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01/10/2020 | FRANCE | N°19BX04670

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 01 octobre 2020, 19BX04670


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... F..., épouse H..., Mme B... H... et M. A... H... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du préfet du Tarn en date du 27 septembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et portant assignation à résidence ou, à titre subsidiaire, d'en suspendre l'exécution dans l'attente de l'examen de leurs recours par la Cour nationale du droit d'asile.

Par un jugement n° 1906228, n° 1906229 et n° 1906230 du 5 novembre 2

019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... F..., épouse H..., Mme B... H... et M. A... H... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du préfet du Tarn en date du 27 septembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et portant assignation à résidence ou, à titre subsidiaire, d'en suspendre l'exécution dans l'attente de l'examen de leurs recours par la Cour nationale du droit d'asile.

Par un jugement n° 1906228, n° 1906229 et n° 1906230 du 5 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 décembre 2019, Mme D... F..., épouse H..., Mme B... H... et M. A... H..., représentés par Me C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 novembre 2019 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Tarn en date du 27 octobre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de réexaminer leur situation et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à leur conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Ils soutiennent que :

- les arrêtés attaqués sont entachés d'un vice de forme pour insuffisance de motivation et révèlent un défaut d'examen réel et sérieux de leurs situations ;

- Mme D... F... a déposé un dossier de demande de titre de séjour pour soins le 15 octobre 2019 ; ainsi, contrairement à ce qu'a jugé le magistrat désigné par le président du tribunal, à la date du 27 octobre 2019, le préfet ne pouvait ignorer qu'elle avait accompli des démarches auprès de ses services en vue de l'obtention d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade et a commis une erreur de fait en indiquant qu'elle n'avait pas déposé de demande de titre autre que l'asile ; c'est donc à tort que le tribunal a considéré qu'elle avait déposé une demande de titre en qualité d'étranger malade postérieurement aux arrêtés contestés ;

- ces arrêtés méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; à l'exception d'une soeur, Mme D... F... ne dispose plus d'attaches familiales en Géorgie, ses deux parents étant décédés ; entré en France accompagné de sa mère, M. H... ne dispose plus d'aucune attache familiale en Géorgie, ses frères résidant tous à l'étranger et son père étant décédé ; l'état de santé de Mme D... F... a justifié qu'elle se soit vu reconnaître un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80 % par la MDPH et le suivi médical lourd dont elle fait l'objet requiert que son époux demeure présent à ses côtés au titre de l'assistance à une personne malade ; Mme B... H... étant âgée, veuve et seule, ses enfants résidant tous à l'étranger, elle se saurait être dissociée de la seule famille présente en France ; la famille est établie de manière effective depuis plus d'un an sur le territoire national et les trois enfants du couple sont inscrits dans des établissements scolaires ;

- le préfet du Tarn a commis une erreur manifeste d'appréciation de la situation de Mme D... F... ; si la Géorgie a entrepris une réforme de son système de santé, ce pays ne répond pas aux attentes d'accès aux soins ; or la situation médicale de Mme F... nécessite une surveillance médicale particulière.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2020, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... F..., Mme B... H... et M. A... H... ne sont pas fondés.

Mme D... F..., Mme B... H... et M. A... H... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par trois décisions du 23 avril 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... G... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... F..., ressortissante géorgienne née le 5 juin 1985, est entrée en France accompagnée de ses trois enfants mineurs, le 31 juillet 2018. Son époux, M. A... H..., ressortissant géorgien né le 1er avril 1982 et la mère de celui-ci, Mme B... H..., ressortissante géorgienne née le 13 juillet 1948, l'ont rejointe le 16 novembre 2018. Le 19 août 2019, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, statuant selon la procédure accélérée en application du 1° du I de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a rejeté leurs demandes d'asile. Par des arrêtés en date du 27 septembre 2019, le préfet du Tarn les a obligés à quitter le territoire français, a fixé le pays de destination des mesures d'éloignement et les a assignés à résidence dans le département du Tarn. Mme F..., M. H... et Mme H... relèvent appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) -6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...)".

3. Il ressort des pièces des dossiers que les arrêtés en litige comportent, dans leurs visas et motifs, l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Ils visent notamment le 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les articles L 741-1 à L 741-5 de ce code et précisent que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, statuant en procédure accélérée, a rejeté leurs demandes d'asile par une décision du 19 août 2019 notifiée le 26 août 2019 et qu'en conséquence, les intéressés ne bénéficient plus du droit de se maintenir sur le territoire français. Ils font état d'éléments relatifs à l'identité des appelants, notamment leur nationalité, à leurs conditions d'entrée et de séjour sur le territoire français, ainsi qu'à leurs attaches en France et dans leur pays d'origine. Leur situation personnelle est évoquée notamment le fait que M. H... et Mme F... sont mariés, parents de trois enfants mineurs, sans emploi et sans ressources propres et que leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'OFPRA. Les arrêtés précisent qu'ils n'établissent pas être exposés à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans leur pays d'origine. Ils sont, dès lors, suffisamment motivés au regard des exigences de motivation posées par les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation soulevé à l'encontre de ces arrêtés doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ne ressort ni de cette motivation ni d'aucune pièce du dossier que le préfet aurait entaché ces décisions d'un défaut d'examen de la situation personnelle des appelants.

5. Si Mme F... fait valoir qu'elle a déposé une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade le 15 octobre 2019, ainsi que l'a à juste titre indiqué le tribunal, cette circonstance est postérieure à l'arrêté contesté, qui est en date du 27 septembre 2019 et non du 27 octobre 2019 comme elle le soutient. Les appelants ne sont donc pas fondés à soutenir que la décision attaquée concernant Mme F..., en tant qu'elle mentionne qu'elle n'aurait pas déposé de demande de carte de séjour à un autre titre que l'asile, serait entachée d'une erreur de fait.

6. En troisième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales stipule : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme F... est entrée en France le 31 juillet 2018 sous couvert de son passeport en cours de validité, accompagnée de ses trois enfants mineurs et que son mari et sa belle-mère les ont rejoints le 16 novembre 2018. L'ensemble de la famille fait l'objet de mesures d'éloignement. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les appelants justifieraient de liens privés, familiaux et professionnels en France tels qu'ils auraient vocation à y demeurer. De plus, ils ne démontrent pas être dépourvus d'attaches dans leur pays d'origine. Les appelants ne font, en outre, état d'aucune circonstance faisant obstacle à la reconstitution de la cellule familiale en Géorgie, pays dont les trois enfants du couple ont la nationalité et où ils ont vécu la plus grande partie de leur vie. Dans ces conditions et eu égard à la brève durée du séjour en France, les décisions attaquées ne méconnaissent pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elles ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation des appelants.

8. En quatrième et dernier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / (...) ".

9. Si les appelants font valoir que Mme F... s'est vu diagnostiquer, en septembre 2018, un cancer du sein droit qui a nécessité une chirurgie conservative associée à un curage axillaire et à une radiothérapie, nécessitant une prise en charge médicale en France, il ne ressort pas des pièces du dossier, comme il a été dit au point 5, qu'elle ait sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raison médicale avant l'intervention des arrêtés critiqués. Les documents médicaux versés au dossier, qui montrent qu'elle est suivie médicalement après son opération chirurgicale, ne permettent pas d'introduire un doute suffisant quant à l'impossibilité pour cette dernière de poursuivre, en Géorgie, le suivi médical qu'elle a débuté en France. Il résulte en outre de la fiche MEI... of Origin Information "), issue d'une base de données mise en place par les administrations en charge de l'immigration et de l'asile en Europe regroupant des informations médicales sur différents pays, que pour les patients traités par hormonothérapie en Géorgie toutes les consultations et traitements sont gratuits. Dans ces conditions, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que Mme F... serait au nombre des ressortissants étrangers, visés au 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne pouvant légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Ainsi, la décision contestée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... F..., épouse H..., Mme B... H... et M. A... H... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... F..., épouse H..., de Mme B... H... et de M. A... H... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... F..., épouse H..., à Mme B... H..., à M. A... H... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Tarn.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme J..., présidente-assesseure,

Mme E... G..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 1er octobre 2020.

Le rapporteur,

Florence G...

Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N°19BX04670


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 19BX04670
Date de la décision : 01/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : PETER MATHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-01;19bx04670 ?
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