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09/07/2020 | FRANCE | N°19BX02248

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 09 juillet 2020, 19BX02248


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Arvato Business Développement Services France (ABDSF) a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, d'annuler, subsidiairement, de résilier le marché conclu en 2016 entre le Centre national d'enseignement à distance (CNED) et la société CCA International relatif à la mise en place d'un renfort au centre de relation client, d'autre part, de condamner le CNED à lui verser la somme de 162 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subi

s à raison de son éviction irrégulière de l'appel d'offre relatif à ce marché....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Arvato Business Développement Services France (ABDSF) a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, d'annuler, subsidiairement, de résilier le marché conclu en 2016 entre le Centre national d'enseignement à distance (CNED) et la société CCA International relatif à la mise en place d'un renfort au centre de relation client, d'autre part, de condamner le CNED à lui verser la somme de 162 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison de son éviction irrégulière de l'appel d'offre relatif à ce marché.

Par un jugement n° 1602228 du 3 avril 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 mai 2019, et un mémoire récapitulatif, enregistré le 29 mai 2020, la société ABDSF, représentée par Me B..., demande à la cour,

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 3 avril 2019 ;

2°) d'annuler, subsidiairement, de résilier le marché conclu le 21 juillet 2016 entre le Centre national d'enseignement à distance (CNED) et la société CCA International relatif à la mise en place d'un renfort au centre de relation client ;

3°) de condamner le CNED à lui verser une somme de 162 000 euros en réparation du préjudice que lui a causé son éviction irrégulière de l'appel d'offre correspondant à ce marché ;

4°) de mettre à la charge du CNED la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.

Elle soutient que :

- il n'est pas établi qu'elle aurait commis une fraude dans l'exécution du marché dont elle était précédemment titulaire alors qu'il est constant elle n'a pas bénéficié d'un enrichissement indu, que le CNED ne conteste pas la réalité des prestations réalisées ni leur facturation, qu'une facturation n'est pas révélatrice en elle-même, d'une fraude, que la décision de résiliation ne repose sur aucun constat de fait et que la plainte formée par le CNED a été classée sans suite par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Poitiers au motif que les faits n'étaient pas suffisamment établis ;

- les faits qui lui sont reprochés sont imputables aux dirigeants du CNED ;

- contrairement au CNED, elle n'avait pas connaissance des faits qui lui étaient reprochés et n'était dès lors pas en mesure de présenter une offre permettant d'y remédier alors, en tout état de cause, qu'il appartenait au CNED de rechercher si d'autres éléments de son offre permettaient de considérer qu'elle présentait des garanties suffisantes et que cet établissement n'a pas tenu compte de la lettre qu'elle lui a adressée le 8 avril 2016 ;

- l'attribution du marché à la société CCA International est entachée d'un défaut de transparence dès lors que le CNED n'a pas justifié des motifs du rejet de sa candidature, n'a pas respecté les délais qu'il s'était de lui-même imposé, et ne l'a pas laissée s'expliquer sur les faits qui lui étaient reprochés ;

- elle justifie de la réalité et du montant de ses préjudices matériel et moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2020, le CNED, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société ABDSF au titre des frais qu'il a exposés pour l'instance.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant la société ABDSF, et de Me A..., représentant le CNED.

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 31 mars 2016, le Centre national de l'enseignement à distance (CNED), établissement public national à caractère administratif, a résilié pour faute le marché relatif à un renfort de déversement au centre de relations clients qu'elle avait confié à la société Arvato Business Développement Services France (ABDSF). Par une lettre datée du 13 juin 2016, le CNED a, en outre, informé la société ABDSF du rejet de l'offre qu'elle avait présentée dans le cadre du renouvellement de ce marché. La société ABDSF demande à la cour d'annuler le jugement du 3 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation, subsidiairement, à la résiliation le marché conclu le 21 juillet 2016 entre le CNED et la société CCA International concernant la mise en place d'un renfort au centre de relation client, d'autre part, à la condamnation le CNED à lui verser la somme de 162 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison de son éviction irrégulière de l'appel d'offre relatif à ce marché.

2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'État dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Si le représentant de l'État dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

Sur l'existence d'une fraude :

3. La société ABDSF fait valoir qu'elle n'a pas bénéficié d'un enrichissement indu lors de l'exécution du marché dont elle était titulaire, que le CNED ne met plus en cause la réalité et la qualité des prestations réalisées ni le montant des prestations facturées au titre de l'ensemble des lots et que la plainte formée par le CNED a été classée sans suite par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Poitiers au motif que les faits n'étaient pas suffisamment établis. Toutefois, elle ne conteste aucunement avoir, à la demande de la directrice de la relation client du CNED, délibérément sous-facturé les prestations qu'elle a réalisées au titre du lot n° 1 du marché dont s'agit et d'avoir, en compensation, surfacturé ses prestations au titre du lot n° 2, dans le but de maintenir le montant du lot n° 1 en dessous du seuil à partir duquel une autorisation du conseil d'administration du CNED aurait été nécessaire. Ces irrégularités comptables, destinées à priver les instances des dirigeants du CNED de leur pouvoir de contrôle et à vicier le consentement de l'établissement public, sont, ainsi que la présente cour l'a jugé dans un arrêt n° 18BX04318 de ce jour, constitutives de manoeuvre frauduleuses et justifiaient, par suite, la résiliation pour faute du marché sans que la société appelante puisse utilement soutenir qu'une facturation ne pourrait être, en elle-même, révélatrice d'une fraude, que la résiliation du marché était insuffisamment motivée ou que cette fraude serait imputable aux pratiques du directeur général démissionnaire du CNED.

Sur le rejet de l'offre présentant par la société ABDSF :

5. Aux termes du I de l'article 52 du code des marchés publics alors en vigueur : " (...) Les candidatures qui n'ont pas été écartées en application des dispositions de l'alinéa précédent sont examinées au regard des niveaux de capacités professionnelles, techniques et financières mentionnées dans l'avis d'appel public à la concurrence, ou, s'il s'agit d'une procédure dispensée de l'envoi d'un tel avis, dans le règlement de la consultation. Les candidatures qui ne satisfont pas à ces niveaux de capacité sont éliminées. L'absence de références relatives à l'exécution de marchés de même nature ne peut justifier l'élimination d'un candidat et ne dispense pas le pouvoir adjudicateur d'examiner les capacités professionnelles, techniques et financières des candidats. L'appréciation des capacités professionnelles, techniques et financières d'un groupement est globale (...) ". Il résulte de ces dispositions que le pouvoir adjudicateur ne peut se fonder sur les seuls manquements allégués d'une société dans l'exécution de précédents marchés, sans rechercher si d'autres éléments du dossier de candidature de la société permettent à celle-ci de justifier de telles garanties.

6. En premier lieu, si la société ABDSF soutient qu'elle n'était pas informée de la fraude mentionnée au point 4 du présent arrêt lorsqu'elle a répondu à l'appel d'offre le 1er mars 2016, date à laquelle le CNED n'en avait pas davantage connaissance, elle ne peut se prévaloir d'une prétendue ignorance de ses propres agissements, alors, au demeurant, qu'elle en a été informée le 4 avril 2016 et pouvait, dès lors, faire valoir, en réponse, d'éventuels éléments permettant de considérer que cette fraude n'était plus susceptible de se reproduire. En outre, elle n'établit ni même ne soutient que d'autres éléments de son dossier de candidature permettaient de considérer qu'elle justifiait de garanties permettant de considérer que les manquements qu'elle a commis dans l'exécution du précédent marché n'étaient pas susceptibles de se reproduire en se bornant à se prévaloir de la lettre qu'elle a adressée au CNED le 8 avril 2016 pour contester la réalité des faits qui lui était reprochés. Par suite, elle ne peut pas utilement faire valoir qu'elle n'était pas informée de ces faits lorsqu'elle a présenté son offre ni soutenir qu'il appartenait au CNED de rechercher si son offre présentait de telles garanties.

7. En second lieu et contrairement à ce que soutient la société appelante qui n'a, au demeurant, pas demandé au CNED de lui préciser les motifs du rejet de sa candidature mais s'est bornée, par lettre du 2 août 2016, à solliciter la communication de l'acte d'engagement, il n'appartenait pas au CNED de justifier, dans la lettre l'informant du rejet de sa candidature, de la réalité des motifs invoqués à l'appui de cette décision de rejet. En outre, si la société ABDSF fait valoir que le CNED ne lui a plus permis de poursuivre l'exécution du marché dont elle était titulaire à compter du 6 avril 2016, cette circonstance ne permet pas, en tout état de cause, de considérer que le CNED n'a pas respecté le délai qu'il lui avait fixé pour apporter la preuve de " l'absence d'éléments frauduleux " ou qu'il ne lui a pas laissé la possibilité d'apporter cette preuve.

8. Il résulte de ce qui précède que la société ABDSF n'est fondée à soutenir ni qu'elle a été irrégulièrement évincée du marché attribué à la société CCA International ni que ce marché à méconnu les principes généraux du droit de la commande publique, en particulier le principe de transparence des procédures. Par suite, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté ses demandes tendant à l'annulation ou à la résiliation de ce marché ainsi qu'à la condamnation du CNED à l'indemniser du préjudice que lui a causé son éviction de l'appel d'offre correspondant. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

9. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société ABDSF le paiement au CNED d'une somme de 1 500 euros en application des mêmes dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société ABDSF est rejetée.

Article 2 : La société ABDSF versera au CNED une somme de 1 500 euros au titre de l'article

L 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Arvato Business Développement Services France et au Centre national d'enseignement à distance.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme E..., présidente-assesseure,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.

Lu en audience publique le 9 juillet 2020.

Le président,

Éric C...

La République mande et ordonne au ministre l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N°19BX02248


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 19BX02248
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Résiliation.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SELARL DELSOL

Origine de la décision
Date de l'import : 29/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-09;19bx02248 ?
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