, de cette convention ou sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 5221-5 du code du travail : " un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnées au 2° de l'article L. 5221-2 ", c'est-à-dire " un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Cette règle s'applique aux ressortissants de pays tiers, en situation régulière dans un Etat membre de l'Union européenne, même dans le cas où ils séjournent en France pour une période inférieure à trois mois à compter de leur entrée en France.

8. Il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal d'audition de l'intéressé par les services de gendarmerie le 12 septembre 2019, que M. G... déclare être entré en France le 1er juillet 2019, en provenance d'Italie, pour y travailler à la demande de son employeur, la société Ollytrans Express, en qualité de chauffeur livreur coursier. S'il se prévaut d'un titre de séjour en qualité de réfugié politique, délivré par les autorités italiennes en 2013 et valable jusqu'en 2023, il est constant que M. G... travaille en France sans autorisation, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 5221-5 du code du travail et qu'il n'a pas effectué de démarche afin de régulariser sa situation administrative. Dans ces conditions, l'intéressé ne remplit pas la condition fixée par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par suite, le préfet de la Gironde a pu, sans entacher sa décision d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation, ordonner la remise de M. G... aux autorités italiennes sur le fondement de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté portant assignation à résidence :

9. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 du présent arrêt, M. G... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'un vice de procédure au regard de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. G... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué serait privé de base légale en raison de l'illégalité de l'arrêté portant remise aux autorités italiennes.

11. Il résulte de tout ce qui précède, que M. G... n'est pas fondé, d'une part, à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 12 septembre 2019 portant remise aux autorités italiennes et, d'autre part, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du même jour portant assignation à résidence. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1904594 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux du 19 septembre 2019 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 12 septembre 2019 portant remise aux autorités italiennes.

Article 2 : Les conclusions de première instance de M. G... dirigées contre l'arrêté portant remise aux autorités italiennes et le surplus des conclusions d'appel de M. G... sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... G... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme C... B..., présidente,

M. E... D..., président-assesseur,

M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 novembre 2020.

Le rapporteur,

Dominique D...

La présidente,

Evelyne B...

Le greffier,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX00704


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00704
Date de la décision : 10/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Dominique FERRARI
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SAMB-TOSCO

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-10;20bx00704 ?
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