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10/07/2020 | FRANCE | N°19BX04519

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 10 juillet 2020, 19BX04519


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 4 avril 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé.

Par un jugement n° 1902164 du 25 septembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2019, et

un mémoire complémentaire, enregistré le 30 avril 2020, M. A..., représenté par Me B..., demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 4 avril 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé.

Par un jugement n° 1902164 du 25 septembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 30 avril 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 25 septembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 4 avril 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde d'abroger l'arrêté du 4 avril 2019, de produire l'arrêté du 18 mars 2019 valant refus d'autorisation de travail, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- compte tenu de son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle, sa requête n'est pas tardive ;

- le tribunal n'a pas répondu à ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de produire l'arrêté du 18 mars 2019 valant refus d'autorisation de travail ;

- la décision de refus de certificat de résidence méconnaît les stipulations du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien ;

- la décision de refus de certificat de résidence méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions de refus de certificat de résidence et lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- les décisions de refus de certificat de résidence et lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations du paragraphe 4 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de certificat de résidence ;

- la décision fixant le pays à destination duquel il sera renvoyé est illégale en raison de l'illégalité des décisions de refus de certificat de résidence et lui faisant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire, enregistré le 11 avril 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête est tardive ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 19 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né le 26 janvier 1993, est entré en France le 26 mars 2016 muni d'un visa de court séjour. Le 24 avril 2017, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " salarié ". Par arrêté du 4 avril 2019, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé. M. A... relève appel du jugement du 25 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En première instance, comme au demeurant en appel, M. A... a demandé qu'il soit enjoint au préfet de produire " l'arrêté " du 18 mars 2019 valant refus d'autorisation de travail. Toutefois, ce que l'arrêté en litige désigne comme tel n'est en réalité que l'avis défavorable de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) à la délivrance à l'intéressé d'une autorisation de travail. Cet avis a été produit par le préfet en première instance, à l'appui de son mémoire en défense, soumis au contradictoire. Les premiers juges ont rejeté la demande d'annulation de M. A... " sans qu'il soit besoin d'enjoindre au préfet de communiquer " l'arrêté " du 18 mars 2019 ". Dès lors, le moyen tiré de ce que le tribunal n'aurait pas répondu aux conclusions de M. A... tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de produire " l'arrêté " du 18 mars 2019 valant refus d'autorisation de travail ne peut qu'être écarté, quand bien même les premiers juges ont eux-mêmes qualifié d'" arrêté " ce simple avis.

Au fond :

En ce qui concerne la décision de refus de délivrance d'un certificat de résidence :

3. En premier lieu, aux termes du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien : " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du " ministre chargé de l'emploi ", un certificat de résidence valable un an pour toutes les professions et toutes les régions, renouvelable et portant la mention "salarié" ; cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ".

4. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'avis rendu par la DIRECCTE le 18 mars 2019, joint par le préfet à son mémoire en défense devant le tribunal administratif, que la société désireuse d'employer M. A... a transmis aux services préfectoraux une demande d'autorisation de travail incomplète. La demande de pièces complémentaires que lui a adressée la DIRECCTE est restée sans réponse. Si M. A... soutient tout à la fois que son employeur n'a pas reçu cette demande et a connu des difficultés pour joindre les services préfectoraux pour y répondre, il ne fait état d'aucune démarche de la part de l'employeur durant les sept mois suivant le dépôt de sa demande. A défaut de dossier de demande complet, M. A... n'était pas en mesure de présenter un contrat de travail visé par les services du ministre de l'emploi. Cette seule circonstance justifiait que le préfet refuse, par l'arrêté en litige, de délivrer à l'intéressé une autorisation de travail et donc le certificat de résidence sollicité. Si M. A... soutient que, postérieurement à l'arrêté en litige, son employeur est en mesure de déposer une demande complète d'autorisation de travail, le requérant ne peut pas se prévaloir de cette circonstance à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté contesté dont la légalité s'apprécie à la date à laquelle il est intervenu. Enfin, s'il invoque l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration, il ne conteste aucune décision du préfet refusant d'abroger le refus en litige. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien doit être écarté.

5. En deuxième lieu, l'article. L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit qu'une carte de séjour temporaire peut être délivrée à l'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir. Cet article, dès lors qu'il est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Dès lors, M. A... ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 4. Au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an (...) ".

7. Si M. A... se prévaut de la naissance, le 7 avril 2020, de son enfant de nationalité française, cette circonstance est postérieure à l'arrêté en litige, ainsi au demeurant que la grossesse de la mère de l'enfant. Dès lors, il ne peut utilement se prévaloir en l'espèce des stipulations du paragraphe 4 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ni, en tout état de cause, des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. M. A... est entré en France le 26 mars 2016 et s'est maintenu sur le territoire au-delà de l'expiration de son visa de court séjour sans toutefois obtenir de titre de séjour. En particulier, s'il a épousé une ressortissante française le 10 septembre 2015, et que ce mariage a été transcrit sur les registres d'état civil français le 18 janvier 2016, il est constant que la communauté de vie a cessé depuis le début de l'année 2017. S'il soutient vivre désormais en concubinage avec une autre ressortissante française, cette relation est récente à la date de l'arrêté en litige. Si le couple a donné naissance à un enfant le 7 avril 2020, cette circonstance est, ainsi qu'il vient d'être dit au point 7, postérieure à l'arrêté en litige. Si M. A... se prévaut également de la présence en France de plusieurs membres de sa famille, il n'établit pas entretenir avec eux de relations étroites alors que ses parents et sa fratrie résident en Algérie. Dans ces conditions, en refusant de délivrer à M. A... un certificat de résidence, le préfet n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise.

En ce qui concerne la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

11. En deuxième lieu, eu égard aux circonstances exposées au point 9, en obligeant M. A... à quitter le territoire français, le préfet n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

13. Eu égard aux circonstances exposées au point 7, en obligeant M. A... à quitter le territoire français, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

14. En quatrième lieu, M. A... ne peut utilement se prévaloir à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français des stipulations du paragraphe 4 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ni, en tout état de cause des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que ces stipulations et dispositions sont relatives à la délivrance de titres de séjour.

En ce qui concerne la décision fixant le pays à destination duquel il sera renvoyé :

15. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité des décisions lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence et lui faisant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel il sera renvoyé.

16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., au ministre de l'intérieur et à Me B.... Copie sera transmise au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme C... D..., présidente,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

M. Romain Roussel, premier conseiller

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2020.

La présidente,

Brigitte D...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

7

N° 19BX04519


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04519
Date de la décision : 10/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. Romain ROUSSEL
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : CRECENT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-10;19bx04519 ?
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