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06/07/2020 | FRANCE | N°20BX01133

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 06 juillet 2020, 20BX01133


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... I... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 10 septembre 2019 par laquelle le préfet de la Gironde a classé sans suite sa demande de renouvellement de titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un jugement n° 1905486 du 26 février 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un

mémoire, enregistrés le 25 mars 2020 et le 1er juin 2020, M. F... E... I..., représenté par Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... I... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 10 septembre 2019 par laquelle le préfet de la Gironde a classé sans suite sa demande de renouvellement de titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un jugement n° 1905486 du 26 février 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 mars 2020 et le 1er juin 2020, M. F... E... I..., représenté par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 26 février 2020 ;

2°) d'annuler la décision du préfet de la Gironde du 10 septembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de communiquer le dossier fondant la décision en litige et notamment l'intégralité des documents d'état-civil congolais le concernant ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer une carte de résident sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il est connu en France sous la même identité depuis 20 ans. Dès lors le préfet de la Gironde ne peut nullement invoquer la prétendue fraude entachant l'acte de naissance produit car cela reviendrait à se prévaloir de sa propre turpitude ;

- la motivation de la décision contestée ne satisfait pas aux exigences de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, cette décision n'étant fondée ni en droit ni en fait. Il n'est pas fait mention des conséquences de la décision sur ses enfants. Il n'est pas fait mention du texte fondant le classement sans suite. Il n'y a aucune motivation au regard de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

- la décision est entachée d'incompétence négative car le préfet de la Gironde ne s'est pas assuré de la possibilité de lui délivrer un titre de séjour sur un autre fondement que celui invoqué ; .

- le préfet n'a pas procédé à l'examen de sa situation individuelle faute d'examiner si un titre de séjour pouvait lui être délivré en qualité de parent d'enfants français ;

- les conclusions des rapports sur lesquels le préfet se fonde sont inexactes comme le démontre le constat de l'huissier de justice. En outre, il ne remplit pas les conditions pour solliciter un jugement supplétif ;

- la décision est entachée d'un défaut de base légale en l'absence de texte prévoyant le classement sans suite d'une demande de renouvellement de titre de séjour ;

- la décision méconnaît le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le titre de séjour sollicité étant délivré de plein droit. Or il est parent d'enfant français et il ne lui est pas reproché de ne pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de ses enfants ;

- dans le cadre d'une demande de renouvellement de titre de séjour, le préfet n'a pas à solliciter la production d'un acte de naissance, une carte consulaire étant suffisante ;

- il vit depuis 20 ans en France où résident ses deux enfants de nationalité française ainsi que quatre frères et soeurs. Ce refus déguisé de renouvellement de son titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

- le préfet a saisi abusivement son passeport dont il a sollicité en vain la restitution ;

- la décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant car elle est contraire à l'intérêt de ses enfants.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance dont il joint une copie.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. G... A... ;

- et les observations de Me D..., représentant . M. E... I....

Considérant ce qui suit :

1. M. E... I..., ressortissant congolais né le 14 octobre 1978, est entré en France le 8 novembre 2000 muni d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ". M. E... a séjourné régulièrement en France sous couvert de cartes de séjour portant la mention étudiant jusqu'en 2011, puis de cartes de séjour en qualité de parent d'enfants français jusqu'en 2017, puis d'une carte de séjour pluriannuelle valable jusqu'au 6 février 2019. Le 6 août 2018, M. E... I... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 10 septembre 2019, le préfet de la Gironde a classé sans suite sa demande au motif qu'il n'apportait pas de preuves justifiant de son identité et de sa nationalité conformément à l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les documents d'état civil fournis présentant un caractère irrégulier. M. E... I... relève appel du jugement du 26 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la légalité de la décision du 10 septembre 2019 du préfet de la Gironde :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Lorsque l'autorité compétente envisage de prendre une mesure qui prive un étranger du droit au séjour en France, il lui incombe notamment de s'assurer, en prenant en compte l'ensemble des circonstances relatives à la vie privée et familiale de l'intéressé, que cette mesure n'est pas de nature à porter à celle-ci une atteinte disproportionnée. S'il appartient à l'autorité administrative de tenir compte de manoeuvres frauduleuses avérées qui, en raison notamment de leur nature, de leur durée et des circonstances dans lesquelles la fraude a été commise, sont susceptibles d'influer sur son appréciation, elle ne saurait se dispenser de prendre en compte les circonstances propres à la vie privée et familiale de l'intéressé postérieures à ces manoeuvres au motif qu'elles se rapporteraient à une période entachée par la fraude.

4. Il ressort des pièces du dossier que, dans le cadre de l'instruction de sa demande de renouvellement de carte de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. E... I... a communiqué, le 20 décembre 2018, un duplicata d'acte de naissance congolais, une copie d'acte de naissance congolais et un passeport congolais, puis, le 14 février 2019, une nouvelle copie d'acte de naissance congolais et un duplicata d'acte de naissance congolais, et que, selon les rapports techniques de la cellule de lutte contre la fraude documentaire et à l'identité des 7 janvier et 11 mars 2019, ces documents sont irréguliers. Toutefois, à supposer établies ces fraudes documentaires, il est néanmoins constant qu'à la date de la décision en litige, M. E... I... réside régulièrement depuis plus de dix-huit ans en France où ses enfants sont nés en 2012 et 2015 et où il exerce une activité d'agent de médiation socio-sportif sous couvert de contrats de travail à durée déterminée de sorte que le centre de ses intérêts personnels et familiaux se trouve désormais en France. Si le préfet de la Gironde soutient que la décision en litige n'a aucune incidence sur le droit au séjour en France de M. E... I... dès lors que ce dernier est titulaire d'une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 3 décembre 2019 et que cette autorisation a été renouvelée en exécution de l'injonction prononcée par l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux du 28 novembre 2019. Il ressort cependant de la motivation de la décision en litige que cette décision n'implique pas la délivrance d'autorisations provisoires de séjour et qu'ainsi la délivrance de ces autorisations ne résulte pas de l'exécution de la décision contestée de sorte le maintien du droit au séjour en France de l'intéressé n'est nullement garanti par la décision contestée. Dans ces conditions, le classement sans suite de la demande de renouvellement de carte de séjour présentée par M. E... I... emporte des effets similaires à ceux d'un refus de titre de séjour. Par conséquent, la décision en litige, qui doit être regardée comme privant l'intéressé de son droit au séjour en France, porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la production du dossier concernant la décision en litige ni d'examiner les autres moyens invoqués, que M. E... I... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Gironde du 10 septembre 2019.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

7. Eu égard au motif d'annulation retenu, si l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle et ressortant des pièces du dossier, la délivrance à l'intéressé d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", elle n'implique en revanche pas la délivrance d'une carte de résident. Par suite, les conclusions à fin d'injonction tendant à la délivrance d'une carte de résident ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. E... I... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE

Article 1er : Le jugement n° 1905486 du 26 février 2020 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : La décision du 10 septembre 2019 du préfet de la Gironde est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. E... I... est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à M. E... I... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E... I..., au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme C... B..., présidente-assesseure,

M. G... A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 juillet 2020.

Le président,

Pierre Larroumec

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX01133


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01133
Date de la décision : 06/07/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : C. KISSANGOULA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-06;20bx01133 ?
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