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10/07/2020 | FRANCE | N°18BX02964

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 10 juillet 2020, 18BX02964


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... G... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler

la décision, matérialisée par l'avenant à son contrat de travail du 26 janvier 2016, par laquelle

la directrice de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) " La Bruyère " de Neuvic-d'Ussel a refusé de renouveler son contrat, de condamner l'établissement

à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi, et de lui enjoindre de reconstituer sa carrière.


Par un jugement n°1600445 du 11 juillet 2018, le tribunal administratif de Limoges a annulé la déci...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... G... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler

la décision, matérialisée par l'avenant à son contrat de travail du 26 janvier 2016, par laquelle

la directrice de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) " La Bruyère " de Neuvic-d'Ussel a refusé de renouveler son contrat, de condamner l'établissement

à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi, et de lui enjoindre de reconstituer sa carrière.

Par un jugement n°1600445 du 11 juillet 2018, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision de non renouvellement du contrat de travail, enjoint à l'EHPAD " La Bruyère " de réexaminer la situation de Mme G... et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 juillet 2018 et un mémoire complémentaire enregistré le 6 novembre 2018, l'EHPAD " La Bruyère ", représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Limoges du 11 juillet 2018 en tant qu'il a fait droit à la demande de Mme G... d'annulation de la décision de non renouvellement de son contrat ;

2°) de rejeter les conclusions de Mme G.... ;

3°) de mettre à la charge de Mme G... le paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- Mme G... n'avait pas droit au renouvellement automatique de son contrat à durée déterminée ;

- le traumatisme que prétend avoir subi Mme G... dans le cadre de son service n'est pas établi et ne peut être en lien avec la décision de refus de renouvellement de son contrat dès lors que sa demande de déclaration d'accident du travail est postérieure à la décision litigieuse ; Mme G... n'avait jamais fait part auparavant de cet état de choc auprès de sa hiérarchie, ni demandé une prise en charge au titre de l'accident de travail ou même fait remplir par son médecin traitant un certificat d'accident de travail ; les documents qu'elle fournit pour attester de son état de santé sont postérieurs à la décision litigieuse, l'un d'eux établit que cet état est en lien avec le non-renouvellement de son contrat, et la décision de la caisse primaire d'assurance maladie fait état d'un accident intervenu le 26 janvier, et non le 24 janvier 2016 ;

- la décision litigieuse est justifiée par l'intérêt du service dans la mesure où elle a été prise en raison de la manière de servir jugée défaillante de Mme G..., de son défaut d'adaptation à ses conditions de travail dans des unités accueillant des personnes atteintes de troubles de démence, et afin de pallier la désorganisation du service causée par son absence ;

- les conclusions indemnitaires de la requête de première instance sont irrecevables faute d'avoir été précédées d'une réclamation préalable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2018, Mme G..., représenté par la SELARL Marche Caetano, conclut au rejet de la requête, à la condamnation de l'EHPAD " La Bruyère " à lui verser la somme de 20 000 euros au titre du préjudice subi, à ce qu'il soit enjoint à l'établissement de procéder à la reconstitution de sa carrière, et à ce que soit mis à la charge de l'EHPAD le paiement la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- alors qu'elle a fait part de ses souffrances à sa hiérarchie le jour même de l'incident rencontré en service, la cadre de santé ne lui a proposé aucune prise en charge ;

- le refus de renouvellement de son contrat ne peut être fondé sur l'insuffisance de sa manière de servir ou sur un défaut d'adaptation à ses conditions de travail dès lors que les évaluations antérieures, comme les multiples renouvellements de son contrat et sa présence sur les plannings internes jusqu'à la fin du mois de février 2016, démontrent ses compétences ; elle n'a fait l'objet d'aucune remarque ou évaluation négatives au cours de ses fonctions d'une durée de plus de quatre ans ;

- le service ne s'est pas trouvé désorganisé par son congé de maladie, et la circonstance que l'EHPAD a dû procéder à son remplacement ne justifie pas la mesure de non renouvellement de son contrat ;

- la décision de refus de renouvellement de son contrat méconnaît les dispositions de l'article L. 1131-1 du code du travail en ce qu'elle est fondée sur son état de santé ;

- la décision litigieuse est entachée d'erreur de droit, de détournement de procédure et de détournement de pouvoir ;

- elle bénéficie d'un droit à indemnisation au titre du refus de renouvellement qui présente un caractère fautif et lui a causé un préjudice.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F... C...,

- les conclusions de Mme Aurélie Chauvin, rapporteur public,

- et les observations de Me D... pour l'EHPAD " La Bruyère ".

Considérant ce qui suit :

1. Mme G... a été recrutée le 14 mai 2012 par l'EHPAD " La Bruyère " dans le cadre d'un contrat unique d'insertion jusqu'au 13 mai 2014, puis sous couvert de plusieurs contrats à durée déterminée en qualité d'agent de service hospitalier contractuel. Son dernier contrat, conclu à compter du 1er octobre 2014, a été prolongé par plusieurs avenants, en dernier lieu jusqu'au 12 février 2016. Elle a saisi le tribunal administratif de Limoges de demandes d'annulation de la décision du 26 janvier 2016, prise alors qu'elle se trouvait en arrêt de maladie, par laquelle la directrice de l'EHPAD a refusé de renouveler son contrat au-delà

du 12 février 2016, d'indemnisation de ses préjudices et d'injonction de reconstituer sa carrière. L'EHPAD " La Bruyère " relève appel du jugement du 11 juillet 2018 par lequel le tribunal a annulé la décision du 26 janvier 2016. Par son appel incident, Mme G... demande à la cour de faire droit à l'ensemble des conclusions qu'elle a présentées devant le tribunal.

Sur l'appel de l'EHPAD " Les Bruyères " :

2. Un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie ni d'un droit au renouvellement de son contrat ni, à plus forte raison, d'un droit au maintien de ses clauses si l'administration envisage de procéder à son renouvellement. Toutefois, l'administration ne peut légalement décider, au terme de son contrat, de ne pas le renouveler ou de proposer à l'agent, sans son accord, un nouveau contrat substantiellement différent du précédent, que pour un motif tiré de l'intérêt du service. Un tel motif s'apprécie au regard des besoins du service ou de considérations tenant à la personne de l'agent. Dès lors qu'elles sont de nature à caractériser un intérêt du service justifiant le non renouvellement du contrat, la circonstance que des considérations relatives à la personne de l'agent soient par ailleurs susceptibles de justifier une sanction disciplinaire ne fait pas obstacle, par elle-même, à ce qu'une décision de non renouvellement du contrat soit légalement prise, pourvu que l'intéressé ait alors été mis à même de faire valoir ses observations.

3. L'EHPAD " La Bruyère ", auquel il appartient de démontrer l'intérêt du service justifiant le non renouvellement du contrat, persiste à invoquer la manière de servir défaillante de Mme G... au regard des pièces déjà produites en première instance, soit une attestation peu circonstanciée établie le 13 avril 2016 par l'infirmière faisant fonction de cadre de santé, faisant état de " nombreuses pauses de l'intéressée pour aller fumer ", de plaintes de collègues concernant ce comportement et " du caractère parfois difficile de Mme G... ", ainsi que l'auto-évaluation de Mme G... sur ses capacités à adapter son comportement face à des situations difficiles à l'issue d'un stage sur la maladie d'Alzheimer et les démences associées effectué en février 2013. Comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, ces pièces ne sont pas de nature à établir des difficultés dans l'accomplissement des fonctions d'agent des services hospitaliers. Contrairement à ce que soutient l'EHPAD " La Bruyère ", le fait que Mme G... a été choquée par l'automutilation d'une résidente qu'elle a découverte se frappant la tête au sol le 24 janvier 2016 ne révèle pas une inaptitude à s'adapter aux situations de travail qu'elle est susceptible de rencontrer dans l'établissement. Les deux évaluations figurant au dossier, en date du 11 décembre 2012 et du 22 octobre 2015, sont positives et ne comportent aucune réserve relative à l'exercice des fonctions. Dans ces conditions, c'est par une exacte appréciation des faits de l'espèce que les premiers juges ont estimé que le non-renouvellement du contrat de Mme G... n'était pas fondé sur un motif tiré de l'intérêt du service.

4. Si l'EHPAD " La Bruyère " fait valoir en outre que l'absence de Mme G..., placée en arrêt de maladie du 23 décembre 2015 au 2 janvier 2016, puis du 26 janvier 2016 au 2 février 2016, l'a contraint à engager un autre agent en remplacement, il ne pouvait légalement fonder le non-renouvellement du contrat sur un motif tiré d'une absence pour maladie dont le bien-fondé n'est, au demeurant, pas contesté.

5. Il résulte de ce qui précède que l'EHPAD " La Bruyère " n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision du 26 janvier 2016 portant refus de renouvellement du contrat de Mme G....

Sur l'appel incident de Mme G... :

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

6. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. "

7. Mme G..., qui ne conteste pas ne pas avoir présenté de demande préalable à l'EHPAD " La Bruyère ", n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions indemnitaires comme étant irrecevables.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :

8. Ainsi que l'ont indiqué les premiers juges, l'annulation de la décision contestée impliquait seulement qu'il soit enjoint à l'EHPAD " La Bruyère " de réexaminer la situation administrative de Mme G.... Les conclusions de cette dernière tendant à ce qu'il soit enjoint à l'EHPAD de procéder à la reconstitution de sa carrière ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'EHPAD " La Bruyère " le paiement à Mme G... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, les conclusions de l'établissement présentées sur ce même fondement ne peuvent qu'être rejetées dès lors qu'il est la partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'EHPAD " La Bruyère " et l'appel incident de Mme G... sont rejetés.

Article 2 : L'EHPAD " La Bruyère " versera à Mme G... une somme de 1 500 euros

sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'EHPAD " La Bruyère " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " La Bruyère " et à Mme E... G....

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2020 à laquelle siégeaient :

Mme A... B..., présidente,

M. F... C..., premier conseiller,

Mme H..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2020.

La présidente,

Anne B...

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°18BX02964


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02964
Date de la décision : 10/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-12-03-02 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEYER
Rapporteur ?: M. Thierry SORIN
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : SELARL CADRAJURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-10;18bx02964 ?
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