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06/07/2020 | FRANCE | N°20BX00747

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 06 juillet 2020, 20BX00747


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2019 par lequel le préfet de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1902446 du 22 janvier 2020 le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 février 2020, Mme

E..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en date du 22 janvie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2019 par lequel le préfet de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1902446 du 22 janvier 2020 le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 février 2020, Mme E..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en date du 22 janvier 2020 ;

2°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Vienne du 29 juillet 2019 ;

4°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans le délai de trente jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros qui devra être versée à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, moyennant la renonciation dudit avocat à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de délivre de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la rupture de la vie commune avec son époux n'est pas une cause de refus de délivrance ou de renouvellement de son titre de séjour dans la mesure où elle résulte du décès de ce dernier ; aucune disposition ne fait obstacle à ce que lui soit délivré un titre de séjour ; le décès de son époux est intervenu le 16 octobre 2018 postérieurement à la délivrance de son visa ;

- la demande de regroupement familial a été introduite le 1er avril 2017 par son époux ;

- les autorités consulaires français étaient informées des graves problèmes de santé de son époux ;

- elle ne dispose plus de famille directe au Cameroun, elle a quitté son emploi et vendu ses biens immobiliers pour s'installer en France où ses enfants sont désormais scolarisés ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision méconnaît les articles 3 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- cette décision est dépourvue de base légale dès lors que la décision portant refus de séjour est illégale ;

- la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale dès lors que les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire sont illégales.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 juin 2020, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 juin 2020.

Vu_ les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. F... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante camerounaise, née le 6 juin 1980 à Bandjoun (Cameroun), est entrée en France le 9 décembre 2018, sous couvert d'un visa de type D valable du 12 novembre 2018 au 10 février 2019 portant la mention " regroupement familial ". Elle relève appel du jugement en date du 22 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 juillet 2019 par lequel le préfet de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle, à titre provisoire :

2. Mme E... ayant été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 25 juin 2020, ses conclusions tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.

Sur les conclusions à fins d'annulation :

En ce qui concerne le refus de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 1° A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, dont l'un des parents au moins est titulaire de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle ou de la carte de résident, ainsi qu'à l'étranger entré en France régulièrement dont le conjoint est titulaire de l'une ou de l'autre de ces cartes, s'ils ont été autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial dans les conditions prévues au livre IV ; (...) ". Aux termes de l'article L. 431-1 du même code : " Les membres de la famille entrés en France régulièrement au titre du regroupement familial reçoivent de plein droit une carte de séjour temporaire, dès qu'ils sont astreints à la détention d'un titre de séjour. (...) ". Enfin aux termes de l'article L. 431-2 de ce code : " En cas de rupture de la vie commune ne résultant pas du décès de l'un des conjoints, le titre de séjour qui a été remis au conjoint d'un étranger peut, pendant les trois années suivant l'autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial, faire l'objet d'un retrait ou d'un refus de renouvellement./ Lorsque la rupture de la vie commune est antérieure à la demande de titre, l'autorité administrative refuse de l'accorder (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme E..., qui est entrée en France le 9 décembre 2018, sous couvert d'un visa de type D valable du 12 novembre 2018 au 10 février 2019 portant la mention " regroupement familial " et sur lequel il était indiqué " carte de séjour à solliciter dans les deux mois suivants l'arrivée ", a présenté une demande de titre de séjour le 24 juin 2019, soit après la rupture de la vie commune résultant du décès de son époux survenu le 16 octobre 2018. Par conséquent, le préfet de la Vienne ne pouvait légalement lui délivrer un titre de séjour au titre du regroupement familial en vertu des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Si Mme E... fait valoir qu'elle a transféré le centre de ses intérêts en France où elle pratique des activités de bénévolat, sportives et associatives, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle vivait en France depuis moins d'un an à la date de la décision contestée et qu'elle a vécu au Cameroun jusqu'à l'âge de 38 ans. Dans ces conditions, et alors même qu'elle aurait vendu ses biens immobiliers et quitter son emploi avant de venir s'installer en France, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par conséquent, le préfet de la Vienne n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs la décision portant refus de séjour n'est pas entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

7. Enfin, la requérante qui n'a demandé que la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement au titre du regroupement familial ne peut utilement se prévaloir du moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, en l'absence d'illégalité de la décision portant refus de séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas privée de base légale.

9. En deuxième lieu, et pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ". L'article 9 de la même convention stipule : " Les États parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant. (...) ".

11. Mme E..., qui ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant qui créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droit aux intéressés, n'invoque aucun élément qui ferait obstacle à ce que ses enfants, nés en 2005 et 2012 et de nationalité camerounaise, repartent avec elle au Cameroun où ils pourraient poursuivre leurs scolarités. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

12. En l'absence d'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, la décision fixant le pays de renvoi n'est pas privée de base légale.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 juillet 2019 par lequel le préfet de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par voie de conséquence il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme E... tendant à son admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme E... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pierre F..., président,

Mme D... C..., présidente assesseure

M. Paul-André Braud, premier-conseiller

Lu en audience publique, le 6 juillet 2020.

Le président,

Pierre F...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX00747


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00747
Date de la décision : 06/07/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Pierre LARROUMEC
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : EKOUE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-06;20bx00747 ?
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