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02/11/2020 | FRANCE | N°20BX01673

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 02 novembre 2020, 20BX01673


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 30 décembre 2019 par lequel le préfet de la Gironde a ordonné son transfert aux autorités espagnoles.

Par un jugement n° 200154 du 27 janvier 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 février 2020, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler

ce jugement du 27 janvier 2020 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 décem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 30 décembre 2019 par lequel le préfet de la Gironde a ordonné son transfert aux autorités espagnoles.

Par un jugement n° 200154 du 27 janvier 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 février 2020, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 janvier 2020 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 décembre 2019 du préfet de la Gironde portant transfert aux autorités espagnoles ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde d'enregistrer sa demande d'asile et de lui remettre une attestation de demande d'asile ainsi que le formulaire de demande d'asile à transmettre à l'Office français des réfugiés et apatrides, dans un délai de cinq jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et d'une erreur de droit ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il méconnait les dispositions de l'article 18 du règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 1er décembre 2000 ;

- le préfet de la Gironde a commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire application de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

Par un mémoire enregistré le 10 juin 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il indique que M. D... a été placé en " fuite " en application du règlement (UE) n° 604/2013, à la suite de deux absences consécutives aux convocations, et s'en rapporte, pour le surplus, à ses écritures de première instance.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 avril 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme F... G... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... D..., ressortissant tunisien, a déclaré être entré en France irrégulièrement le 26 août 2019 et s'est présenté à la préfecture de la Gironde le 12 septembre 2019 afin d'y déposer une demande d'asile. Le relevé de ses empreintes décadactylaires ayant révélé qu'il avait précédemment introduit une demande similaire en Espagne le 25 août 2019, les autorités de cet Etat ont été saisies le 8 novembre 2019 d'une demande de prise en charge sur le fondement de l'article 13-1 du règlement UE n°604-2013. Cette demande a été acceptée par une décision express du 3 décembre 2019. Par l'arrêté attaqué du 30 décembre 2019, la préfète de la Gironde a ordonné le transfert de M. D... aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile. M. D... relève appel du jugement du 27 janvier 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, M. D... se borne à reprendre en appel les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté litigieux, de son insuffisance de motivation, du défaut d'examen sérieux de sa situation et de la méconnaissance des dispositions de l'article 18 du règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Dans ces conditions il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge, d'écarter ces moyens.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application de ce règlement doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative du guide du demandeur d'asile prévu par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. D... s'est vu remettre le 12 septembre 2019, à l'occasion du dépôt de sa demande d'asile auprès de la préfecture de la Gironde, le guide du demandeur d'asile ainsi que les documents d'information A et B, intitulés respectivement " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", qui constituent la brochure commune prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement précité. Ces documents lui ont été remis en langue arabe, langue qu'il a déclaré comprendre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précités doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". Si la mise en oeuvre, par les autorités françaises, des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 doit être assurée à la lumière des exigences définies par les dispositions du second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, en vertu desquelles les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif, la faculté laissée à chaque État membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

7. M. D... se borne à fait valoir, sans assortir ses allégations de la moindre précision, qu'il a des attaches sur le territoire français et que son état de santé préoccupant empêche tout transfert vers l'Espagne. Ce faisant, il n'établit pas être exposé à des traitements inhumains ou dégradants en Espagne. Dès lors, le préfet n'a pas entaché la décision en litige d'une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas application des dispositions précitées de l'article 17-1 du règlement (UE) n° 604/2013.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 décembre 2019 par lequel le préfet de la Gironde a décidé son transfert aux autorités espagnoles. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'Intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme E... C..., présidente-assesseure,

Mme F... G..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 novembre 2020.

Le rapporteur,

Sylvie G...

Le président,

Dominique Naves

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 20BX01673


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01673
Date de la décision : 02/11/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

095-02-03-03-01


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : SCP ASTIE-BARAKE-POULET-MEYNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-02;20bx01673 ?
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