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29/09/2020 | FRANCE | N°18BX02652

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 29 septembre 2020, 18BX02652


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers, à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012 et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise comptable afin de déterminer le montant de ses bénéfices au titre des exercices clos de ces mêmes années.

Par un jugement n°1502625 du 29 mai 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande

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Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2018, M. B.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers, à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012 et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise comptable afin de déterminer le montant de ses bénéfices au titre des exercices clos de ces mêmes années.

Par un jugement n°1502625 du 29 mai 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2018, M. B..., représenté par l'AARPI Drouineau et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 29 mai 2018 ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge des impositions supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012 ainsi que des intérêts et majorations correspondants, à défaut, de corriger le calcul des impositions supplémentaires et de retenir la méthode de calcul et le bénéfice qu'il propose pour les exercices 2011 et 2012 ;

3°) à titre subsidiaire, de suivre l'avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires en date du 2 juin 2017 pour les exercices 2013 et 2014 et de transposer le taux de pertes fixé à 15 % aux exercices 2011 et 2012, et de procéder aux dégrèvements correspondants ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires qui s'appuie exclusivement sur les factures d'achats est radicalement viciée et sommaire et s'éloigne des conditions réelles d'exploitation ;

- cette méthode aboutit à un gonflement du chiffre d'affaires et à une imposition manifestement exagérée ;

- l'administration ne s'est pas appuyée sur les fiches de recettes de marchés qu'il a fournies et a omis d'exploiter son compte bancaire ;

- elle n'a pas recoupé sa méthode de reconstitution avec une autre méthode relative au secteur de la boulangerie ;

- l'administration n'a pas pris en compte la stratégie commerciale développée en début de son activité, ni la particularité du commerce de boulangerie sur les marchés ;

- la méthode retenue ignore les variations de stocks ; tous les achats de matières premières ne peuvent être considérés comme revendus ;

- cette méthode ne prend pas en compte de façon exhaustive les pertes de production liées au fleurage et aux invendus des marchés qui s'élèvent à 30 %, ni les produits qui ont été consommés personnellement, donnés en cadeaux aux clients, à ses proches et salariés ou à des associations, voire jetés ;

- l'administration ne pouvait appuyer son évaluation globalisée des pertes à 7 % sur les avis de la commission départementale des impôts directs alors qu'il a fait l'objet d'une taxation d'office et qu'il n'a pas exposé ses observations devant ladite commission ;

- il appartient à l'administration de prouver que ses pertes ne représentent que 7 % de ses recettes ;

- l'administration n'a pas pris en compte les pertes de graines mais également de pétrin liées à l'hydratation excessive de la pâte, à l'utilisation de levain, à l'oubli d'un ingrédient, à une erreur de cuisson ou à la présence d'insectes ;

- pour 2012 son taux de marge sans valorisation des dons s'élève à 64 %, inférieur aux indicateurs de la Fédération des Centres de gestion agréés contre 69,8% avec la valorisation des dons, lequel est parfaitement compatible avec le taux de marge pratiqué dans la profession, et correspondant à un taux de perte de 16 % ;

- la reconstitution du chiffre d'affaires proposée est également erronée au regard des erreurs de livraisons des graines pour la production de pain courge-tournesol ;

- cette reconstitution ne prend pas en compte les différences de prix pratiqués entre la vente aux particuliers sur les marchés et les ventes auprès des professionnels ;

- il est en mesure de proposer une nouvelle évaluation du chiffre d'affaires plus précise pour l'exercice 2012, basée uniquement sur les fiches de recettes de marchés qu'il a réussi à regrouper et recouper avec les relevés bancaires.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 février 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 mars 2020 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., qui exerce une activité de boulangerie biologique sur les marchés, a fait l'objet, en 2014, d'une vérification de sa comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 mars 2012. A l'issue de ce contrôle, et après évaluation d'office de ses bénéfices industriels et commerciaux, selon la procédure prévue par les articles L. 73 et L. 68 du livre des procédures fiscales et taxation d'office de son revenu global en application des articles L. 66 et suivants du même livre, l'intéressé a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, et à des pénalités pour un montant total de 2 932 euros au titre de l'année 2011 et de 48 023 euros au titre de l'année 2012. M. B... relève appel du jugement du 29 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande en décharge des impositions en litige.

2. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ".

3. M. B... qui n'a pas déposé les déclarations de bénéfices afférents aux exercices clos les 31 mars 2011 et 2012 dans le délai de trente jours suivant l'envoi de mises en demeure, a été à juste titre imposé en matière d'impôt sur le revenu, après mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office de ses bénéfices industriels et commerciaux, en application des articles L. 73 et L. 68 du livre des procédures fiscales, ce qu'il ne conteste d'ailleurs pas. Dans ces conditions, la charge de la preuve du caractère exagéré des rehaussements lui incombe en application des dispositions précitées de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales.

4. Il résulte de l'instruction qu'en l'absence de toute comptabilité commerciale présentée, l'administration a déterminé le chiffre d'affaires de M. B... pour les exercices clos en 2011 et 2012 à partir des fiches de recettes de fabrication et des factures d'achat des matières premières relatives à chaque catégorie de pains. Après calcul de la quantité de chaque produit fabriqué à partir d'un ingrédient de référence entrant dans la recette de fabrication et déterminé la quantité de produit cuit par application d'un taux produit fini/produit cru indiqué par M. B..., le chiffre d'affaires relatif à chaque produit fabriqué a été obtenu en multipliant la quantité de produit cuit fabriquée par le prix de vente. Par ailleurs, l'administration a appliqué, en l'absence même de tout justificatif, une minoration de 7 % pour tenir compte des pertes de fabrication ainsi que des invendus.

5. Il ne résulte d'aucune disposition législative ou règlementaire que l'administration fiscale serait tenue de recourir à plusieurs méthodes de reconstitution dans le cadre de la mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 73 du livre des procédures fiscales.

6. Si le requérant soutient que l'administration n'aurait pas suffisamment tenu compte des fiches de recettes de marchés et que la reconstitution du chiffre d'affaires s'éloigne des conditions réelles d'exercice, il ne justifie d'aucune fiche pour la période comprise entre le 1er janvier 2011 et le 31 mars 2012, et il n'établit pas que seulement 30 % de celles-ci seraient manquantes pour l'année 2012 alors en outre qu'un bon nombre des fiches qu'il produit ne mentionnent aucune date, que certaines ne concernent pas les exercices en cause et que d'autres se présentent sous la forme d'une succession de chiffres manuscrite inexploitable. En tout état de cause, ces fiches qui se bornent à mentionner le montant de l'encaisse en début et en fin de marché sans indiquer la catégorie de produits vendus et les modalités d'encaissement, ne permettent pas d'établir le détail des ventes journalières ainsi que la concordance des ventes avec les achats concernés. Le requérant ne peut davantage se prévaloir des sommes enregistrées au crédit de ses comptes bancaires dès lors qu'il n'établit pas qu'elles incluraient l'encaissement des sommes perçues en espèce.

7. En l'absence de comptabilité et d'inventaire des stocks, le requérant ne saurait valablement reprocher au vérificateur d'avoir considéré que les stocks étaient constants. Il ne résulte pas de l'instruction que l'administration qui a appliqué une décote de 7 %, aurait considéré tous les achats de matières premières comme revendus.

8. Si le requérant conteste l'absence de prise en compte par l'administration de sa stratégie commerciale en début d'activité consistant à surproduire pour acquérir une place pérenne sur les marchés ainsi que de la particularité du commerce de boulangerie sur les marchés lequel serait dépendant des contraintes liées aux conditions météorologiques, aux manifestations locales imposées par les communes, à l'emplacement situé sur le domaine public et non acquis et à la volatilité de la clientèle sur les marchés, et estime que les pertes liées au fleurage, aux dons des invendus, aux erreurs de livraisons et de cuisson, ont été minorées, il n'apporte aucune précision à l'appui de ces allégations et n'apporte aucun justificatif probant de nature à établir le pourcentage de taux de pertes et d'offerts de 30 % qu'il revendique. A cet égard, en l'absence de cahier de production et de suivi de pertes, la seule attestation de l'association La Boussole en date du 20 janvier 2015 qui se borne à faire état de dons réguliers de douze sacs de pains par déplacement sans préciser la fréquence des déplacements, ne saurait à elle seule suffire à établir le volume des dons et offerts. Par ailleurs, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir au titre des exercices clos en 2011 et 2012, de l'avis du 2 juin 2017, par lequel la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires a évalué le taux de perte applicable à son activité à 15 % pour les exercices clos au titre des années 2013 et 2014 dès lors qu'il n'est pas établi que les conditions d'exercice de son activité étaient identiques. De même, il n'établit pas la réalité du taux de marge de 69,8 % et, par suite, d'un taux de perte de 16 % par la production d'un extrait de référentiel de la Fédération des centres de gestion agréés, dont il n'apparaît pas qu'il serait transposable à l'activité d'un boulanger non sédentaire commercialisant des produits issus de l'agriculture biologique.

9. Le requérant ne saurait davantage reprocher à l'administration de ne pas avoir tenu compte des différences de prix pratiqués entre la vente aux particuliers et la vente aux professionnels dès lors qu'il ne justifie pas de l'impact de cet élément sur le chiffre d'affaires reconstitué.

10. Ainsi, M. B... n'établit pas le caractère radicalement vicié ou excessivement sommaire de la méthode de reconstitution suivie par l'administration. Il n'apporte pas davantage la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues, qui lui incombe, en se prévalant des éléments de sa comptabilité reconstituée a posteriori.

11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise comptable, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande en décharge des impositions litigieuses. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Birsen C..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.

Le rapporteur,

Birsen C...Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 18BX02652


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02652
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : DE LEUSSE - GERENTES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-09-29;18bx02652 ?
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