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15/10/2020 | FRANCE | N°18BX04004

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 15 octobre 2020, 18BX04004


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Bayonnaise des viandes a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de son exercice clos le 31 décembre 2011.

Par un jugement n° 1700367 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2018 et deux mémoires, enregistrés l

es 30 janvier et 7 février 2020, la société Bayonnaise des viandes, représentée par Me A..., demandent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Bayonnaise des viandes a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de son exercice clos le 31 décembre 2011.

Par un jugement n° 1700367 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2018 et deux mémoires, enregistrés les 30 janvier et 7 février 2020, la société Bayonnaise des viandes, représentée par Me A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 4 octobre 2018 ;

2°) de prononcer la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de son exercice clos le 31 décembre 2011.

Elle soutient que :

* la valeur vénale de l'ensemble de biens immobiliers qu'elle a cédé à son actionnaire principal doit être fixée à la somme de 309 738 euros ;

* il n'est pas établi qu'elle aurait commis un manquement délibéré à ses obligations fiscales.

Par des mémoires, enregistrés les 7 juin 2019 et 3 septembre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... D...,

- les conclusions de Mme Aurélie Chauvin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 24 mars 2011, la société Bayonnaise des viandes a cédé à son gérant et associé majoritaire, M. C..., un ensemble de biens immobiliers en contrepartie du rachat de 2011 parts sociales de la société appartenant à ce dernier et dont la valeur a été évaluée à 174 957 euros. Le 30 mars suivant, l'assemblée générale extraordinaire de la société Bayonnaise des Viandes a décidé d'une augmentation de capital d'un montant de 30 870,62 euros par création de 2011 parts sociales nouvelles d'une valeur nominale de 15, 35 euros souscrites par M. C....

À l'issue de la vérification de comptabilité dont cette société a fait l'objet, l'administration a considéré que le prix de cession de cet ensemble de biens immobiliers était sensiblement inférieur à sa valeur vénale réelle qu'elle a, en définitive, fixée à la somme de 502 800 euros conformément à l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires au vu de l'évaluation établie par un expert agréé agricole et foncier missionné par la société Bayonnaise des ventes. Cette dernière société demande à la cour d'annuler le jugement du 4 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes tendant à la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de son exercice clos le 31 décembre 2011.

Sur la valeur vénale des biens cédés :

2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, rendu applicable en matière

d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d 'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d 'éléments quelconques de l 'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation (...) ".

3. En vertu de ces dispositions, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Le fait, pour une entreprise, de céder des éléments de son actif immobilisé à un prix inférieur à leur valeur vénale ne relève pas, en règle générale, d'une gestion normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant un tel avantage, l'entreprise a agi dans son propre intérêt. Les minorations du prix de cession d'un élément de l'actif peuvent conduire, lorsqu'elles ne relèvent pas d'une gestion normale pour l'application des articles 38 et 209 du code général des impôts ou constituent des bénéfices indirectement transférés au sens de l'article 57 du même code, à un rehaussement, à concurrence de l'insuffisance du prix stipulé, du bénéfice de la société cédante, imposable dans les conditions de droit commun prévues par ces dispositions. Par ailleurs, la valeur vénale d'un bien doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue.

4. La société appelante soutient que, pour évaluer la valeur vénale de l'ensemble immobilier dont s'agit, composé, d'une part, d'un corps de ferme ayant une superficie de 806 m² sur un terrain de 2 898 m², de parcelles d'une superficie globale supérieure à 2 ha, classées en zone 2AUy et, par suite, destinées à accueillir des activités industrielles, commerciales ou artisanales, de prairies, de bois et de taillis d'une superficie supérieure à 16 ha et d'un bâtiment agricole (119 m²), tous situés sur la commune de Mouguerre et, d'autre part, de prairies, de bois et de taillis d'une superficie de près de 5 ha situés sur la commune d'Espelette, l'expert qu'elle a elle-même missionné a omis de tenir compte des dépréciations liées au déclassement de fait des zones urbanisables, de l'existence de projets d'infrastructures routières et ferroviaires au confluent de la propriété de Mouguerre, de la location, en résidence principale, du corps de ferme et, enfin, de l'abattement relatif à la cession en bloc de l'ensemble des biens concernés.

5. En premier lieu, ni le projet de ligne ferroviaire à grande vitesse, dont le tracé placerait la propriété située à Mouguerre en bordure extérieure du faisceau ni celui d'une mise aux normes autoroutières de la route départementale RD1, laquelle ne dessert au demeurant pas la propriété, ne présentaient de caractère certain au mois de mars 2011. D'autre part, la société Bayonnaise des viandes ne produit aucun élément permettant de considérer que l'existence de ces projets ou la proximité immédiate de la bretelle d'accès à l'autoroute A64 entraîneraient une dépréciation significative de la valeur vénale de cette propriété par rapport à l'évaluation retenue par l'expert, lequel a tenu compte des nuisances sonores engendrées tant par la proximité de l'autoroute que par l'existence d'un couloir aérien. En particulier, la circonstance que la société ASF/Vinci ait, en 2015, souhaité acquérir les parcelles AL 268 ; 270, 273 et 276 pour une surface totale de 2 774 m2 au prix de 2,42 euros par m2, offre que M. C... a au demeurant refusée, ne permet pas de considérer que l'évaluation de ces mêmes parcelles à 5,40 euros du m² par l'expert serait significativement trop élevée.

6. En deuxième lieu, si, par un ordre de service du 2 juillet 2009, la communauté de communes Nive-Adour a résilié le marché d'études et de maîtrise d'oeuvre relatif à l'aménagement économique de la zone d'activité de Bordenave en raison de l'impossibilité pour la communauté de communes de financer les travaux correspondants et si, par une lettre datée du 5 avril 2016, la commune de Mouguerre a précisé que l'aménagement économique du secteur était " inenvisageable " et que l'ensemble du secteur Bordenave serait, à terme, reclassé en zone A ou N sans possibilité de constructions, ces documents, dont le premier ne présentait aucun caractère public et dont le second a été rédigé plus de cinq années après la cession des parcelles classées en zone 2AUy, ne permettent pas de considérer qu'à la date de cette cession, la valeur de ces parcelles était significativement inférieure à l'évaluation retenue par l'expert, lequel a d'ailleurs pratiqué deux réfactions successives de 10 % sur la valeur vénale de ces parcelles en raison, précisément des incertitudes liées à la réalisation des travaux d'aménagement de la zone d'activité.

7. En troisième lieu, la circonstance qu'une partie du corps de ferme situé à Mouguerre, d'une surface totale de 806 m², soit louée à titre de résidence principale pour un loyer mensuel de 300 euros ne permet pas à elle seule de considérer qu'il y a lieu d'appliquer une décote supplémentaire à la valeur vénale de ce corps de ferme dès lors, en particulier, que cette location ne porte que sur un appartement de 90 m2 situé au premier étage avec accès à un garage mais sans jouissance des terrains attenants et que l'expert a déjà pratiqué sur la valeur de ce logement deux abattements successifs de 50 % et 20 % pour vétusté.

8. En quatrième et dernier lieu, si la vente en bloc et immédiate d'un ensemble immobilier à un seul acquéreur peut justifier, selon les circonstances, une décote sur le prix de vente, il n'y a pas lieu de pratiquer une telle décote sur la valeur vénale des parcelles situées à proximité immédiate du corps de ferme et dont l'étendue et la compacité sont au contraire de nature à augmenter la valeur vénale d'une propriété à vocation agricole tandis que la situation éloignée des parcelles situées sur la commune d'Espelette, qui constituent des terres situées en zone agricole protégée compte tenu de leur valeur agricole et dont la valeur vénale à dire d'expert n'excède pas 17 400 euros, n'est pas de nature à modifier significativement l'estimation retenue à l'issue d'une expertise qui n'était pas contradictoire mais a été diligentée pour le seul compte de la société Bayonnaise des viandes.

9. Il résulte de ce qui précède que la société appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à ce que la valeur vénale réelle de l'ensemble immobilier qui leur a été cédé soit réduite de 502 800 à 309 738 euros.

Sur les pénalités appliquées :

10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Pour établir la mauvaise foi du contribuable, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

11. En l'occurrence, eu égard au caractère particulièrement substantiel de la minoration du prix de cession de l'ensemble immobilier dont s'agit, dont la valeur vénale réelle est, selon l'expert que la société appelante a elle-même choisi, près de trois fois supérieure à celle qu'elle a déclarée et dont elle considère elle-même, aux termes de ses écritures, qu'elle est effectivement près de deux fois supérieure à cette valeur déclarée, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que la société Bayonnaise des viandes ne pouvait ignorer qu'elle cédait ainsi des éléments de son actif immobilisé à un prix inférieur à leur valeur vénale et qu'elle a donc sciemment omis de déclarer au titre de son bénéfice imposable. À cet égard, la société appelante ne peut utilement soutenir, eu égard à l'importance de la libéralité qu'elle a consentie à son actionnaire principal, que la valeur vénale de l'ensemble immobilier dont s'agit était délicate à évaluer en se bornant à se prévaloir de l'évaluation initialement retenue par l'administration, à faire état de deux cessions de propriétés agricoles dont il n'est aucunement établi qu'elles auraient présenté des caractéristiques comparables et, enfin, à soutenir que son commissaire aux comptes n'y a pas décelé d'acte anormal de gestion.

12. Dans ces conditions, la société appelante n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à la décharge des pénalités pour manquement délibéré dont ils ont fait l'objet.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Bayonnaise des viandes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à obtenir la réduction du supplément d'impôt sur les sociétés litigieux.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Bayonnaise des viandes et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme E..., présidente-assesseure,

M. B... D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.

Le rapporteur,

Manuel D...

Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°18BX04004


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX04004
Date de la décision : 15/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : BONNET ANDRE 64

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-15;18bx04004 ?
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