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15/10/2020 | FRANCE | N°20BX00049

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 15 octobre 2020, 20BX00049


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 1905464 du 10 décembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a reje

té sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complément...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 1905464 du 10 décembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 9 janvier, 10 mars et 30 juillet 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 10 décembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 10 septembre 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'alinéa 2 de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble, il est entaché d'une erreur d'appréciation de son état de santé ;

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dans la mesure où il ne s'est pas vu remettre la notice explicative prévue par l'article 1er de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que son droit à être entendu préalablement à la décision en litige a été méconnu ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'un défaut d'examen particulier de sa situation dans la mesure où le préfet n'a pas examiné sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il n'a pas tenu compte de ses courriers des 1er octobre 2018 et 14 janvier 2019 ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- son droit à être entendu préalablement à cette décision a été méconnu ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est insuffisamment motivée ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- son droit à être entendu préalablement à la décision en litige a été méconnu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2020, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par lettres en date du 29 mai 2020, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le jugement attaqué a été rendu dans une formation irrégulière dès lors que les dispositions de l'article L 512-1 ne permettent pas au président du tribunal administratif ou au magistrat qu'il désigne à cette fin de statuer seul sur les décisions portant refus de séjour qui ne sont pas concomitantes à un refus d'asile.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 avril 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

-l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. E... A..., né le 5 mai 1982, ressortissant congolais, déclare être entré en France le 19 février 2012. Après que sa demande d'asile a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile, il a fait l'objet de plusieurs décisions de refus de séjour assorties d'obligations de quitter le territoire français auxquelles il s'est toutefois soustrait. Par arrêté du 10 septembre 2019, le préfet de la Haute-Garonne a, pour la troisième fois, refusé de lui délivrer un titre de séjour à raison de son état de santé, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de six mois. M. A... relève appel du jugement du 10 décembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile l'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant, au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1 du même code, en particulier lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : " 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6°. (...). ".

3. D'autre part, les dispositions du I et du I bis de l'article L. 512-1 du même code définissent deux régimes contentieux distincts applicables à la contestation par un étranger de l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français. Aux termes du I : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou sur le fondement de l'article L. 511-3-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 ou au sixième alinéa de l'article L. 511-3-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. (...). ". Aux termes du I bis : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article L. 511-1 peut, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. / La même procédure s'applique lorsque l'étranger conteste une obligation de quitter le territoire fondée sur le 6° du I dudit article L. 511-1 et une décision relative au séjour intervenue concomitamment. Dans cette hypothèse, le président du tribunal administratif ou le juge qu'il désigne à cette fin statue par une seule décision sur les deux contestations. (...). ".

4. Il résulte de ces dispositions que la contestation d'une décision relative au séjour intervenue concomitamment à une obligation de quitter le territoire français elle-même consécutive à une décision portant refus d'asile et régulièrement prise sur le fondement des dispositions précitées du 6° du I de l'article L. 511-1 suit le régime contentieux applicable à cette obligation de quitter le territoire, alors même qu'elle a pu être prise également sur le fondement du 3° du I de cet article. Dès lors, en application des dispositions également précitées du I bis de l'article L. 512-1, le président du tribunal administratif ou le juge qu'il désigne à cette fin est compétent pour statuer par une seule décision sur la légalité de ces deux décisions.

5. En l'espèce et ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, il ressort des pièces du dossier qu'à à la suite du rejet définitif de sa demande d'asile, l'appelant a sollicité la délivrance de titres de séjour en raison et qu'il a fait l'objet de plusieurs arrêtés lui refusant le séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire national. Dans ces conditions, le préfet ne pouvait plus fonder la décision litigieuse lui faisant obligation de quitter le territoire sur les dispositions précitées du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais seulement sur les dispositions également précitées du 3° du même article, ce qu'au demeurant, il a également fait. Par suite, la situation de l'appelant n'entrant pas dans les prévisions également précitées de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile donnant compétence au président du tribunal administratif ou au juge qu'il désigne à cette fin pour statuer sur la légalité des décisions litigieuses, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué comme rendu par une formation de jugement irrégulière.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour la cour de statuer, par voie d'évocation, sur les conclusions présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Bordeaux et devant la cour.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :

7. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. (...) ".

8. Le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, le 7 novembre 2018, que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait cependant pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que, au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, il peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour contredire cet avis, l'appelant se borne à produire deux certificats médicaux, établis les 4 octobre 2019 et 21 février 2020 par un médecin-psychiatre, rédigés en des termes largement identiques et dont il ressort qu'il souffre d'un syndrome de stress post-traumatique et dépressif pour lesquels il bénéficie d'un suivi et d'un traitement réguliers. Toutefois, ces certificats ne permettant pas à eux seuls, eu égard, en particulier au caractère particulièrement conditionnel du risque d'aggravation de l'état de santé qu'ils mentionnent, de remettre en cause l'avis précité du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de justice administrative.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

9. En premier lieu, la décision refusant le séjour à M. A... comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, elle est suffisamment motivée au regard des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui dépose une demande de délivrance ou de renouvellement d'un document de séjour pour raison de santé est tenu, pour l'application des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de faire établir un certificat médical relatif à son état de santé par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier. / À cet effet, le préfet du lieu où l'étranger a sa résidence habituelle lui remet un dossier comprenant une notice explicative l'informant de la procédure à suivre et un certificat médical vierge, dont le modèle type figure à l'annexe A du présent arrêté ". Aux termes de l'article 2 de cet arrêté : " Le certificat médical, dûment renseigné et accompagné de tous les documents utiles, est transmis sans délai, par le demandeur, par tout moyen permettant d'assurer la confidentialité de son contenu, au service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'adresse a été préalablement communiquée au demandeur. ". Aux termes, enfin, de l'article 3 du même arrêté : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté ".

11. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

12. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A... a transmis au service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le certificat médical qui lui a été remis après que celui-ci a été dûment renseigné et accompagné des documents utiles puis que le médecin de l'office a établi le rapport prévu à l'article 3 du même arrêté au vu de ce certificat et de ces pièces. Dans ces conditions, la circonstance que le requérant n'ait pas été destinataire de la notice explicative mentionné au point 10 n'a pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision attaquée et n'a pas privé le requérant d'une garantie. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de séjour serait intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté.

13. En troisième lieu, lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. À l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A... a adressé des observations écrites à la préfecture le 1er octobre 2018 et le 14 janvier 2019. Ainsi, la seule circonstance que M. A... n'a pas été invité à formuler des observations avant l'édiction de la décision en litige n'est pas de nature à permettre de le regarder comme ayant été privé de son droit à être entendu. Par suite, M. A... qui, au demeurant, n'apporte aucune précision au sujet des éléments qu'il aurait pu porter à la connaissance de l'administration s'il avait été invité à le faire, n'est dès lors pas fondé à soutenir que la décision litigieuse aurait méconnu son droit à être entendu.

14. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans ou qui sollicite un titre de séjour en application de l'article L. 311-3, est tenu de se présenter, à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de titre de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient. / Toutefois, le préfet peut prescrire que les demandes de titre de séjour soient déposées au commissariat de police ou, à défaut de commissariat, à la mairie de la résidence du requérant. Le préfet peut également prescrire : 1° Que les demandes de titre de séjour appartenant aux catégories qu'il détermine soient adressées par voie postale ; (...) ".

15. Il ressort des pièces du dossier que, par deux courriers du 1er octobre 2018 et du 14 janvier 2019, dont le préfet a accusé réception les 3 octobre 2018 et 15 janvier 2019, M. A... a adressé à la préfecture de la Haute-Garonne une demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, M. A..., ainsi qu'il le reconnaît dans ses écritures, ne s'est pas personnellement présenté à la préfecture, et il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne aurait prescrit que les demandes de titre de séjour pussent lui être adressées par voie postale. Ainsi, cette demande ne pouvait, en tout état de cause, être prise en compte à la date de la décision en litige. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit et aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier de la situation de l'appelant en s'abstenant d'examiner cette situation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

16. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 13, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit d'être entendu préalablement à la décision litigieuse doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

17. La décision fixant le pays de renvoi vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Après avoir rappelé que sa demande d'asile a été définitivement rejetée le 12 novembre 2013 par la Cour nationale du droit d'asile, la décision attaquée affirme que M. A... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, cette décision est suffisamment motivée.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

18. En premier lieu et aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...). / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

19. Il ressort de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour fixer la durée de l'interdiction de retour assortissant l'obligation de quitter le territoire français tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

20. Il incombe ainsi à l'autorité compétente de faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

21. En l'espèce, la décision contestée, après avoir visé les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle fait application, indique que l'examen de la situation de M. A... a été effectué relativement au prononcé et à la durée de l'interdiction de retour, " au regard notamment du huitième alinéa " du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, c'est-à-dire des quatre critères évoqués aux points précédents. La décision contestée rappelle, outre que son comportement ne constitue pas une menace à l'ordre public, que si l'intéressé est en France depuis 2012, il a fait l'objet de mesures d'éloignement en 2014 non exécutées alors que la légalité de ces décisions a été confirmée par les juridictions administratives, que la nature et l'ancienneté de ses liens ne sont pas établis en France et qu'il est célibataire. Ainsi, cette décision est suffisamment motivée au regard des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du même code. Par suite, ce moyen doit être écarté.

22. En second lieu, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne [C-166/13 du 5 novembre 2014 et C-249/13 du 11 décembre 2014], une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision.

En l'espèce, M. A... se borne à soutenir que son droit d'être entendu a été méconnu, sans préciser en quoi il disposait d'informations pertinentes tenant à sa situation personnelle qu'il a été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la décision contestée et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à celle-ci. En outre, et ainsi qu'il a déjà été dit au point 6, il ressort des pièces du dossier que M. A... a adressé des observations écrites à la préfecture le 1er octobre 2018 et le 14 janvier 2019. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit à être entendu préalablement à la décision litigieuse doit être écarté.

23. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 10 septembre 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'alinéa 2 de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 10 décembre 2019 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse et devant la cour est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme D..., présidente-assesseure,

M. Manuel B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.

Le rapporteur,

Manuel B...Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 20BX00049


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX00049
Date de la décision : 15/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : CHAMBARET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-15;20bx00049 ?
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