Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... K... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 9 juin 2016 par laquelle l'inspecteur du travail de la section 31-05-10 de Haute-Garonne a autorisé le mandataire judiciaire de la société du Bâtiment Midi Toulousain (SBMT) à le licencier pour motif économique.
Par un jugement n° 1603399 du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 24 juillet 2018, et le 28 juin 2019, M. C... K..., représenté par Me D... I..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 29 juin 2018 ;
2°) d'annuler l'autorisation du 9 juin 2016 ;
3°) de lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision ne satisfait pas à l'obligation de motivation instituée par les articles R. 2421-5 et R. 2421-12 du code du travail en l'absence de mention des recherches entreprises pour estimer que le reclassement au sein du groupe auquel appartient son employeur était impossible ;
- il a accepté la convention de reclassement personnalisée le 24 juin 2016. Préalablement à cette acceptation, il n'a été destinataire que d'un courrier ne correspondant pas à une information complète en l'absence d'une recherche de reclassement au sein du groupe auquel appartient son employeur. L'inspecteur du travail ne s'est donc pas prononcé sur la réalité de la motivation de la convention de reclassement ;
- il n'y a pas eu de recherches de reclassement en l'absence de recherches au sein du groupe SBMT-A2D2. Son employeur est une filiale de la société groupe SBMT-A2D2 qui détient 67% de son capital et dont les activités, la direction et des sièges d'exploitation sont identiques. L'obligation de reclassement n'a donc pas été respectée ;
- le motif économique du licenciement n'est pas fondé dans la mesure où la liquidation judiciaire de son employeur est frauduleuse. Le dirigeant de la société ayant exprimé en 2013 son souhait de cesser l'activité dans un délai de trois à quatre ans. La faillite a été provoquée par le transfert de marchés au profit de la société SBIMP appartenant au même groupe.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2018, Me F... en sa qualité de mandataire judiciaire de la société SBMT, représenté par Me E..., conclut :
- au rejet de la requête ;
- à ce que soit mise à la charge de M. A... K... la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens invoqués par M. A... K... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2019, le ministre du travail conclut au rejet de la requête en s'en remettant aux écritures de première instance de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi dont il joint une copie.
Par ordonnance du 17 octobre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 18 novembre 2019 à midi.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. L... B...,
- et les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... K... a été recruté par la société du Bâtiment Midi Toulousain (SBMT) le 6 octobre 2003 en qualité de maçon. Par trois jugements des 20 octobre 2015, 9 février 2016 et 19 avril 2016, le tribunal de commerce de Toulouse a, respectivement, ouvert une procédure de sauvegarde en faveur de la SBMT, placé cette société en redressement judiciaire et prononcé sa liquidation judiciaire. Le 11 mai 2016, le mandataire judiciaire de la SBMT a sollicité l'autorisation de licencier pour motif économique M. A... K... eu égard à son ancien mandat de délégué du personnel et à sa candidature aux élections des délégués du personnel. Par une décision du 9 juin 2016, l'inspecteur du travail de la section 31-05-10 de Haute-Garonne a autorisé ce licenciement. M. A... K... relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 29 juin 2018 rejetant sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. D'une part, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière. Pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu, à ce titre, comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 2421-12 du code du travail, lorsque l'inspecteur du travail se prononce sur une demande d'autorisation de licenciement : " La décision de l'inspecteur est motivée (...) ".
4. Si la décision de l'inspecteur du travail vise les textes dont elle fait application, elle se borne, s'agissant de l'exercice de l'obligation de reclassement, à indiquer que la SBMT a cessé totalement et définitivement son activité sans que le jugement du tribunal de commerce ne prévoit de possibilité de reprise dans la continuité de l'activité pour en conclure que " le reclassement de Monsieur C... A... K... n'est pas envisageable ". Si aucun reclassement au sein de la société n'était effectivement envisageable, la cessation totale et définitive de l'activité ne suffit pas à elle seule pour estimer que le reclassement est inenvisageable, cette impossibilité étant également subordonnée à la circonstance que la société n'appartienne pas à un groupe. Dès lors, une telle motivation, qui ne précise pas si la société appartenait ou non à un groupe et qui ne fait état d'aucune tentative de reclassement, ne se prononce pas sur le caractère sérieux de la recherche des possibilités de reclassement alors qu'il résulte de ce qui énoncé au point 2 qu'il s'agit d'un élément qui doit être contrôlé par l'autorité administrative lorsqu'elle est saisie, comme en l'espèce, d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique d'un salarié investi de fonctions représentatives et qui doit de ce fait figurer dans les motifs de la décision. Par suite, la décision du 9 juin 2016 est insuffisamment motivée.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que M. A... K... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 juin 2016 par laquelle l'inspecteur du travail de la section 31-05-10 de Haute-Garonne a autorisé le mandataire judiciaire de la société du Bâtiment Midi Toulousain (SBMT) à le licencier pour motif économique.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A... K..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le mandataire judiciaire de la SBMT demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. A... K... présentées sur le fondement de ce même article.
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 1603399 du tribunal administratif de Toulouse du 29 juin 2018 est annulé.
Article 2 : La décision de l'inspecteur du travail de la section 31-05-10 de Haute-Garonne du 9 juin 2016 est annulée.
Article 3 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... K..., au ministre du travail et à Me F..., mandataire judiciaire de la société du Bâtiment Midi Toulousain. Copie en sera transmise à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Occitanie.
Délibéré après l'audience du 8 juin 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme H... G..., présidente-assesseure,
M. L... B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 juillet 2020.
Le président,
Pierre Larroumec
La République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX02929