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19/10/2020 | FRANCE | N°18BX03158

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 19 octobre 2020, 18BX03158


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... J..., M. N... G..., Mme F... E... et M. O... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision retirant aux élus de La France Insoumise le statut de groupe au sein du conseil régional d'Occitanie.

Par une ordonnance n° 1801693 du 8 juin 2018, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête

et deux mémoires complémentaires enregistrés les 9 août 2018, 29 novembre 2018 et 30 novem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... J..., M. N... G..., Mme F... E... et M. O... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision retirant aux élus de La France Insoumise le statut de groupe au sein du conseil régional d'Occitanie.

Par une ordonnance n° 1801693 du 8 juin 2018, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires complémentaires enregistrés les 9 août 2018, 29 novembre 2018 et 30 novembre 2018, M. I... J..., M. N... G..., Mme F... E... et M. O..., représentés par Me K..., demandent à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Toulouse du 8 juin 2018 ;

2°) d'annuler la décision retirant aux élus de La France Insoumise le statut de groupe au sein du conseil régional d'Occitanie.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que le premier juge s'est fondé sur les dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter leur requête dès lors qu'il n'a ainsi pas tenu compte de la faculté qui leur était ouverte d'exciper de l'illégalité du règlement intérieur du conseil régional fixant un nombre minimal de conseillers pour la constitution d'un groupe politique ;

- la perte du statut de groupe politique procède de la seule décision de la présidente du conseil régional dont l'existence est révélée tant par les pourparlers engagés postérieurement au 22 décembre 2017 à l'issue desquels ils devaient être tenus informés de la décision de cette autorité de maintenir ou pas leur groupe politique que par les conséquences en résultant pour eux dès le mois de mars 2018 (calcul de leur temps de parole individuel lors de l'assemblée plénière du 23 mars 2018, modification des modalités de retrait de leur courrier, désactivation de leurs badges d'accès) ; le décalage de plusieurs mois contredit la thèse de la dissolution de plein droit du groupe politique ;

- la décision de retrait attaquée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ;

- elle est entachée d'erreur de droit ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de l'article 79 du règlement intérieur du conseil régional d'Occitanie.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 octobre 2018, la région Occitanie, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des appelants d'une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les appelants n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... B... ;

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public ;

- les observations de Me K..., représentant M. J... et autres et de Me H..., représentant la région Occitanie.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue des élections régionales des 6 et 13 décembre 2015, M. I... J..., M. N... G..., Mme F... E... et M. O..., adhérents du mouvement politique national La France Insoumise, ont été élus au sein du conseil régional de Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, devenu le conseil régional d'Occitanie, et ont choisi de siéger au sein du groupe politique dénommé M... en Commun, initialement composé d'un total de 25 membres. Par un courriel en date du 22 décembre 2017, les 21 autres membres de ce groupe politique ont, conformément à l'article 79 § a et d du règlement intérieur, porté à la connaissance de la présidente du conseil régional leur décision de démission dudit groupe et leur déclaration concomitante de création d'un nouveau groupe politique prenant le nom de M.... L'article 79 § b du règlement intérieur du conseil régional fixant à un minimum de sept membres le nombre d'élus requis pour former un groupe politique, MM. J..., G..., L... et A... E... ont cessé de bénéficier des droits attachés à l'appartenance à un tel groupe. Ainsi, par un courriel en date du 19 mars 2018, ils ont été informés de ce qu'ils se trouvaient considérés comme élus non-inscrits pour le calcul de leur temps de parole individuel pour l'assemblée plénière du conseil régional du 23 mars 2018.

2. Estimant que la présidente du conseil régional d'Occitanie leur avait retiré le statut de groupe politique, MM. J..., G..., L... et A... E... ont saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une requête tendant à l'annulation de cette décision de retrait. Par une ordonnance n° 1801693 du 8 juin 2018, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté ce recours comme manifestement irrecevable, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, au motif qu'il était dirigé contre une décision inexistante. MM. J..., G..., L... et A... E... relèvent appel de cette ordonnance.

3. Les appelants soutiennent que leur demande devant le tribunal administratif ne pouvait être regardée comme manifestement irrecevable puisque l'existence de la décision non formalisée retirant aux élus de La France Insoumise le statut de groupe au sein du conseil régional d'Occitanie est révélée tant par l'engagement de pourparlers portant sur le maintien de leur groupe politique que par les conséquences qu'elle a emportées relativement au calcul de leur temps de parole individuel lors de l'assemblée plénière du 23 mars 2018, à la modification des modalités de retrait de leur courrier et à la désactivation de leurs badges d'accès.

4. D'une part, en vertu du deuxième alinéa de l'article 72 de la Constitution du 4 octobre 1958, les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi. L'article L. 4132-6 du code général des collectivités territoriales dispose que : " Le conseil régional établit son règlement intérieur dans les trois mois qui suivent son renouvellement. (...) Le règlement intérieur détermine les droits des groupes d'élus régulièrement constitués (...) ". Le deuxième alinéa de l'article L. 4132-23 du même code prévoit que : " Dans ces mêmes conseils régionaux, les groupes d'élus se constituent par la remise au président du conseil régional d'une déclaration, signée de leurs membres, accompagnée de la liste de ceux-ci et de leur représentant (...) ". Ces dernières dispositions n'ont pour objet que de permettre de porter à la connaissance du président du conseil régional les différents groupes d'élus, constitués selon les règles définies par l'assemblée délibérante, notamment pour que ceux-ci puissent être pris en compte dans la répartition des moyens matériels et humains dont l'ensemble des groupes d'élus peuvent bénéficier.

5. D'autre part, l'article 79 du règlement intérieur du conseil régional d'Occitanie, pris sur le fondement de ces dispositions combinées, prévoit que : " a) Les groupes politiques se constituent librement en remettant au/à la présidente du conseil régional une déclaration politique signée de l'ensemble de leurs membres (...) / b) Le nombre d'élus/es minimum nécessaire pour former un groupe politique est fixé à 4 % du nombre de sièges de l'assemblée, soit sept membres. (...) / d) Les modifications de la composition d'un groupe politique sont portées à la connaissance du/de la présidente du conseil régional par une déclaration écrite : - Sous la signature du/de la conseiller/e intéressé/e s'il s'agit d'une démission du groupe (...) / Le/la président/e du conseil régional donne connaissance de ces modifications au plus tôt à chaque président/e de groupe politique et les communique également lors de la plus proche séance de l'assemblée plénière (...) ".

6. Il résulte de la combinaison de l'ensemble de ces dispositions que la démission de membres d'un groupe d'élus de telle sorte que le nombre d'élus restants devient inférieur au nombre minimum de conseillers régionaux prévu par le règlement intérieur pour constituer un groupe d'élus entraîne la dissolution de plein droit de ce groupe d'élus, dont le président du conseil régional se borne à prendre acte et à tirer les conséquences en ce qui concerne la reconnaissance des droits des conseillers régionaux liés à l'appartenance à un groupe d'élus. La circonstance que le président du conseil régional ne tirerait qu'avec retard les conséquences de cette dissolution de plein droit est à cet égard sans incidence sur l'absence d'acte décisoire de cette autorité.

7. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent MM. J..., G..., L... et A... E..., la circonstance que les services de la région Occitanie, dans un courriel du 19 mars 2018, les ont informés de ce qu'ils étaient élus non-inscrits pour le calcul de leur temps de parole individuel pour l'assemblée plénière du conseil régional du 23 mars 2018 et, ont tiré, au cours du mois de mars 2018, les conséquences de la dissolution de plein droit du groupe politique dénommé M... en Commun à raison de la démission de 21 de ses membres le 22 décembre 2017, notamment pour le calcul du temps de parole individuel des quatre appelants pour l'assemblée plénière du conseil régional du 23 mars 2018, ne saurait révéler une décision de la présidente du conseil régional d'Occitanie retirant aux intéressés, adhérents du mouvement politique national La France Insoumise, le statut de groupe politique au sein dudit conseil régional.

8. Il résulte de tout ce qui précède que MM. J..., G..., L... et A... E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Sur les frais liés au litige :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

10. Il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de MM. J..., G..., L... et A... E... une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par la région Occitanie et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de MM. J..., G..., L... et A... E... est rejetée.

Article 2 : MM. J..., G..., L... et A... E... verseront à la région Occitanie une somme globale de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... J..., à M. N... G..., à Mme F... E..., à M. O... et à la région Occitanie.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme D... B..., présidente-assesseure,

Mme Déborah De Paz, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 octobre 2020.

Le rapporteur,

Karine B...Le président,

Dominique Naves

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au préfet de la région Occitanie et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 18BX03158 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03158
Date de la décision : 19/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-04-01-02-03 Collectivités territoriales. Région. Organisation de la région. Organes de la région. Dispositions relatives aux conseillers régionaux.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Karine BUTERI
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : CHAMBARET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-19;18bx03158 ?
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