Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... G... a demandé au tribunal administratif de Pau, d'une part de condamner la commune d'Arudy à lui verser la somme de 28 500 euros au titre du préjudice ayant résulté selon elle de la concurrence déloyale causée par l'aire de stationnement pour camping-cars créée par cette commune sur son territoire, d'autre part d'annuler la décision du 14 juin 2016 par laquelle le maire d'Arudy a rejeté sa demande du 25 avril 2016 tendant à la fermeture de cette aire de stationnement et, enfin, d'enjoindre à la commune d'Arudy de prendre une décision administrative de fermeture définitive de ladite aire de stationnement.
Par un jugement n° 1601498 du 6 avril 2018, le tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés respectivement le 4 juin 2018 et 23 janvier 2020, Mme E... G..., représentée par Me A..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du 6 avril 2018 du tribunal administratif de Pau ;
2°) de mettre à la charge de la commune d'Arudy la somme de 51 025,44 euros au titre du préjudice ayant résulté selon elle de la concurrence déloyale causée par l'aire de stationnement pour camping-cars créée par cette commune sur son territoire ;
3°) d'annuler la décision du 14 juin 2016 par laquelle le maire d'Arudy a rejeté sa demande du 25 avril 2016 tendant à la fermeture de cette aire de stationnement ;
4°) d'enjoindre à la commune d'Arudy de prendre une décision administrative de fermeture définitive de ladite aire de stationnement pour camping-cars, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de la commune d'Arudy la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
6°) de condamner la commune d'Arudy aux entiers dépens, s'agissant notamment du coût des constats d'huissier en date des 16 octobre 2013, 8 novembre 2016, 12 juin 2017 et 15 mai 2018.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Pau, elle a bien demandé au maire de la commune d'Arudy, dans son courrier du 14 juin 2016, de procéder à la fermeture de l'aire de camping-cars créée sur le territoire de cette commune ; elle a en outre formulé des moyens à l'appui de ses conclusions dirigées contre cette décision ; par suite, lesdites conclusions, de même que ses conclusions en injonction, étaient recevables ;
- la commune a créé une aire de camping-cars qui concurrence la sienne ; la responsabilité pour faute de la commune est engagée au titre de l'activité économique ainsi créée, en l'absence de toute carence de l'initiative privée ;
- la responsabilité sans faute de la commune est également, engagée au titre du préjudice anormal et spécial qu'elle subit du fait de la création et du fonctionnement de cette aire d'accueil de camping-cars.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 août 2019, la commune d'Arudy conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la condamnation de Mme G... à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa responsabilité pour faute ne saurait être engagée dès lors qu'elle ne peut être regardée comme un opérateur économique venant concurrencer Mme G... ;
- le maire d'Arudy ne peut interdire à des camping-caristes de stationner sur son territoire sauf à justifier de circonstances spécifiques ; la borne de vidange en litige a été installée dans un but de salubrité publique ;
- le préjudice allégué par la requérante n'est pas établi, de même que l'existence d'un lien de causalité entre ce préjudice et la présence, sur le territoire de la commune d'Arudy, d'une borne de vidange destinée aux camping-cars.
Par ordonnance du 13 mars 2020, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 29 avril 2020 à 12:00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... F...,
- et les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. Mme G... exploite depuis 2002 une aire de repos et de services pour camping-cars sur le territoire de la commune de Sévignacq-Meyracq, dénommée " Aire du Gave d'Ossau ". Au cours de l'année 2006, la commune voisine d'Arudy a installé sur le terrain du camping municipal, situé à proximité du terrain de Mme G..., sur la rive opposée de la Gave d'Ossau, une borne de vidange destinée aux camping-cars. Mme G..., imputant au camping et à cette borne la baisse de son chiffre d'affaires, s'est, au cours de l'année 2012, rapprochée de la commune d'Arudy pour tenter de trouver une solution. En l'absence d'accord des deux parties sur l'origine des difficultés rencontrées par Mme G..., celle-ci a, par courrier du 25 avril 2016, demandé à la commune d'Arudy, d'une part de fermer définitivement l'aire de camping-cars située sur son territoire et, d'autre part, de lui verser la somme de 38 000 euros au titre du préjudice subi. Mme G... relève appel du jugement du 6 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 juin 2016 par laquelle le maire d'Arudy a rejeté sa demande de fermeture de l'aire d'accueil pour camping-cars créée sur le territoire de la commune, et à la condamnation de celle-ci à lui verser la somme de 28 500 euros en réparation du préjudice subi.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement (...) en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter les conclusions de Mme G... dirigées contre la décision expresse ayant rejeté sa demande de fermeture de l'aire permettant l'accueil des camping-cars sur le territoire de la commun d'Arudy, ainsi que ses conclusions à fin d'injonction, le tribunal administratif de Pau a jugé qu'elles étaient irrecevables, faute, pour l'intéressée, d'avoir sollicité une telle fermeture dans sa demande du 25 avril 2016, et d'avoir invoqué, dans sa requête, des moyens à l'encontre de la décision de rejet attaquée, à supposer qu'une telle décision soit effectivement née. Or, alors que cette fin de non-recevoir n'avait pas été soulevée par la commune d'Arudy, il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal ait informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative cité ci-dessus, de ce que sa décision serait susceptible d'être fondée sur ce moyen. Par suite, Mme G... est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué qu'en tant qu'il a jugé irrecevables ses conclusions en annulation de la décision de rejet de sa demande tendant à que la commune d'Arudy procède à la fermeture de l'aire d'accueil des camping-cars existant sur son territoire et ses conclusions à fin d'injonction.
4. Il revient dès lors à la cour de statuer sur lesdites conclusion par la voie de l'évocation, et, pour le surplus, de statuer par la voie de l'effet dévolutif de l'appel.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la responsabilité pour faute de la commune d'Arudy :
5. En premier lieu, les personnes publiques sont chargées d'assurer les activités nécessaires à la réalisation des missions de service public dont elles sont investies et bénéficient à cette fin de prérogatives de puissance publique. En outre, si elles entendent, indépendamment de ces missions, prendre en charge une activité économique, elles ne peuvent légalement le faire que dans le respect tant de la liberté du commerce et de l'industrie que du droit de la concurrence. A cet égard, pour intervenir sur un marché, elles doivent, non seulement agir dans la limite de leurs compétences, mais également justifier d'un intérêt public, lequel peut résulter notamment de la carence de l'initiative privée. Une fois admise dans son principe, une telle intervention ne doit pas se réaliser suivant des modalités telles qu'en raison de la situation particulière dans laquelle se trouverait cette personne publique par rapport aux autres opérateurs agissant sur le même marché, elle fausserait le libre jeu de la concurrence sur celui-ci.
6. Il ressort des pièces du dossier que la commune d'Arudy exploitait sur son territoire, le long des rives de la Gave d'Ossau, un camping municipal, sur un vaste terrain accueillant également une aire de jeux, la piscine municipale, le centre d'incendie et de secours, le bâtiment des sapeurs-pompiers, ainsi que les ateliers municipaux. Au cours de l'année 2006, la commune a fait installer, sur le parking entourant ce corps de bâtiments, une borne de vidange et d'eau potable destinée aux camping-cars. Par la suite, le camping municipal a été transformé en " aire naturelle de camping ".
7. Mme G... a créé en 2002, sur l'autre rive de la Gave d'Ossau, sur le territoire de la commune de Sévignacq-Meyracq, une aire de vingt emplacements spécialement aménagée pour accueillir des camping-cars, où elle propose par ailleurs des services annexes tels qu'une laverie, la vente de produits régionaux, un dépôt de pain, etc.
8. Mme G... n'établit ni même n'allègue que le camping municipal d'Arudy, transformé par la suite en aire naturelle de camping, n'accueillait pas de camping-cars préalablement à l'installation de la borne de vidange en litige. Il résulte par ailleurs de l'instruction que cette borne de vidange a été installée afin de limiter les désagréments liés aux vidanges sauvages d'eaux usées sur le site et il n'est pas établi qu'à la suite de cette installation, l'aire naturelle de camping aurait accueilli un nombre accru de camping-cars. Dès lors, la seule implantation de cette borne, au cours de l'année 2006, ne permet pas de révéler que la commune d'Arudy aurait, à cette date, pris en charge une activité économique de gestion d'une aire d'accueil et de services destinée aux camping-cars, emportant intervention sur un marché. Par suite, la mise en place de cette borne sur le site du camping municipal existant, transformé en aire naturelle de camping, n'est contraire, ni au principe de liberté du commerce et de l'industrie, ni, en tout état de cause, au droit de la concurrence.
9. En deuxième lieu, si Mme G... soutient que le camping municipal a été créé sans autorisation et que l'aire naturelle de camping qui l'a remplacée fonctionne en méconnaissance des règles applicables à ce type de campings, elle ne l'établit pas.
En ce qui concerne la responsabilité sans faute de la commune d'Arudy :
10. Le maître d'un ouvrage public est responsable, même en l'absence de faute, des dommages qu'un tel ouvrage peut causer aux tiers tant en raison de son existence que de son fonctionnement. La mise en jeu de la responsabilité sans faute d'une collectivité publique à l'égard d'un justiciable qui est tiers par rapport à un ouvrage public est subordonnée à la démonstration, par cet administré, de l'existence d'un dommage anormal et spécial directement en lien avec cet ouvrage, sauf à ce que le dommage invoqué présente un caractère accidentel. Ne sont enfin pas susceptibles d'ouvrir droit à indemnité les préjudices qui n'excèdent pas les sujétions susceptibles d'être normalement imposées, dans l'intérêt général, aux riverains d'un ouvrage public.
11. En l'espèce, si Mme G... se prévaut de la création, en 2006, par la commune d'Arudy, d'une aire de camping-cars concurrençant directement la sienne, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée remet en cause, en réalité, le fonctionnement du camping municipal, transformé par la suite en " aire naturelle de camping ", qui comporte notamment un local sanitaire, des douches, un point de ravitaillement en eau en son milieu ainsi qu'une vingtaine d'emplacements au bord de la Gave d'Ossau, permettant l'accueil des camping-cars, et dont le règlement intérieur est affiché sur la porte du local sanitaire, situé à l'extrémité du bâtiment occupé par les sapeurs-pompiers. Or, et comme il a été dit plus haut, Mme G... n'établit ni même n'allègue que ce camping municipal aurait été créé postérieurement à l'ouverture de son aire d'accueil de camping-cars, ou qu'il n'aurait pas accueilli de camping-cars préalablement à l'installation de la borne de vidange en litige. A cet égard, elle fait d'ailleurs valoir que cette borne est peu utilisée, les vidanges des camping-cars étant, selon elle, réalisées la plupart du temps sur le grille d'évacuation des eaux pluviales située sur le parking. Dans ces conditions, en l'absence d'éléments permettant de conclure que l'installation de cette borne de vidange aurait été à l'origine d'un accroissement notable du nombre de stationnement de camping-cars à Arudy, Mme G... n'est pas fondée à soutenir que son installation a eu un impact sur sa propre d'activité d'accueil de camping-cars et lui a ainsi causé un préjudice anormal et spécial.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme G... n'établit pas que la responsabilité pour faute ou sans faute de la commune d'Arudy serait engagée à son égard du fait du fonctionnement du camping municipal, puis de l'aire naturelle de camping l'ayant remplacé, s'agissant plus particulièrement de l'implantation d'une borne de vidange destinée aux camping-cars, au cours de l'année 2006. En tout état de cause, Mme G... qui n'indique pas le chiffre d'affaires qu'elle a réalisé au cours des années 2002 à 2016, ni ne produit aucun élément ou document permettant d'établir que ce chiffre d'affaires aurait augmenté de manière continue entre 2002 et 2006, avant de diminuer à la suite de l'implantation de la borne de vidange litigieuse, ne démontre pas la réalité du préjudice qu'elle invoque. Dans ses conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses conclusions indemnitaires.
Sur les conclusions en annulation dirigées contre la décision du 14 juin 2016 :
13. Il ressort des termes mêmes du courrier du 25 avril 2016, que Mme G... demande expressément au maire de la commune d'Arudy de procéder à la fermeture de l'aire d'accueil de camping-cars existant sur son territoire, sur le site de l'aire naturelle de camping située sur la rive gauche de la Gave d'Ossau. A supposer que la décision du 14 juin 2016 puisse être regardée comme rejetant cette demande, ou que les conclusions de la requête puissent être analysées comme dirigées contre la décision implicite née du silence du maire de la commune sur cette demande, il résulte de ce qui a été dit plus haut, aux points 8 et 9, qu'une telle décision de rejet n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, Mme G... n'est pas fondée à en demander l'annulation.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. La présente décision, qui rejette les conclusions en annulation présentées par Mme G..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions en injonction présentées par l'intéressée ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :
15. Ces dispositions s'opposent à ce que soient mises à la charge de la commune d'Arudy qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que Mme G... demande au titre des dépens et des frais non compris dans les dépens. Il n'y a par ailleurs pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme G... la somme demandée par la commune d'Arudy au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... G... et à la commune d'Arudy.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme C... B..., présidente-assesseure,
Mme D... F..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 octobre 2020.
Le rapporteur,
Sylvie F...
Le président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 18BX02235