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06/07/2020 | FRANCE | N°20BX00517

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 06 juillet 2020, 20BX00517


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I... épouse F... a demandé au tribunal administratif de Pau, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2019 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a assignée à résidence dans ce département pour une durée de quarante-cinq jours, ou à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile statue

sur son recours, ou à titre infiniment subsidiaire, de saisir avant dire droit la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I... épouse F... a demandé au tribunal administratif de Pau, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2019 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a assignée à résidence dans ce département pour une durée de quarante-cinq jours, ou à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile statue sur son recours, ou à titre infiniment subsidiaire, de saisir avant dire droit la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles portant sur l'interprétation de l'article 46 de la directive européenne 2013/32/UE du 23 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale et de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 du Parlement européen et du Conseil, en particuliers son article 5.

Par un jugement n° 1902005 du 17 septembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 février 2020, Mme I... épouse F..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 17 septembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2019 du préfet des Hautes-Pyrénées;

3°) à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français contenue dans cet arrêté dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne fait pas mention de la décision d'admission à l'aide juridictionnelle pour l'introduction d'un recours devant la Cour nationale du droit d'asile ;

- cette omission révèle un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît le droit d'asile, consacré constitutionnellement, qui découle également de la convention de Genève sur les réfugiés du 28 juillet 1951 et de l'article 18 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, le principe de non refoulement et le droit pour l'étranger de se maintenir sur le territoire français jusqu'à ce qu'intervienne une décision définitive sur sa demande d'asile ;

- elle méconnaît le droit à un recours effectif garanti par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'est pas satisfait par la possibilité de demander au juge administratif, dans un court délai de 48h, alors qu'elle ne maîtrise pas la langue française, la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement, avant que la Cour nationale du droit d'asile n'ait statué sur son recours dirigé contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. A cet égard le contenu de sa demande d'asile est strictement confidentiel et ne peut être apprécié que par le juge de l'asile. Enfin la décision contestée la prive de la possibilité d'être entendue personnellement par la Cour nationale du droit d'asile en méconnaissance des dispositions des articles L. 733-1, L. 733-1-1, L. 733-5 et R. 733-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence:

- elle est insuffisamment motivée, dès lors que le préfet ne précise pas les éléments de fait qui l'ont poussé à édicter cette décision attentatoire à sa liberté d'aller et venir conformément aux dispositions de l'article L 744-9-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision l'empêche de sortir du département des Hautes-Pyrénées, de sorte qu'elle n'est pas en mesure de comparaître personnellement à l'audience devant la Cour nationale du droit d'asile en méconnaissance des stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la demande de suspension :

- le premier juge s'est cru à tort lié par la décision de rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

- le premier juge a insuffisamment motivé sa décision, dès lors que pour refuser de suspendre la mesure d'éloignement en litige, il a écarté sans justification les nouvelles pièces produites à l'instance qui n'avaient pas été examinées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

- l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être suspendue dès lors qu'il existe des éléments sérieux de nature à justifier son maintien sur le territoire national le temps de l'examen de son recours par la Cour nationale du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2020, le préfet des Hautes-Pyrénées conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par Mme F... ne sont pas fondés.

Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 93-325 DC du 13 août 1993 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. H... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., ressortissante géorgienne né le 17 avril 1991, est entrée en France le 15 avril 2019 selon ses déclarations, accompagnée de son mari et de ses deux enfants mineurs. Le 21 mai 2019, elle a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 23 juillet 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans la cadre de la procédure accélérée prévue par les dispositions du 1° du I de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 9 septembre 2019, le préfet des Hautes-Pyrénées l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination et l'a assignée à résidence. Mme F... relève appel du jugement du 17 septembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté, ou, à titre subsidiaire, à la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Mme F... soutient que le premier juge a insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de la production d'éléments sérieux de nature à justifier son maintien sur le territoire national durant l'examen de son recours par la Cour nationale du droit d'asile en application de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faute d'indiquer les motifs pour lesquels les certificats médicaux de 2016 et 2017 ne peuvent être qualifiés d'éléments sérieux. Il ressort cependant des écritures de première instance de Mme F..., et notamment de la note en délibéré, qu'elle se prévalait de ces documents pour établir que son mari a été victime de persécutions de la part de son père, or dans sa réponse à la demande présentée sur le fondement de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le premier juge indique au point 26 que " Mme F... soutient que son père qui vit en Géorgie est violent à son égard (...) Dans la mesure où l'Office français de protection des réfugiés et apatrides s'est déjà prononcé sur [cet] élément dans sa décision du 23 juillet 2019, la requérante ne justifie pas, au titre de sa demande d'asile, de la nécessité d'être maintenue sur le territoire au sens des dispositions précitées ", énonçant ainsi le motif pour lequel cette allégation ne pouvait être qualifiée d'élément sérieux au sens de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le défaut de motivation allégué manque en fait.

Sur la légalité de l'arrêté du 9 septembre 2019 :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...).".

4. L'arrêté en litige, après avoir visé la décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 23 juillet 2019, fonde l'obligation de quitter le territoire français sur ce que l'intéressée, qui provient d'un pays d'origine sûr, ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français sur le fondement du 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et sur ce qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale compte tenu de son entrée récente sur le territoire national déclarée le 15 avril 2019, de ce qu'elle ne peut se prévaloir de liens personnels et familiaux intenses suffisamment anciens et stables en France, de ce que son époux est sous le coup d'une mesure d'éloignement identique, de ce que ses deux enfants nés en 2013 et 2017 ont vocation à suivre leurs parents, de ce que la cellule familiale ne saurait être séparée et de ce qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans. Dans ces conditions, la décision en litige qui, contrairement à ce que soutient l'intéressée mentionne le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle auprès de la Cour nationale du droit d'asile enregistrée le 13 août 2019, alors qu'il ne s'agit pas d'un motif fondant l'obligation de quitter le territoire français, énonce les considérations de droit et de fait fondant cette mesure d'éloignement, satisfaisant ainsi à l'obligation de motivation prévue par l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le caractère suffisant de cette motivation révèle, en outre, que le préfet des Hautes-Pyrénées s'est livré à un examen de la situation personnelle de Mme F....

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci (...) ". Aux termes de l'article L. 743-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : / (...) 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 (...) ". Aux termes de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'office statue en procédure accélérée lorsque : / 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1(...) ".

6. Aux termes de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ". Aux termes de l'article 18 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Le droit d'asile est garanti dans le respect des règles de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés et conformément au traité instituant la Communauté européenne. "

7. Par sa décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution les dispositions du 2° de l'article 12 de la loi du 10 septembre 2018 dont sont issues les dispositions du 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le Conseil constitutionnel a jugé, d'une part, que ces dispositions ne privent pas les intéressés de la possibilité d'exercer un recours contre la décision de rejet de l'Office et, d'autre part, que le 3° de l'article 12 de la loi déférée complète l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prévoyant, dans les hypothèses visées aux 4° bis et 7° de l'article L. 743-2 du même code, que l'intéressé faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français peut demander au président du tribunal administratif la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si cette dernière est saisie, jusqu'à sa décision. Il en a déduit que les dispositions du 2° de l'article 12 de la loi du 10 septembre 2018 ne méconnaissaient ni le droit à un recours juridictionnel effectif, ni le droit d'asile, ni le principe d'égalité devant la loi, ni aucune autre exigence constitutionnelle. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du droit d'asile, rappelé à l'article 18 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et du droit à un recours effectif, garanti par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en raison de l'application du 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent, en tout état de cause, être écartés.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

8. Il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

En ce qui concerne l'assignation à résidence :

9. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 744-9-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque le droit au maintien de l'étranger a pris fin en application du 4° bis ou du 7° de l'article L. 743-2 et qu'une obligation de quitter le territoire français a été prise à son encontre, l'autorité administrative peut, aux fins du traitement rapide et du suivi efficace de sa demande d'asile, l'assigner à résidence selon les modalités prévues aux trois derniers alinéas de l'article L. 561-1, pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable une fois. (...) / L'assignation à résidence ou le placement en rétention s'effectue dans les conditions prévues au livre V. Lorsque ces décisions sont prises en application du premier alinéa du présent I, la procédure contentieuse se déroule selon les modalités prévues au III de l'article L. 512-1. ".

10. L'arrêté contesté, qui vise notamment les articles L. 744-9-1 et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne que Mme F... ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français et qu'il importe qu'aux fins du traitement rapide et du suivi de sa demande d'asile, le préfet soit en mesure de vérifier sa présence dans le département où il est domicilié. Cette décision comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet des Hautes-Pyrénées s'est fondé pour assigner Mme F... à résidence. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

11. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant assignation à résidence serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

12. En dernier lieu, à supposer même que l'audience à la Cour nationale du droit d'asile ait lieu pendant la période d'assignation à résidence, la faculté pour Mme F..., de se faire représenter à l'audience par son avocat ou d'obtenir du préfet une autorisation pour quitter le département des Hautes-Pyrénées pour se rendre personnellement à la Cour nationale du droit d'asile, confère à Mme F... des garanties suffisantes pour exercer utilement son droit à un recours effectif. de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la demande de suspension de l'obligation de quitter le territoire français :

13. Aux termes l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre (...). / Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l'article L. 743-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné statuant sur le recours formé en application de l'article L. 512-1 contre l'obligation de quitter le territoire français de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour ".

14. Dans les cas mentionnés au point précédent, l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français qui forme, en application de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un recours contre celle-ci peut, en application de l'article L. 743-3 précité, saisir le tribunal administratif de conclusions à fins de suspension de cette mesure d'éloignement. Il est fait droit à la demande de suspension de la mesure d'éloignement si le juge a un doute sérieux sur le bien-fondé de la décision de rejet ou d'irrecevabilité opposée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides à la demande de protection, au regard des risques de persécutions allégués ou des autres motifs retenus par l'Office. Les moyens tirés des vices propres entachant la décision de l'Office ne peuvent utilement être invoqués à l'appui des conclusions aux fins de suspension de la mesure d'éloignement, à l'exception de ceux ayant trait à l'absence, par l'Office, d'examen individuel de la demande ou d'entretien personnel en dehors des cas prévus par la loi ou de défaut d'interprétariat imputable à l'Office. A l'appui de ses conclusions à fin de suspension, qui peuvent être présentées sans le ministère d'avocat, le requérant peut se prévaloir d'éléments apparus et de faits intervenus postérieurement à la décision de rejet ou d'irrecevabilité de sa demande de protection ou à l'obligation de quitter le territoire français, ou connus de lui postérieurement.

15. En produisant deux certificats médicaux faisant état de ce que son époux a été hospitalisé le 11 novembre 2016 en raison de céphalées, de pertes d'équilibre et de tremblements ayant commencé après un conflit familial, puis le 10 décembre 2017 pour le traitement chirurgical d'une plaie, ainsi que le témoignage d'anciens voisins, non daté et peu circonstancié, faisant état du comportement violent de son père à l'égard de sa famille, Mme F... ne peut être regardée comme présentant des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la Cour nationale du droit d'asile. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau, qui ne s'est pas estimé lié par la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, a rejeté sa demande de suspension.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Hautes-Pyrénées du 9 septembre 2019 et a refusé d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire prise à son encontre. Par suite, ses conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I... épouse F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme D... C..., présidente-assesseure,

M. H... A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 juillet 2020.

Le président,

Pierre Larroumec

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX00517


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00517
Date de la décision : 06/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : PATHER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-06;20bx00517 ?
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