La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/2020 | FRANCE | N°18BX04167

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 06 juillet 2020, 18BX04167


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner la commune de Saint-Denis à lui verser la somme de 17 760,68 euros en réparation du préjudice matériel subi, lors des années 2013 à 2016, du fait de l'illégalité du reclassement indiciaire effectué à l'occasion de sa nomination en qualité d'adjoint administratif territorial de 2ème classe, ainsi que la somme de 4 500 euros en réparation de son préjudice moral et qu'il soit enjoint à la commune de régulariser sa rémunéra

tion sur la base du salaire qui lui était alloué avant son intégration dans la fon...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner la commune de Saint-Denis à lui verser la somme de 17 760,68 euros en réparation du préjudice matériel subi, lors des années 2013 à 2016, du fait de l'illégalité du reclassement indiciaire effectué à l'occasion de sa nomination en qualité d'adjoint administratif territorial de 2ème classe, ainsi que la somme de 4 500 euros en réparation de son préjudice moral et qu'il soit enjoint à la commune de régulariser sa rémunération sur la base du salaire qui lui était alloué avant son intégration dans la fonction publique territoriale.

Par un jugement n°1601338 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de La Réunion a condamné la commune de Saint-Denis à verser à Mme A... une indemnité de 17 760,68 euros au titre de son préjudice financier et a rejeté le surplus des conclusions de Mme A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2018, la commune de Saint-Denis, représentée par la SCP Gadiou-Chevallier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 4 octobre 2018;

2°) de rejeter la demande de Mme A... présentée devant le tribunal administratif de La Réunion ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier au regard de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, car, s'il vise les moyens des parties, il n'en fait pas l'analyse ;

- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa fin de non-recevoir, tirée de la tardiveté de la requête, qu'elle réitère ;

- la commune n'a pas commis de faute à l'égard de Mme A... en lui attribuant une rémunération insuffisante ; elle a fait une exacte application des dispositions de l'article 6-1 du décret du 30 décembre 1987 ; en outre, l'indice attribué à l'agent ne peut être supérieur à l'indice maximum qu'il peut atteindre dans son cadre d'emploi ; en l'espèce, le classement indiciaire de l'agent en qualité de contractuel incluait le bénéfice d'une majoration de traitement de 35 % ouverte aux agents titulaires, en raison de l'attribution de l'indemnité dite " de vie chère " et ce, afin d'assurer la même rémunération à tous ; ainsi, l'indice de Mme A... avait été volontairement majoré, avant son intégration, pour qu'il soit tenu compte de l'avantage dont bénéficient les agents titulaires du fait de cette majoration de leur traitement ; c'est à la suite d'un accord intersyndical de 1999 que l'indice des contractuels a été volontairement surévalué pour ce motif ; par suite, en retenant, au stade de la titularisation, un indice plus faible mais assorti de la prime en question, la commune s'est attachée à respecter la finalité des principes posés par le décret du 30 décembre 1987 ; à supposer qu'elle ne l'ait pas respecté sur la forme, elle en a garanti l'effectivité et l'objectif ;

- en tout état de cause, cela n'a créé aucun préjudice à Mme A..., puisqu'elle n'a ainsi subi aucune perte de rémunération lorsqu'elle a été titularisée, quand bien même le décret du 30 décembre 1987 aurait été méconnu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2019, Mme A..., représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement, en demandant qu'il soit mis à la charge de la commune la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 9 janvier 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 87-1107 du 30 décembre 1987 portant organisation des carrières des fonctionnaires des catégories C et D ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 305-2020 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A... était employée par la commune de Saint-Denis depuis 1985 en qualité d'agent contractuel. En dernier lieu, sa rémunération était fixée sur la base de l'indice brut 479 (indice majoré 416). Par arrêté du 29 avril 2013, elle a été nommée adjoint administratif territorial de 2ème classe stagiaire à compter du 1er avril 2013 et classée au 8ème échelon de l'échelle 3, auquel correspondait l'IB 337 (IM 319) puis l'IB 349 (IM 327) à compter du 1er février 2014. Ayant été titularisée avec effet au 1er avril 2014, sa rémunération a été par la suite fixée sur la base de l'IB 358 (IM 333) puis de l'IB 364 (IM 338). Elle a sollicité auprès de son employeur, le 11 septembre 2015, l'indemnisation du préjudice matériel et du préjudice moral qu'elle estime avoir subis du fait de l'insuffisance, au regard des règles de reclassement indiciaire définies par le décret du 30 décembre 1987, de la rémunération qui lui a été octroyée pendant plusieurs années à la suite de son intégration dans la fonction publique territoriale. Cette demande ayant été implicitement rejetée, Mme A... a saisi le tribunal administratif le 30 décembre 2016 pour réitérer ses prétentions indemnitaires. La commune de Saint-Denis fait appel du jugement du tribunal administratif de La Réunion du 4 octobre 2018, qui l'a condamnée à verser à Mme A... une indemnité de 17 760,68 euros, représentative de son préjudice financier.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".

3. Il résulte de l'examen de la minute du jugement que celui-ci comporte l'analyse des moyens des mémoires échangés entre les parties. La circonstance que cette analyse ne figurait pas dans l'expédition de ce jugement adressée à la commune est sans effet sur la régularité du jugement attaqué.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune :

4. La commune réitère en appel la fin de non-recevoir pour tardiveté, déjà opposée à l'action contentieuse de Mme A... au motif que les décisions portant nomination en qualité de stagiaire puis titulaire n'ayant pas été contestées dans le délai de recours de deux mois, sont ainsi devenues définitives avec toutes les conséquences pécuniaires qui en sont inséparables. Cependant, comme l'ont déjà relevé à juste titre les premiers juges, de telles décisions ne sauraient être regardées comme ayant un objet exclusivement pécuniaire. Par suite, Mme A... était recevable, par son recours enregistré le 30 décembre 2016 au greffe du tribunal administratif, soit avant l'entrée en vigueur de la nouvelle rédaction de l'article R. 421-3 du code de justice administrative issue du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016, à former un recours de plein contentieux tendant à l'octroi d'une indemnité au titre de l'insuffisance des rémunérations perçues par elle durant la période d'avril 2013 à décembre 2016.

Sur le bien-fondé de la demande indemnitaire de Mme A... :

5. Aux termes de l'article 6-1 du décret du 30 décembre 1987 : " Les personnes nommées fonctionnaires dans un cadre de catégorie C doté des échelles de rémunération 3, 4 et 5 qui ont, ou avaient auparavant, la qualité d'agent public, sont classées avec une reprise d'ancienneté égale aux trois quarts de la durée des services civils qu'ils ont accomplis (...) / Lorsque l'application de ces dispositions aboutit à classer les intéressés à un échelon doté d'un indice de traitement inférieur à celui dont ils bénéficiaient dans leur emploi précédent, ils conservent, à titre personnel, le bénéfice de leur traitement antérieur (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'indice permettant de déterminer le traitement indiciaire dont bénéficiera l'agent intégrant en qualité de stagiaire un cadre d'emplois doit être égal à l'indice correspondant à la rémunération, hors indemnités et majorations de traitement, qu'il percevait en qualité d'agent contractuel avant son intégration.

6. Pas plus en appel qu'en première instance, il ne résulte de l'instruction que la rémunération mensuelle autrefois servie à Mme A..., alors agent contractuel, qui était calculée sur la base de l'IB 479, aurait comporté des accessoires du traitement ou englobé la majoration de traitement liée à une affectation à La Réunion. En effet, si la commune invoque sa volonté de ne pas créer de disparités entre la rémunération des agents contractuels et des agents titulaires, seuls ces derniers percevant une majoration de traitement de 35 % pour " vie chère " et fait référence à un accord intersyndical de 1999, elle n'étaye toujours pas ses allégations d'éléments propres à la situation de Mme A... antérieurement à son recrutement en qualité de fonctionnaire stagiaire puis titulaire. Dans ces conditions, en ayant fixé le traitement indiciaire applicable à cet agent à compter du 1er avril 2013 par la seule référence à l'IB 337 afférent au 8ème échelon de l'échelle 3, lequel correspond à une rémunération inférieure à celle que l'intéressée percevait en qualité d'agent contractuel avant son recrutement, la commune de Saint-Denis, qui ne pouvait légalement prendre en compte les indemnités majorant son traitement à compter de sa nomination comme adjoint technique territorial stagiaire puis titulaire, pour prétendre maintenir sa rémunération au même niveau que précédemment, a fait, comme elle l'admet d'ailleurs, une inexacte application des dispositions précitées de l'article 6-1 du décret du 30 décembre 1987.

7. Par suite, et même si la rémunération globale de Mme A... est restée inchangée lorsqu'elle a été recrutée en tant que fonctionnaire, en lui attribuant au moment de ce recrutement en avril 2013, mais aussi lors de l'ensemble de la période suivante jusqu'au mois de décembre 2016, un indice, et donc un traitement indiciaire, inférieurs à ceux qui étaient les siens précédemment, la commune a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

8. Contrairement à ce que fait valoir la commune, cette faute a entraîné pour Mme A... un préjudice financier, issu de ce différentiel indiciaire. Le calcul de ce préjudice effectué par les premiers juges n'étant contesté en appel ni par la commune, ni par Mme A..., il y a lieu de considérer que c'est à juste titre qu'ils l'ont évalué à la somme totale de 17 760,68 euros.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et en l'absence d'appel incident de Mme A... sur le rejet du surplus de ses conclusions, que la commune de Saint-Denis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion l'a condamnée à verser à Mme A... une indemnité de 17 760,68 euros.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme que demande la commune de Saint-Denis sur ce fondement. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la commune une somme de 1 000 euros que demande Mme A... sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Saint-Denis est rejetée.

Article 2 : La commune de Saint-Denis versera à Mme A... la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Denis et à Mme C... A....

Délibéré après l'audience du 22 juin 2020 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme Karine Butéri, président-assesseur,

Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 juillet 2020.

Le président,

Pierre Larroumec

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX04167


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX04167
Date de la décision : 06/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

38-08-02 Logement.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : SCP GADIOU CHEVALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-06;18bx04167 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award