Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision implicite née le 12 juin 2018 par laquelle le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 1801881 du 21 novembre 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2020, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 novembre 2019 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler la décision implicite du 12 juin 2018 du préfet de la Charente Maritime ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de lui délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale ", ou à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée est entachée d'un défaut de motivation ;
- le préfet ne pouvait légalement se fonder sur l'absence de présentation personnelle en préfecture dans la mesure où il lui a indiqué, dans le courrier du 12 février 2018 accusant réception de sa demande de titre de séjour, que son dossier serait instruit sans même l'inviter à régulariser sa demande ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante marocaine, née le 1er janvier 1954, déclare être entrée en France en 2015. Par un courrier du 8 février 2018, elle a sollicité une carte de séjour " vie privée et familiale ". Par une décision implicite née le 12 juin 2018, le préfet de la Charente-Maritime a rejeté cette demande. Mme B... relève appel du jugement du 21 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la légalité de la décision implicite de rejet du 12 juin 2018 :
2. En premier lieu et aux termes de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans ou qui sollicite un titre de séjour en application de l'article L. 311-3, est tenu de se présenter, à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de titre de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient. / Toutefois, le préfet peut prescrire que les demandes de titre de séjour soient déposées au commissariat de police ou, à défaut de commissariat, à la mairie de la résidence du requérant. / Le préfet peut également prescrire : 1° Que les demandes de titre de séjour appartenant aux catégories qu'il détermine soient adressées par voie postale (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que, pour introduire valablement une demande de titre de séjour, il est nécessaire, sauf si l'une des exceptions définies à l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité est applicable, que l'intéressé se présente physiquement à la préfecture. À défaut de disposition expresse en sens contraire, une demande de titre de séjour présentée par un ressortissant étranger en méconnaissance de la règle de présentation personnelle du demandeur en préfecture fait naître, en cas de silence gardé par l'administration pendant plus de quatre mois, délai fixé par l'article R. 311-12 du même code, une décision implicite de rejet susceptible d'un recours pour excès de pouvoir. En pareille circonstance, le préfet n'est pas en situation de compétence liée pour rejeter la demande de titre de séjour et peut, le cas échéant, procéder à la régularisation de la situation de l'intéressé. Toutefois, lorsque le refus de titre de séjour est fondé à bon droit sur l'absence de comparution personnelle du demandeur ce dernier ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision de rejet de sa demande de titre de séjour, de moyens autres que ceux tirés d'un vice propre de cette décision.
4. Par un courrier du 8 février 2018, reçu en préfecture de la Charente-Maritime le 12 février suivant, Mme B..., par l'intermédiaire de son conseil, a sollicité la délivrance d'une carte de séjour " vie privée et familiale ". Le silence gardé par le préfet sur cette demande pendant plus de quatre mois a fait naître une décision implicite de rejet. Dans son mémoire en défense de première instance, le préfet de la Charente-Maritime a fait valoir, sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cette décision implicite était fondée sur l'absence de présentation personnelle du demandeur à la préfecture. De plus, l'appelante n'établit ni même n'allègue s'être personnellement présentée à la préfecture afin d'y déposer sa demande de carte de séjour, et il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait prescrit que les demandes de titre de séjour lui fussent adressées par voie postale. Dans ces conditions, le préfet de la Charente-Maritime, qui n'était pas tenu d'inviter Mme B... à régulariser sa demande, était légalement fondé, par la décision implicite contestée, à rejeter sa demande au motif qu'elle ne s'était pas présentée personnellement en préfecture pour y déposer son dossier de demande de carte de séjour.
5. En deuxième lieu et aux termes de l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le silence gardé par l'administration sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet ". Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Enfin aux termes de l'article L. 232-4 du même code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. (...) ".
6. Mme B... n'allègue ni ne justifie avoir formé, dans le délai de recours contentieux, une demande de communication des motifs de la décision implicite de rejet de sa demande de carte de séjour, ainsi que les dispositions de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration lui en laissaient la possibilité. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision est inopérant et doit être écarté.
7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2, 3 et 4 que, le refus de titre de séjour étant fondé à bon droit sur l'absence de comparution personnelle de l'intéressée, Mme B... ne peut se prévaloir, à l'encontre de la décision implicite de rejet de sa demande, de moyens autres que ceux tirés d'un vice propre de cette décision. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation ne peuvent être utilement invoqués.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet du préfet de la Charente-Maritime en date du 12 juin 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,
Mme E..., présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 1er octobre 2020
La présidente assesseure,
E...Le président-rapporteur,
Éric D...La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°20BX00113 1