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09/07/2020 | FRANCE | N°18BX04318

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 09 juillet 2020, 18BX04318


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Arvato Business Développement Services France (ABDSF) a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, de constater l'irrégularité de la décision du Centre national d'enseignement à distance (CNED) du 31 mars 2016 portant résiliation, pour faute, des lots n° 1, n° 2 et n° 3 du marché n° 2015DG05, d'autre part, de condamner le CNED à lui verser une première somme de 153 603,10 euros en réparation du préjudice matériel et moral que lui a causé la

résiliation irrégulière de ce marché et une seconde somme de 249 034,61 euros TTC au ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Arvato Business Développement Services France (ABDSF) a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, de constater l'irrégularité de la décision du Centre national d'enseignement à distance (CNED) du 31 mars 2016 portant résiliation, pour faute, des lots n° 1, n° 2 et n° 3 du marché n° 2015DG05, d'autre part, de condamner le CNED à lui verser une première somme de 153 603,10 euros en réparation du préjudice matériel et moral que lui a causé la résiliation irrégulière de ce marché et une seconde somme de 249 034,61 euros TTC au titre des prestations qu'elle a contractuellement effectuées.

Par un jugement n° 1601201 et n° 1601860 du 17 octobre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a condamné le CNED à verser à la société ABDSF la somme de 249 034,61 euros TTC et a rejeté le surplus des demandes présentées par cette société.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2018 et un mémoire enregistré le 28 mai 2020, la société ABDSF, représentée par Me B..., demande à la cour,

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 octobre 2018 en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions tendant à ce que la décision du 31 mars 2016 portant résiliation, pour faute, des trois lots du marché n° 2015DG05 soit déclarée irrégulière et n'a pas condamné le CNED à lui verser une somme de 153 603,10 euros en réparation du préjudice matériel et moral que lui a causé la résiliation irrégulière de ce marché ;

2°) de constater que la décision du 31 mars 2016 portant résiliation des trois lots du marché dont s'agit est irrégulière et de condamner le CNED à lui verser une somme de 163 911,72 euros en réparation du préjudice matériel et moral que lui a causé la résiliation irrégulière de ce marché ;

3°) de mettre à la charge du CNED la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que la résiliation du marché a été prononcée en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- cette résiliation est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle n'a commis aucune fraude dès lors qu'elle a pas bénéficié d'un enrichissement indu, qu'une facturation n'est pas révélatrice, en elle-même, d'une fraude, que le CNED ne conteste pas la réalité des prestations réalisées ni leur facturation, que la décision de résiliation ne repose sur aucun constat de fait et que la plainte formée par le CNED a été classée sans suite par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Poitiers au motif que les faits n'étaient pas suffisamment établis ;

- elle justifie de la réalité et du montant de ses préjudices matériel et moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2020, le CNED, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société ABDSF au titre des frais qu'il a exposés pour l'instance.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant la société ABDSF, et de Me A..., représentant le CNED.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement du 1er juin 2015, la société Arvato Business Développement Services France (ABDSF) s'est vu confier les trois lots composant le marché n° 2015DG05 relatif à un renfort de déversement au centre de relations clients du Centre national de l'enseignement à distance (CNED), établissement public national à caractère administratif. Le CNED a toutefois procédé à la résiliation pour fraude de ce marché le 31 mars 2016. La société ABDSF demande à la cour de réformer le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 octobre 2018 en tant qu'il n'a pas déclaré irrégulière la résiliation de ce marché et n'a pas condamné le CNED à lui verser une somme de 153 603,10 euros en réparation du préjudice matériel et moral que lui a causé cette résiliation.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont considéré que la résiliation du marché prononcée par le CND était insuffisamment motivée et, par suite, irrégulière. Dès lors et contrairement à ce que soutient la société appelante, ils n'étaient pas tenus d'examiner les autres moyens invoqués par cette dernière à l'encontre de la régularité de cette résiliation. Il suit de là que la société ABDSF n'est pas fondée à soutenir que le jugement est irrégulier au seul motif qu'il n'a pas examiné si cette résiliation était également intervenue en méconnaissance du principe du contradictoire.

Sur les demandes indemnitaires :

3. Aux termes de l'article 32.1 du cahier des clauses administratives générales : " Le pouvoir adjudicateur peut résilier le marché pour faute du titulaire dans les cas suivants : (...) i) Le titulaire s'est livré, à l'occasion de l'exécution du marché, à des actes frauduleux ". L'irrégularité de la décision du pouvoir adjudicateur de résilier un marché pour faute n'est susceptible d'ouvrir droit à réparation au profit du titulaire du marché que dans le cas où la résiliation serait, en outre, injustifiée.

4. En l'occurrence, la société ABDSF fait valoir qu'elle n'a pas bénéficié d'un enrichissement indu, que le CNED ne met plus en cause la réalité et la qualité des prestations réalisées ni le montant global des prestations facturées au titre de l'ensemble des lots et que la plainte formée par le CNED a été classée sans suite par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Poitiers au motif que les faits n'étaient pas suffisamment établis. Toutefois, elle ne conteste aucunement avoir, à la demande de la directrice de la relation client du CNED, délibérément sous-facturé les prestations qu'elle a réalisées au titre du lot n° 1 et avoir, en compensation, surfacturé ses prestations au titre du lot n° 2, dans le but de maintenir le montant du lot n° 1 en dessous du seuil à partir duquel une autorisation du conseil d'administration du CNED aurait été nécessaire. Ces irrégularités comptables, destinées à priver les instances des dirigeants du CNED de leur pouvoir de contrôle et à vicier le consentement de l'établissement public, et dont il n'avait pu être établi, à la date de la résiliation du marché si elles étaient ou non assorties d'une surfacturation globale, constituent des manoeuvres frauduleuses et justifient, par suite, la résiliation pour faute du marché sans que la société appelante puisse utilement soutenir qu'une facturation ne pourrait être, en elle-même, révélatrice d'une fraude.

5. Il résulte de ce qui précède que la société ABDSF n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges, après avoir constaté le bien-fondé de la résiliation qu'elle contestait, ont rejeté ses demandes tendant à l'indemnisation des préjudices que l'irrégularité de cette résiliation lui a causés. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

6. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société ABDSF le paiement au CNED d'une somme de 1 500 euros en application des mêmes dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société ABDSF est rejetée.

Article 2 : La société ABDSF versera au CNED une somme de 1 500 euros au titre de l'article

L 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Arvato Business Développement Services France et au Centre national d'enseignement à distance.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme E..., présidente-assesseure,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 juillet 2020.

Le président,

Éric C...

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°18BX04318


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX04318
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Résiliation.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SELARL DELSOL

Origine de la décision
Date de l'import : 29/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-09;18bx04318 ?
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