La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/10/2020 | FRANCE | N°18BX01580

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 01 octobre 2020, 18BX01580


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Salud a demandé au tribunal administratif de Pau de la décharger du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013.

Par un jugement n° 1600456 du 21 décembre 2017 le tribunal administratif de Pau a déchargé la société Salud de ce complément de taxe sur la valeur ajoutée.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 avril 2018 et un mémoir

e, enregistré le 26 août 2020, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'action et des compte...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Salud a demandé au tribunal administratif de Pau de la décharger du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013.

Par un jugement n° 1600456 du 21 décembre 2017 le tribunal administratif de Pau a déchargé la société Salud de ce complément de taxe sur la valeur ajoutée.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 avril 2018 et un mémoire, enregistré le 26 août 2020, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 21 décembre 2017 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de la société Salud.

Il soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en estimant que l'administration était tenue d'informer le contribuable, avant l'expiration du délai de trois mois prévu par l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, de ce qu'elle envisage de prolonger les opérations d'une vérification de comptabilité au-delà de ce délai en raison de l'existence de graves irrégularités qui privent la comptabilité de valeur probante ;

- en effet, aucun formalisme n'a été prévu par la loi ou la jurisprudence pour délivrer cette information, étant précisé sur ce point que l'administration n'est pas dans l'obligation de délivrer cette information par un courrier adressé avant l'expiration du délai de trois mois ;

- en l'espèce, la comptabilité de la société Salud était entachée de graves irrégularités, de sorte que le contrôle pouvait excéder le délai de trois mois précité ;

- en effet, les recettes réalisées durant les fêtes de Bayonne sont enregistrées en comptabilité de manière globale, aucune vente de cigarettes n'a été comptabilisée alors que la société procédait à des achats de cigarettes, aucun rapprochement ne peut être fait, s'agissant des boissons non alcoolisées, entre les achats et les ventes, les produits mentionnés sur les tickets de caisse ne sont pas identifiables, il n'est pas tenu de journal de caisse et il est impossible de suivre le solde des espèces au jour le jour, le stock de sortie est supérieur au stock d'entrée augmenté des achats au cours de l'exercice, le tiroir de la caisse enregistreuse est fréquemment ouvert sans lien avec des ventes et le coefficient de bénéfice brut est inférieur à celui des établissements de même nature ;

- en ce qui concerne la reconstitution de recettes, qui n'est pas discutée dans son principe et qui procède de l'application de la méthode des liquides à la vente des boissons alcoolisées, le service vérificateur a appliqué les tarifs de vente mentionnés sur les tickets de caisse puis validés sur place par la société aux achats revendus, calculés à partir des factures d'achat, corrigés des stocks d'entrée et de sortie et a tenu compte des pertes, des prélèvements et des offerts; si la société a soutenu devant le tribunal qu'un tarif uniforme de 2,50 euros était mis en oeuvre durant les fêtes, elle n'en a pas justifié ; par ailleurs, les coefficients de bénéfice brut calculés à partir du chiffre d'affaires total reconstitué et les achats déclarés sont inférieurs à ceux auxquels la société elle-même s'est référée ; enfin, celle-ci n'a produit aucun élément de nature à démontrer que le nombre de consommations servies retenu par le service aurait été excessif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 août 2020, la société Salud, représentée par Me A... C..., conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Aurélie Chauvin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Salud, qui exploite à Bayonne un bar à cocktails et tapas, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er décembre 2010 au 28 février 2014 et à l'issue de laquelle le service a rejeté sa comptabilité comme non probante et a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires.

2. Le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour l'annulation du jugement du 21 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Pau a déchargé la société Salud du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui trouve son origine dans le contrôle précité et qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales : " I.- Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : " 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ; (...) II.- Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : (...) 4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois (...) ".

4. Il est constant que la première intervention sur place mentionnée dans l'avis de vérification a eu lieu le 29 avril 2014 et que, par une lettre du 6 août 2014, le service a informé la société que la durée de la vérification était prorogée sur une période maximale de six mois, de graves irrégularités ayant été constatées dans la comptabilité. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, aucune disposition législative ou réglementaire ne contraint l'administration, lorsqu'elle informe le contribuable d'une prorogation de la durée de vérification, à justifier avant l'expiration de la durée initiale de trois mois du caractère non probant de la comptabilité. En tout état de cause, les motifs du rejet de la comptabilité explicités dans la proposition de rectification permettaient au contribuable de vérifier si l'administration pouvait déroger à la durée de trois mois prévue par l'article L. 52 du livre des procédures fiscales.

5. Il y a lieu, pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les conclusions et les moyens présentés par les parties devant le tribunal administratif et devant la cour.

Sur le bien-fondé du complément de taxe sur la valeur ajoutée litigieux :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

6. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. /Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. (...) ".

7. Il résulte de l'instruction qu'à l'occasion du contrôle dont la société Salud a fait l'objet, le vérificateur a, notamment, constaté, d'une part, l'enregistrement globalisé des recettes non appuyé de justificatifs durant les fêtes de Bayonne, lesquelles représentent 30 % du chiffre d'affaires total du bar, l'absence de ventilation des recettes selon leur mode de règlement, l'absence de comptabilisation distincte des recettes au taux réduit issues de la restauration et celles au taux réduit issues du bar, l'absence de comptabilisation du chiffre d'affaires sur les ventes de cigarettes, l'impossibilité d'identifier les produits vendus sur les tickets de caisse et, d'autre part, le caractère irrégulier de l'état des stocks.

8. Ces anomalies, qui ne sont pas utilement contestées par M. B..., constituent de graves irrégularités privant la comptabilité de la société Salud de sincérité et, par suite, de valeur probante.

En ce qui concerne la reconstitution de recettes :

9. La reconstitution du chiffre d'affaires de la société Salud a été limitée aux seules boissons alcoolisées relevant du taux normal de TVA de 19,6 %. Cette reconstitution a été effectuée par le service selon la méthode dite " des liquides " ayant conduit le vérificateur à appliquer les tarifs de vente aux achats revendus, c'est-à-dire aux achats facturés corrigés des stocks d'entrée et de sortie après prise en compte des pertes, des prélèvements et des offerts. Ainsi, afin de tenir compte de ces derniers, le vérificateur a appliqué une réfaction aux résultats obtenus.

10. Pour critiquer la méthode de reconstitution ainsi mise en oeuvre par le service, la société soutient, en premier lieu, que le coefficient de bénéfice brut calculé à partir du chiffre d'affaires reconstitué est excessif et supérieur au coefficient moyen de la profession. Toutefois, il résulte de l'instruction que le vérificateur a reconstitué le chiffre d'affaires sur les ventes d'alcool non pas en appliquant un coefficient de bénéfice brut professionnel mais selon les prix de vente mentionnés dans la comptabilité de l'entreprise elle-même et d'ailleurs non contestés au cours du contrôle.

11. En second lieu, la société Salud soutient, d'une part, que le nombre reconstitué des consommations servies au bar en dehors des fêtes de Bayonne est excessif et, d'autre part, qu'un tarif uniforme de deux euros a été appliqué, quelle que soit la boisson vendue, lors desdites fêtes. Cependant, alors, comme indiqué aux points 7 et 10, que la comptabilité de la société n'était pas fiable s'agissant de l'enregistrement des consommations réelles et que le service a retenu les prix de vente mentionnés dans cette comptabilité, elle n'apporte aucun élément de nature à démontrer que la méthode retenue dans ce contexte ne correspondrait pas à la réalité économique concrète de l'entreprise.

12. Par conséquent, la société intimée ne démontre pas que la méthode de reconstitution retenue par le service est radicalement viciée dans son principe ou qu'elle est excessivement sommaire.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et à ce que la demande de première instance de la société Salud soit rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 21 décembre 2017 est annulé.

Article 2 : La requête de première instance de la société Salud est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à la société à responsabilité limitée Salud.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme E..., présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er octobre 2020.

La présidente-assesseure,

E...

Le président

Éric D...La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 18BX01580


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX01580
Date de la décision : 01/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : FIDAL BAYONNE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-01;18bx01580 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award