Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... F... a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner la communauté d'agglomération du sud (CASUD) à lui verser les sommes de 11 712, 03 euros correspondant à une perte de traitement, de 2 744,08 euros correspondant à l'indemnité d'exercice de missions des préfectures (IEMP) et de 2 012 euros correspondant à l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS) qu'elle était selon elle en droit de percevoir ainsi que les sommes de 2 500 euros et de 1 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de l'absence de versement de ces sommes.
Par un jugement n° 1600021 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de La Réunion a condamné la CASUD à verser à Mme F... la somme de 5 750,08 euros et a rejeté le surplus des demandes.
Procédures devant la cour :
I. Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 18BX02183 le 1er juin 2018 et le 30 octobre 2018, la CASUD, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 15 mars 2018 en tant qu'il l'a condamnée à verser à Mme F... la somme de 5 750,08 euros ;
2°) de rejeter l'ensemble des demandes indemnitaires de Mme F... ;
3°) de mettre à la charge de Mme F... le versement d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est recevable dès lors qu'elle a été déposée dans le délai de trois mois applicable en vertu des dispositions de l'article R.421-7 du code de justice administrative ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en s'estimant saisi d'un recours de plein contentieux et non d'un recours pour excès de pouvoir ;
- le tribunal a dénaturé les pièces du dossier ;
- les indemnités dont Mme F... réclame le paiement ne lui étaient pas dues dès lors qu'au titre de la période en litige elle n'assumait plus les missions correspondantes et qu'elle en avait bénéficié indûment au titre de ses contrats d'agent non titulaire ;
- elle ne remplissait pas les critères nécessaires au versement de ces primes ;
- le président de la communauté d'agglomération est seul habilité à répartir entre les agents le montant individuel des primes et indemnités en fonction de l'appréciation concrète portée sur la qualité de leur service et de leurs contraintes ;
- le tribunal, qui a seulement tenu compte de la manière de servir de Mme F..., ne disposait pas des éléments d'appréciation nécessaires et devait à tout le moins renvoyer l'intéressée devant l'administration pour le calcul des sommes éventuellement dues ;
- Mme F... n'a pas subi de préjudice moral dès lors que sa situation financière s'est améliorée à compter de sa titularisation.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er octobre 2018, Mme F..., représentée par Me B..., conclut à titre principal à l'irrecevabilité de la requête et à titre subsidiaire au rejet de celle-ci. Elle demande qu'il soit enjoint à la CASUD d'exécuter l'arrêt à intervenir dans un délai de 10 jours sous astreinte de 200 euros par jour de retard ainsi que le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et des entiers dépens.
Elle fait valoir que :
- la requête d'appel est tardive ;
- aucun des moyens soulevés par Mme F... n'est fondé.
Par une ordonnance du 28 août 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 14 octobre 2019 à 12 heures.
II. Par une requête enregistrée le 1er juin 2018 sous le n° 18BX02184, la CASUD, représentée par Me A..., demande à la cour, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1600021 du tribunal administratif de La Réunion du 15 mars 2018 et de mettre à la charge de Mme F... le versement d'une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative
Elle soutient que les moyens qu'elle invoque à l'appui de la requête au fond sont sérieux et de nature à justifier sa demande.
Par une ordonnance du 28 août 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 14 octobre 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... C... ;
- et les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme F... a été recrutée par un contrat à durée déterminée le 1er octobre 2011 par la communauté d'agglomération du sud (CASUD) pour exercer les fonctions de juriste. A la suite de sa réussite au concours interne d'attaché territorial, elle a été nommée stagiaire le 15 décembre 2013 puis titularisée le 15 décembre 2014 en qualité d'attaché territorial. Par un courrier en date du 6 novembre 2015, elle a demandé au président de la CASUD de lui verser les sommes de 11 712,03 euros correspondant à une perte de traitement sur la période du 15 décembre 2013 au 6 novembre 2015, de 2 744,08 euros correspondant à l'indemnité d'exercice de missions des préfectures (IEMP) et de 2 012 euros correspondant à l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS) qu'elle était selon elle en droit de percevoir à compter du 15 décembre 2013 ainsi que les sommes de 2 500 euros et de 1 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de l'absence de versement de ces sommes. Cette demande a été expressément rejetée le 12 A... 2016. Par un jugement du 15 mars 2018, le tribunal administratif de La Réunion a condamné la CASUD à verser à Mme F... la somme de 5 750,08 euros sensée correspondre au montant cumulé et réclamé de l'IEMP, de l'IFTS ainsi que du préjudice moral résultant de l'absence de versement de ces indemnités et a rejeté le surplus des demandes. Par la requête enregistrée sous le n° 18BX02183, la CASUD relève appel de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée au versement de cette dernière somme. Par la requête enregistrée sous le n° 18BX02184, elle demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce même jugement. Il y a lieu de joindre ces requêtes pour statuer par un même arrêt.
Sur la requête n° 18BX02183 :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête d'appel :
2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf dispositions contraires, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4 (...) ". Selon l'article R. 811-5 de ce code : " Les délais supplémentaires de distance prévus à l'article R.421-7 s'ajoutent aux délais normalement impartis (...) ". L'article R.421-7 dudit code prévoit que : " Lorsque la demande est portée devant un tribunal administratif qui a son siège en France métropolitaine ou devant le Conseil d'Etat statuant en premier et dernier ressort, le délai de recours prévu à l'article R. 421-1 est augmenté d'un mois pour les personnes qui demeurent (...) à La Réunion (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le requérant demeure à La Réunion, le délai pour introduire un appel contre un jugement du tribunal administratif de La Réunion devant la présente Cour est de trois mois.
4. La communauté d'agglomération du sud (CASUD) bénéficie du délai de distance d'un mois supplémentaire prévu par l'article R. D421-7 du code de justice administrative. Il ressort des pièces des dossiers que le jugement attaqué lui a été notifié le 23 mars 2018. Par suite, la requête de cet établissement public, qui a été enregistrée le 1er juin 2018, n'est pas tardive.
En ce qui concerne la régularité du jugement :
5. En premier lieu, en admettant que l'appelante ait entendu soutenir que le tribunal ne s'est pas prononcé sur la légalité de la décision du 12 A... 2016 par laquelle le président de la CASUD a rejeté sa demande tendant au versement de diverses sommes correspondant au traitement et aux indemnités qui selon elle lui étaient dues, elle a donné à l'ensemble de sa demande le caractère d'un recours de plein contentieux en saisissant le tribunal de conclusions tendant à la condamnation de la CASUD au versement de ces sommes. Dans ces conditions, il n'y avait pas lieu, pour les premiers juges, de se prononcer sur la légalité de la décision dont s'agit. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait irrégulier au motif que le tribunal administratif aurait omis de statuer sur une partie des conclusions de la requête ou se serait mépris sur l'objet de la demande qui lui était soumise ne peut qu'être écarté.
6. En second lieu, dans l'hypothèse où les premiers juges auraient, comme le soutient l'appelante, dénaturé les pièces du dossier dans des conditions susceptibles d'affecter la validité de la motivation du jugement dont le contrôle est opéré par l'effet dévolutif de l'appel, cette dénaturation resterait sans incidence sur la régularité du jugement.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
7. Aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que de la performance collective des services. S'y ajoutent les prestations familiales obligatoires. / Le montant du traitement est fixé en fonction du grade de l'agent et de l'échelon auquel il est parvenu, ou de l'emploi auquel il a été nommé. (...) ". Aux termes de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " L'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale ou le conseil d'administration d'un établissement public local fixe les régimes indemnitaires dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat et peut décider, après avis du comité technique, d'instituer une prime d'intéressement tenant compte de la performance collective des services selon les modalités et dans les limites définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret du 6 septembre 1991 pris pour l'application de ces dispositions : " L'assemblée délibérante de la collectivité ou le conseil d'administration de l'établissement fixe, dans les limites prévues à l'article 1er, la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités ou établissements. (...) / L'autorité investie du pouvoir de nomination détermine, dans cette limite, le taux individuel applicable à chaque fonctionnaire. ".
8. En application de ces dispositions, le conseil de la communauté de communes du Sud, devenue la CASUD, a adopté le principe de l'instauration d'un régime indemnitaire pour ses agents par diverses délibérations.
9. D'une part, par une délibération du 29 mars 2002, le conseil communautaire a institué une indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS) dont le montant individuel attribuable à chaque agent peut être modulé sans pouvoir excéder huit fois le montant moyen annuel s'élevant à 1 006 euros pour les fonctionnaires de catégorie A appartenant au grade d'attaché territorial. Cette indemnité, dont le montant est variable, est accordée " suivant le complément de travail fourni et l'importance des sujétions auxquels le bénéficiaire est appelé à faire face dans l'exercice de ses fonctions ".
10. S'il n'est pas contesté que Mme F... avait vocation à bénéficier de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires à compter du 15 décembre 2013, il résulte de l'instruction qu'à la suite d'une réorganisation du service dont témoigne l'organigramme du 14 novembre 2013, elle assumait à cette date la seule direction du service juridique et n'encadrait que deux agents. Un audit des missions du service juridique effectué en A... 2015 a révélé qu'elle avait en charge un nombre relativement restreint de dossiers évalué à environ une dizaine et qu'elle était assistée d'un cabinet externe d'avocat pour la quasi-totalité des procédures et contentieux en cours.
11. L'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires étant versée aux agents en considération du supplément de travail fourni et de l'importance des sujétions résultant de l'exercice effectif de leurs fonctions, la circonstance que l'administration ait versé à Mme F... une telle indemnité au titre des années 2011 à 2013, au cours desquelles l'intéressée était contractuelle et exerçait des fonctions différentes, n'est pas de nature à justifier le versement de cette indemnité au titre des années 2014 et 2015 durant lesquelles elle n'a eu à faire face ni à un supplément de travail ni à des sujétions particulières. Pour la même raison, Mme F... n'est pas fondée à se prévaloir du fait que plusieurs de ses collègues ont bénéficié du versement de cette indemnité.
12. Dans ces conditions, la CASUD est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le complément de travail fourni et l'importance des sujétions auxquels Mme F... a été appelée à faire face dans l'exercice de ses fonctions justifiaient le versement de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires au titre des années 2014 et 2015 qu'ils ont fixée au montant moyen annuel de 1 006 euros.
13. D'autre part, par une délibération du 29 mai 2006, le conseil communautaire a institué pour les agents relevant du cadre d'emploi des attachés une indemnité d'exercice de missions des préfectures (IEMP) dont le montant moyen annuel, affecté d'un coefficient multiplicateur pouvant aller jusqu'à 3, est de 1 372,04 euros. Cette indemnité peut être modulée " selon la manière de servir de l'agent, appréciée notamment à travers la notation annuelle et ou d'un système d'évaluation mis en place au sein de la collectivité / La disponibilité de l'agent, son assiduité / L'expérience professionnelle (traduite par rapport à l'ancienneté, des niveaux de qualifications, des efforts de formation) / Les fonctions de l'agent appréciées par rapport aux responsabilités exercées au niveau d'encadrement, défini par exemple dans le tableau des emplois de la collectivité ; (...) ".
14. La CASUD soutient que Mme F... ne remplissait pas les conditions pour bénéficier, à compter du 15 décembre 2013, de l'indemnité d'exercice de missions des préfectures dès lors qu'elle a seulement obtenu, au titre de l'année 2014, une note de chiffrée " très modeste " de 14 sur 20 se décomposant en deux notes intermédiaires de 3,60 sur 5 au titre de ses aptitudes générales et de ses qualités d'encadrement et de 3,50 sur 5 au titre de son sens des relations humaines et de son efficacité et que l'appréciation littérale du chef de service se borne à faire mention " de bonnes connaissances " d'un cadre " compétent ". Il ne ressort toutefois d'aucune pièce du dossier que la manière de servir de Mme F..., qui assumait la direction du service juridique et encadrait deux agents, n'aurait pas donné satisfaction à son employeur.
16. Dans ces conditions, la CASUD n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la manière de servir de Mme F... justifiait le versement de l'indemnité d'exercice de missions des préfectures au titre des années 2014 et 2015 qu'ils ont fixée au montant moyen annuel de 1 372,04 euros.
17. Il résulte de tout ce qui précède que la CASUD est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion l'a condamnée à verser à Mme F... la somme de 2 012 euros correspondant au montant moyen annuel de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires au titre des années 2014 et 2015. Par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement en tant seulement qu'il a condamné la CASUD à verser à Mme F... la somme de 2 012 euros.
En ce qui concerne l'injonction :
18. Le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme F... ne peuvent, par suite et en tout état de cause, être accueillies.
Sur la requête n° 18BX02184 :
19. La Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête n° 18BX02183 de la CASUD tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de la requête n° 18BX02184 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
20. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de ces dispositions. Les conclusions de Mme F... tendant au paiement des entiers dépens du procès, lequel, au demeurant, n'en comporte aucun, ne peuvent par ailleurs qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n°18BX02184.
Article 2 : Le jugement n° 1600021 du tribunal administratif de la Réunion est annulé en tant que, par son article 1er, il a notamment condamné la CASUD à verser à Mme F... la somme de 2 012 euros correspondant à l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération du sud (CASUD) et à Mme E... F....
Délibéré après l'audience du 8 juin 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme D... C..., présidente-assesseure,
M. Paul-André Braud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 juillet 2020.
Le président,
Pierre Larroumec
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°s 18BX02183, 18BX02184 2