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29/07/2020 | FRANCE | N°20BX01671

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (juge unique), 29 juillet 2020, 20BX01671


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'opposition à tiers détenteur n°1/2017 en date du 13 décembre 2017 et les titres exécutoires émis les 21 septembre 2017 et 3 octobre 2017 sous les numéros 1952858 et 2004937 lui réclamant des frais de 31 566 euros au titre de l'hospitalisation de sa mère Fatima Lamhaji, décédée le 1er octobre 2017, et de juger que le CHU de Toulouse avait engagé sa responsabilité à son endroit et lui devait en conséquence des domm

ages et intérêts qui viendraient dans ce cas se compenser avec sa dette.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'opposition à tiers détenteur n°1/2017 en date du 13 décembre 2017 et les titres exécutoires émis les 21 septembre 2017 et 3 octobre 2017 sous les numéros 1952858 et 2004937 lui réclamant des frais de 31 566 euros au titre de l'hospitalisation de sa mère Fatima Lamhaji, décédée le 1er octobre 2017, et de juger que le CHU de Toulouse avait engagé sa responsabilité à son endroit et lui devait en conséquence des dommages et intérêts qui viendraient dans ce cas se compenser avec sa dette.

Par un jugement n° 1800627,1804392 du 26 novembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses requêtes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 mai 2020 sous le n° 20BX01671 Mme E..., qui a fait appel de ce jugement par une requête enregistrée sous le n° 20BX00326, demande à la cour d'en ordonner le sursis à exécution.

Elle soutient que :

- ses moyens sont sérieux et de nature à justifier le sursis à exécution du jugement tant sur le fondement des articles R. 811-15 et R. 811-16 du code de justice administrative que sur celui de l'article R. 811-17 ;

- elle a entrepris des démarches pour renoncer à la succession de sa mère ;

- elle n'avait souscrit aucun engagement d'acquitter les frais d'hospitalisation conformément à l'article R.716-9-1 du code de la santé publique, ni même été invitée à le faire ; le CHU ne l'a pas informée de ces frais, en méconnaissance de l'article L.1111-3 du même code, et avait refusé de rapatrier sa mère au Maroc à sa demande et celle de sa famille pour qu'elle puisse bénéficier de soins couverts par une assurance maladie, sans toutefois rechercher avec la famille si la pathologie de l'intéressée pouvait être prise en charge par la sécurité sociale ou la couverture maladie universelle ;

- le CHU a commis une faute en engageant en pure perte des soins pour un coût considérable sans rapport avec les capacités financières de la famille ; il n'a pas informé cette famille de l'échec de démarches effectuées auprès d'un assureur ;

- compte tenu de la situation financière du CHU, l'annulation du jugement ne garantirait pas la restitution effective des sommes qui auraient été prélevées sur son salaire ;

- l'exécution du jugement aurait pour elle des conséquences difficilement réparables au regard de son faible salaire et des charges d'emprunt qu'elle supporte.

Par un mémoire enregistré le 22 juillet 2020, le CHU de Toulouse, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme C... épouse E... d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête sollicitant le sursis est irrecevable par voie de conséquence de l'absence de motivation de la requête d'appel contre le jugement ;

- l'article R. 811-17 du code de justice administrative, seul applicable en l'espèce, ne permet de prononcer que le sursis à exécution du jugement et non celui des titres exécutoires et de l'avis à tiers détenteur attaqués ;

- la demande est sans objet dès lors que la requête au fond en opposition suspend l'effet exécutoire des titres de recettes en vertu de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales ;

- les conditions ne sont pas remplies dès lors que les conséquences difficilement réparables ne sont pas établies, et que les moyens reprenant l'argumentation de première instance ne sont pas sérieux ;

Vu :

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 28 juillet 2020 :

- le rapport de Mme H... F...,

- les observations de Me A..., représentant le CHU de Toulouse, qui reprend les conclusions de son mémoire.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... G..., ressortissante marocaine, était en visite chez sa fille, Mme D... C... épouse E..., lorsqu'elle a dû être hospitalisée en urgence à deux reprises au CHU de Toulouse, où elle est décédée le 1er octobre 2017. Le CHU de Toulouse a adressé à Mme E..., en sa qualité d'héritière, deux titres exécutoires lui réclamant les sommes respectives de 20 464 euros et 11 102 euros au titre des séjours effectués par sa mère du 12 septembre au 20 septembre 2017 et du 25 septembre au 1er octobre 2017, et en l'absence de paiement, un avis d'opposition à tiers détenteur a été adressé à l'employeur de Mme E... le 13 décembre 2017 pour la somme totale de 31 566 euros. Mme E... a sollicité de la trésorerie puis du CHU l'indemnisation des préjudices qu'elle impute à un défaut d'information et a saisi le tribunal administratif de Toulouse de deux requêtes tendant d'une part à l'annulation des titres exécutoires et à la décharge de l'obligation de payer les sommes réclamées, d'autre part à l'engagement de la responsabilité du CHU. Elle a relevé appel du jugement du 26 novembre 2019 qui a rejeté l'ensemble de ses demandes, et sollicite par la présente requête qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur les fins de non recevoir opposées par le CHU :

2. Selon l'article L.4 du code de justice administrative : " Sauf dispositions législatives spéciales, les requêtes n'ont pas d'effet suspensif s'il n'en est autrement ordonné par la juridiction. " Aux termes de l'article L.1617-5 du code général des collectivités territoriales : " Les dispositions du présent article s'appliquent également aux établissements publics de santé.1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur. Toutefois, l'introduction devant une juridiction de l'instance ayant pour objet de contester le bien-fondé d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local suspend la force exécutoire du titre. (...)"

3. Il résulte de ces dispositions que si l'opposition formée contre un titre exécutoire devant la juridiction compétente fait obstacle au recouvrement de la créance, l'intervention du jugement rejetant ladite opposition met fin à cet effet suspensif[GC1]. Conformément aux dispositions de l'article L. 11 du code de justice administrative aux termes duquel "les jugements sont exécutoires ", l'appel présenté contre un tel jugement n'entraîne pas par lui-même la suspension de l'exécution du titre, qui ne peut être ordonnée que par le juge d'appel saisi de conclusions à fin de sursis présentées dans les conditions de droit commun. Par suite, le CHU de Toulouse n'est pas fondé à soutenir que la requête à fin de sursis à exécution du jugement serait sans objet.

4. Contrairement à ce que soutient le Centre hospitalier, la requête d'appel de Mme E... critique le jugement en ce qu'il a écarté la responsabilité du centre hospitalier pour n'avoir pas informé la famille de la patiente des dépenses à prendre en charge. Par suite, le CHU n'est pas davantage fondé à soutenir que la requête serait irrecevable faute de motivation de la requête d'appel.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement :

5. Aux termes de l'article R. 811-14 du code de justice administrative : " Sauf dispositions particulières, le recours en appel n'a pas d'effet suspensif... ". Aux termes de l'article R. 811-15 du même code: " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ". L'article R .811-16 prévoit : Lorsqu'il est fait appel par une personne autre que le demandeur en première instance, la juridiction peut, à la demande de l'appelant, ordonner sous réserve des dispositions des articles R. 533-2 et R. 541-6 qu'il soit sursis à l'exécution du jugement déféré si cette exécution risque d'exposer l'appelant à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dans le cas où ses conclusions d'appel seraient accueillies. " Et l'article R. 811-17 indique " Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction. " Enfin, aux termes de l'article R. 222-25 du même code : " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. / Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17 ".

6. Le jugement ne prononçant l'annulation d'aucune décision administrative et Mme E... étant demanderesse en première instance, les dispositions des articles R.811-15 et R.811-16 ne lui sont pas applicables. S'agissant de l'article R.811-17, Mme E... justifie par la production de son bulletin de salaire de l'incidence importante des prélèvements opérés sur ses conditions de ressources et doit être regardée comme établissant les conséquences difficilement réparables de l'exécution du jugement. Il y a donc lieu d'examiner le sérieux de ses moyens.

7. En l'état de l'instruction, le moyen tiré de ce que l'obligation de payer la somme réclamée découle d'un défaut d'information sur les frais à acquitter qui engagerait la responsabilité de l'hôpital est de nature à justifier qu'il soit sursis à l'exécution du jugement, entraînant la poursuite de l'effet suspensif attaché à l'instance engagée.

8. Il résulte de ce qui précède qu'il y lieu de prononcer, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution du jugement attaqué. Par conséquent, la demande présentée par le CHU au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peut qu'être rejetée

DECIDE :

Article 1er : Il est sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Toulouse jusqu'à ce que la cour se prononce au fond sur la requête n° 20BX00326.

Article 2 : Les conclusions présentées par le CHU de Toulouse au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme D... C... épouse E... et au CHU de Toulouse.

Lu en audience publique le 29 juillet 2020.

Le président de chambre,

Catherine F...Le greffier,

Caroline BrunierLa République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

[GC1]Avis section 5 mai 1995 n°163224 Laiterie Fromarsac

N° 20BX01671

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Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Avocat(s) : MARCO

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (juge unique)
Date de la décision : 29/07/2020
Date de l'import : 15/08/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20BX01671
Numéro NOR : CETATEXT000042184500 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-29;20bx01671 ?
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