Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SELAS Pharmacie Place d'Armes et Mme B... ont chacun demandé au tribunal administratif de la Martinique :
1°) d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2018 par lequel l'Agence Régionale de Santé de la Martinique (ARS) a autorisé le transfert de l'officine de pharmacie de M. C... A... située 36 rue des Barrières au Lamentin vers l'Immeuble Jardi Cash sis quartier Mangot Vulcin dans la même commune ;
2°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de M. A... une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1800754 et 1900217 du 11 mars 2020, le tribunal administratif de la Martinique a joint les requêtes, et annulé l'arrêté contesté du 26 novembre 2018.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er juillet 2020 sous le n° 20BX02052, M. A... gérant en son nom personnel la Pharmacie A..., représenté par Me G..., qui a fait appel de ce jugement par une requête enregistrée sous le n° 20BX02051, demande à la cour d'en ordonner le sursis à exécution et de mettre à la charge des intimées une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la zone du lieu de transfert se trouve à la jonction de trois zones de populations à forte densité. Cette zone est située dans l'IRIS n° 1311, qui ne bénéficie d'aucune officine de pharmacie alors qu'elle comprend près de 9.000 habitants, soit près de 6.000 habitants de plus que la zone du lieu de départ ; le tribunal aurait dû tenir compte de la circulaire du 2 juin 2015 pour apprécier les besoins de la population ;
- cette erreur manifeste d'appréciation a des conséquences financières graves : elle ne peut retourner dans l'ancien local, dont le bail a été résilié, et l'ordre des pharmaciens risque de la radier en l'absence d'autorisation de transfert.
Par un mémoire enregistré le 4 août 2020, Mme B... exploitant en nom propre la Pharmacie B..., représentée par la Selarl Jurispharma, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. A... d'une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- les conséquences économiques d'une annulation pour la pharmacie A... ne sont pas à prendre en considération au titre de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, seul applicable à une annulation pour excès de pouvoir.
Par un mémoire enregistré le 6 août 2020, la Pharmacie Place d'armes, représentée par le cabinet Overeed AARPI, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. A... d'une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conditions du sursis prévues à l'article R. 811-17 du code de justice administrative, seul invoqué, ne sont pas applicables ; au demeurant, les conséquences économiques de l'annulation ne résultent que de l'imprudence du requérant, qui a transféré son officine sans attendre l'issue des recours engagés ; le conseil de l'ordre est tenu de radier un pharmacien dépourvu d'autorisation d'exercer ;
- à supposer que la cour requalifie la requête comme fondée sur l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le moyen unique tiré d'une erreur manifeste d'appréciation du tribunal n'est pas fondé, et M. A... ne combat pas les autres moyens présentés en première instance , qu'elle maintient intégralement : la compétence du directeur adjoint de l'ARS n'est pas établie ; l'ARS a appliqué à tort les dispositions de la réforme de 2018 pour instruire la demande ; M. A... étant alors président du syndicat des pharmaciens de la Martinique, ce syndicat aurait dû s'abstenir de rendre un avis, pourtant visé par la décision ; seul l'avis de la section E du Conseil national de l'ordre aurait dû être pris en compte alors que la décision privilégie celui de la délégation martiniquaise ; ces vices substantiels ont eu une incidence sur le sens de la décision ; le dossier était en outre incomplet au regard des documents exigés par l'article R. 5125-1 du code de la santé publique précisé par l'arrêté ministériel du 21 mars 2000, car la transformation d'un local qui n'était pas déjà une pharmacie impliquait a minima une déclaration préalable au titre du code de l'urbanisme, alors que M. A... s'est contenté d'une attestation sur l'honneur indiquant qu'aucune décision d'urbanisme n'était nécessaire ; l'ARS a commis une erreur manifeste d'appréciation alors que la clientèle de passage ne peut être prise en considération pour accorder une autorisation de transfert ;
La requête a été communiquée à l'ARS de la Martinique, qui n'a pas produit de mémoire.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 25 septembre 2020 :
- le rapport de Mme H... E... ;
- les observations de Me D..., représentant la Selas Pharmacie Place d'Armes, qui indique que la Pharmacie A... aurait fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 11 août 2020, et reprend les moyens de son mémoire ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., gérant la Pharmacie A..., qui constatait une baisse de sa clientèle dans le quartier du centre Bourg au Lamentin, a obtenu l'autorisation, par arrêté du directeur de l'ARS de la Martinique du 26 novembre 2018, de transférer son officine à deux kilomètres, en bordure de la route nationale 1, et à un kilomètre du centre hospitalier Mangot Vulcin. Cependant, le tribunal administratif de la Martinique, qui avait été saisi par deux pharmacies implantées à proximité, a annulé cette autorisation par jugement du 11 mars 2020, au motif que le transfert ne répond pas de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d'accueil.
2. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ". Selon les termes de l'article R. 811-17 du même code : " Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction ".
Sur les conditions du sursis :
3. Aux termes de l'article L. 5125-14 du code de la santé publique : " Le transfert d'une officine de pharmacie peut s'effectuer, conformément à l'article L. 5125-3, au sein de la même commune (...). ". Aux termes de l'article L. 5125-3 du même code, en vigueur à la date à laquelle le dossier a été déclaré complet : " Les créations, les transferts et les regroupements d'officines de pharmacie doivent permettre de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d'accueil de ces officines. Les transferts et les regroupements ne peuvent être accordés que s'ils n'ont pas pour effet de compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente de la commune ou du quartier d'origine ".
4. Pour annuler l'arrêté litigieux, le tribunal administratif a relevé qu'" Il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté, qu'à la date de la décision attaquée, le quartier de Bois-Carré Mango-Vulcin dans lequel la SELARL Pharmacie A... a sollicité le transfert d'officine litigieux n'est desservi par aucune pharmacie et que l'un des objectifs poursuivis par la commune est la lutte contre les inégalités de santé son territoire. Par ailleurs, ainsi qu'il ressort des données statistiques de l'ilot regroupé pour l'information statistique (IRIS) 1311, le dernier recensement du quartier de Grand Case-Pelletier Plaisance, pour 2015, au demeurant plus étendu que le strict quartier de Bois-Carré, fait état d'une population de 6 141 habitants, qui a augmenté de près 965 habitants entre 2010 et 2015. Toutefois, il ressort des plans et des photographies versées au dossier, ainsi que des données géoportail.gouv.fr, accessibles tant au juge qu'aux parties, que le lieu d'implantation est situé dans une zone d'activité économique dont la population résidente à proximité immédiate est limitée, les habitations les plus proches étant situées à plus de quatre-cents mètres de l'officine au nord et à deux-cents mètres à l'ouest. Par ailleurs, aucun projet immobilier en cours ou certain ne peut donc être mobilisé pour justifier de l'implantation, le transfert étant autorisé dans une zone classée UE où les constructions autres que commerciales sont interdites ainsi qu'en atteste le plan de zonage du plan local d'urbanisme de la commune du Lamentin. En outre, si l'ARS soutient que son projet d'implantation répond également aux besoins en médicaments des populations des quartiers résidentiels environnants, et notamment des quartiers Place d'Armes, Roches Carrées et Morne Pitault, l'examen des cartes disponibles montre que la population résidant dans cette zone est desservie directement par les deux pharmacies requérantes installées à 350 mètres et 1 km au sud de l'implantation autorisée. Une autre pharmacie est située à moins d'un km à l'ouest alors qu'il n'y a que très peu de constructions d'habitation au nord et à l'est des abords directs de la zone d'implantation compte tenu du zonage UE. " Il en a conclu que " le transfert n'apporte qu'une amélioration relative de la desserte par rapport à la situation du quartier d'accueil et ne répond pas de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d'accueil de cette officine ".
5. A supposer même que la décision de transfert puisse être justifiée en ce qui concerne la réponse aux besoins des différents quartiers par l'absence de pharmacie dans le vaste secteur au Nord de la RN 1, même peu densément peuplé, et par un ratio de réponse aux besoins de la population des secteurs situés au sud qui ne rend pas incohérente l'installation d'une troisième pharmacie susceptible de les desservir, il ressort des écritures échangées en première instance que l'ARS, qui n'a pas produit en appel, avait admis que la délégation générale consentie à l'adjoint à son directeur n'avait pas été publiée, et que les transformations apportées au local d'accueil de la pharmacie A... impliquaient une déclaration en mairie, dont aucune pièce n'atteste qu'elle aurait été déposée alors que le dossier comporte une liste des pièces remises, au nombre desquelles figure une attestation sur l'honneur, qui doit être regardée, en l'absence de production de cette attestation, comme correspondant à l'attestation sur l'absence de nécessité d'une autorisation d'urbanisme, et non comme celle attestant qu'aucune opposition n'a été formée à une déclaration déposée. Dans ces conditions, en l'état de l'instruction, les moyens des demandeurs de première instance tirés de l'incompétence du signataire de la décision en litige et de l'incomplétude du dossier apparaissent sérieux et de nature à faire obstacle à un sursis en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, seul invocable au regard de l'annulation par le tribunal administratif de la décision autorisant le transfert. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la requête de M. A..., ni les conséquences économiques que pourrait avoir pour celui-ci l'annulation prononcée par le tribunal, la requête ne peut qu'être rejetée.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
6. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Mme B... et de la Pharmacie Place d'Armes présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C... A..., à Mme F... B..., à la Selas Pharmacie Place d'Armes, et au ministre des solidarités et de la santé. Copie en sera adressée à l'Agence régionale de santé de la Martinique.
Lu en audience publique le 29 septembre 2020.La présidente de chambre,
Catherine E...La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20BX02052 2