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06/07/2020 | FRANCE | N°20BX00791

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 06 juillet 2020, 20BX00791


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 7 mai 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1905341 du 12 février 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 mars 2020, M. F... E.

.., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 7 mai 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1905341 du 12 février 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 mars 2020, M. F... E..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 février 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 mai 2019 du préfet de la Gironde ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de se prononcer à nouveau sur.son droit au séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce que soutient le préfet, le recours est recevable car la notification de l'arrêté est irrégulière car elle a été effectuée à une adresse erronée ;

- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente en l'absence de délégation de signature régulièrement publiée ;

- depuis son arrivée en France, il a obtenu un certificat de formation générale et il est inscrit en seconde année de CAP électricien. Il est bien intégré et son père, ses frères et ses soeurs habitent en France. Il ne peut retourner vivre au Cameroun où l'homosexualité est pénalement réprimée et où sa mère l'a rejeté. Le refus de titre de séjour méconnaît donc le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- pour ces mêmes motifs, le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- comme il peut bénéficier de plein droit d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en cas de retour au Cameroun, en raison de son homosexualité, il encourt une peine d'emprisonnement de six mois assortie d'une amende. Eu égard à ce risque, la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance dont il joint une copie.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. G... A... a été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant camerounais né le 7 août 1999, est, selon ses déclarations, entré en France en juin 2016. Par un arrêté du 7 mai 2019, le préfet de la Gironde a rejeté la demande de titre de séjour formée par M. E... le 28 décembre 2017, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. E... relève appel du jugement du 12 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté dans son ensemble :

2. M. E... reprend en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans contester la réponse apportée par le tribunal administratif, le moyen tiré de l'incompétence du signataire. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Pour l'application des stipulations et dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

4. Si M. E... soutient être entré en France en juin 2016, les pièces versées au dossier ne permettent d'établir sa présence en France qu'à partir de mars 2017. Par ailleurs, s'il soutient, pour la première fois en appel, être en couple avec un français, l'attestation de ce dernier, non datée et peu circonstanciée, ne permet pas à elle seule d'établir qu'ils étaient en couple à la date de l'arrêté en litige alors que dans la fiche familiale renseignée le 11 septembre 2018 il n'avait pas mentionné de conjoint. En outre, si M. E... se prévaut de la présence en France de son père, de deux beaux-frères et d'une belle-soeur, il n'est pas contesté qu'il a vécu la majeure partie de sa vie auprès de sa mère au Cameroun alors que son père vivait en France et il n'est ni établi ni même allégué qu'il connaissait ses beaux-frères et sa belle-soeur avant sa venue en France. S'il soutient que sa mère l'a rejeté après qu'il lui ait fait part de son homosexualité, l'homosexualité étant un délit au Cameroun, il ne produit aucune pièce au soutien de cette allégation. Dans ces conditions, la circonstance que M. E... se soit bien intégré, comme en témoignent ses résultats scolaires et les attestations élogieuses de ses enseignants, ne permet pas, eu égard à la brève durée de son séjour en France et à sa situation familiale, de révéler une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels a été opposé le refus de titre de séjour. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, ce refus de titre de séjour n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de M. E....

5. En second lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2(...) " En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

6. Contrairement à ce que soutient M. E..., les circonstances exposées au point 4 ne sauraient être regardées comme des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour.

8. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les motifs énoncés au point 4.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

9. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

10. M. E..., qui n'a pas présenté de demande d'asile en France, soutient qu'un retour dans son pays d'origine l'exposerait à des risques de poursuites pénales et de vindicte populaire en raison de son orientation sexuelle. Toutefois, la seule production de rapports d'organisations non gouvernementales sur les violences dont sont victimes les minorités sexuelles ne permet pas d'établir le caractère personnel des risques allégués. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Gironde, que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 mai 2019 du préfet de la Gironde. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme D... C..., présidente-assesseure,

M. G... A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 juillet 2020.

Le président,

Pierre Larroumec

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX00791


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00791
Date de la décision : 06/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : CESSO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-06;20bx00791 ?
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